Mode & fast fashion : surconsommation, pollution, exploitation...

Mode et fast fashion : surconsommation, pollution, exploitation...
Mode et fast fashion : surconsommation, pollution, exploitation...

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Pollution de l'environnement, surconsommation, exploitation des droits humains, impact sur la santé... Focus sur les dérives de la mode et de la fast fashion.

Le secteur textile fait régulièrement face à des scandales, que ce soit dans le domaine environnemental, sociétal ou de la santé. Destruction d’invendus, pollution des eaux douces, exploitation humaine, substances toxiques dans des vêtements pour enfants, déchèterie de textiles à ciel ouvert[1]… On fait le point sur les impacts mondiaux du secteur et les meilleures pratiques pour en atténuer les conséquences.

Sommaire :

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Environnement : la mode, un secteur polluant

Le secteur textile possède un impact environnemental conséquent. Voici quelques chiffres clés pour mieux s’en rendre compte :

  • il est responsable de 2 à 8 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial[2] ;
  • c’est le 3ème plus gros consommateur d’eau (après les cultures de riz et de blé)[3] ;
  • il est à l’origine de 20 % de la pollution des eaux potables mondiales[4] ;
  • il est responsable de jusqu’à 35 % des rejets des microplastiques primaires[5] dus aux textiles synthétiques[6].

Bref, un impact loin d’être nul. Deux éléments sont à mettre en évidence ici : le système de la fast-fashion et l’impact du cycle de vie des textiles. On voit ça un peu plus en détail.

Fast-fashion et fièvre d’achat

Le problème central de la mode est la surconsommation. Voici plusieurs faits alarmants.

  • À l’heure actuelle, on consomme 50 % de textiles en plus qu’il y a 20 ans.
  • On parle de 26 kg de textiles par an et par personne en Europe[7]. C’est énorme !
  • On estime que 70 % de nos vêtements restent inutilisés dans nos armoires. On dit même que l’on pourrait habiller la terre entière pendant plusieurs années si on mutualisait tous les textiles que l’on possède déjà.
  • On observe un phénomène d’obsolescence émotionnelle de nos vêtements[8].
  • La qualité des matériaux utilisés pour confectionner les vêtements est en baisse.

Avec tous ces constats en tête, on arrive à une chiffre choc : on utilise nos textiles trois fois moins longtemps qu’auparavant[9].
En cause, entre autre, l’apparition relativement récente de la « fast fashion » et même désormais de l’ultra fast fashion.

Source : Parlement Européen

Depuis l’apparition du prêt à porter (1950) jusque dans les années 1990, les marques sortaient deux collections par an : en hiver et en été. Avec l’arrivée de la fast fashion dans les années 90, une mode à « bas prix » avec de nouvelles collections toutes les 2 à 6 semaines fait son apparition.

Comment est-on arrivés à ce prix plancher et à cette rapidité de production ? On pointe, entre autre :

  • l’apparition du polyester, matière textile issue de la pétrochimie.
  • la délocalisation de la production dans des pays ayant un salaire minimal bien plus bas.

Ce concept d’immédiateté est même qualifié de « mode éphémère ». Comme les collections changent rapidement, il faut « sauter sur l’occasion » quand on repère un vêtement. On fait désormais face à une montagne de textiles produite chaque seconde.

On parle parfois même de « fièvre acheteuse » aussi nommée « omniomanie ». Ce trouble d’achat compulsif est classé dans la CIM10, le manuel de classification internationale des maladies[10].

Le tableau empire encore avec l’apparition de « l’ultra fast fashion » en 2019. Au menu de celle-ci : des milliers de nouveaux articles chaque jour, des prix dérisoires (quelques euros pour une robe, une chemise ou un pantalon), un marketing important, une forte présence sur les réseaux sociaux et une absence de magasins physiques.

Créer autant de vêtements à un prix aussi compétitif est malheureusement inconciliable avec le respect des droits humains et de la planète.

> En savoir plus sur les fibres polyester et autres fibres synthétiques

Impact du cycle de vie des textiles

Quand on analyse le cycle de vie d’un vêtement, on peut se dire qu’il a bien peu d’impact par rapport à du matériel électronique par exemple. Mais il faut analyser la situation dans son ensemble. Le problème en tant que tel n’est sans doute pas l’unique t-shirt que l’on va acheter mais la quantité de textiles que nous accumulons, créant ainsi une surconsommation (et donc la mobilisation de nombreuses ressources, l’émission de gaz à effet de serres et la pollution des eaux).

Cycle de vie textiles

Résumé des conséquences liées au cycle de vie d’un vêtement par l’ADEME

Société : le secteur textile, peu respectueux des droits humains

Quantité et urgence de production, prix de vente toujours plus bas… Le secteur de la fast fashion est malheureusement connu pour son manque de transparence et de réglementation. L’exploitation de la main d’œuvre est particulièrement honteuse : insécurité physique, sous-paiement des prestations, exploitation (droits bafoués, travail forcé, travail des enfants…).

Non-respect de la sécurité

Il aura malheureusement fallu de nombreux drames humains pour que l’on ouvre les yeux sur les conditions de travail des ouvriers et ouvrières du secteur textile.

Afin d’avoir une main d’œuvre moins chère et augmenter le profit, les entreprises ont délocalisé la production. La fabrication des textiles se fait ainsi principalement en Asie où les entreprises sont peu regardantes quand il s’agit de sécurité et de droits du travail.

L’accident tragique du Rana Plaza, en 2013, a déclenché une certaine prise de conscience en Occident. Pour rappel, le bâtiment au Bengladesh avait été évacué suite à l’apparition de fissures importantes dans les murs. Le lendemain, 24 avril 2013, jour de l’accident, des pressions ont été mises sur les ouvriers pour qu’ils et elles reprennent leur travail. Menacée de ne pas être payée à la fin du mois, la majorité travailleurs est retournée travailler. Résultat, un bilan catastrophique : plus d’un millier de personnes ont péri lors de cet effondrement.

> Plus d'infos sur l'accident du Rana Plaza et ses conséquences

Le Rana Plaza n’est pas un cas isolé. Il est courant, dans ce secteur, de prendre des risques afin de rester « concurrentiel ». Grâce à la pression de plusieurs associations, certains progrès ont été faits en matière de protection du travail… mais de nombreux efforts restent à faire.

Usine

 

Salaire vital non respecté

« Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu’à sa famille une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s’il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale. » C’est la définition du salaire vital dans la déclaration des Droits humains. Mais cette rémunération est rarement respectée dans le secteur textile.

Certaines entreprises affirment payer le salaire minimal du pays… mais dans de nombreux pays, ce salaire ne correspond pas à la définition du salaire vital. Les personnes sont alors obligées de travailler plus, en prenant un autre travail sur le côté ou en acceptant des ne pas compter leurs heures.

> En savoir plus sur le salaire vital grâce à l’outil Fashion Checker d’Ach’ACT.

Cout t-shirt

Comment est réparti le coût d'un t-shirt ? Source : Statista

Exploitation

Il est impossible à l’heure actuelle pour les consommateurs et consommatrices de savoir où se déroulent les différentes étapes de la fabrication d’un vêtement. Travail forcé, travail des enfants, exploitation des migrant·es… Ici aussi la mode dresse un tableau peu reluisant.

Le secteur de la manufacture est concerné par une forme d’esclavage « des temps modernes »[11]. Les personnes migrantes sont alors les plus vulnérables étant donné leur statut précaire… Elles bénéficient d’un salaire encore plus bas que la moyenne.

Ach’ACT explique : « L’absence de paiement en échange du travail effectué par le travailleur, caractéristique du travail forcé tel que défini par les normes internationales en matière de Droits humains et de droits du travail, est typique dans de nombreux cas impliquant des travailleur·euses migrant·es. Au lieu d’aller dans les poches du travailleur ou d’être envoyé à sa famille dans son pays d’origine, l’argent gagné par le travailleur est directement ou indirectement utilisé pour rembourser une énorme dette due aux agences de recrutement de travailleur·euses migrant·es, plaçant ainsi le travailleur dans une situation de ’’servitude pour dettes’’ ».

On dénonce également les entreprises utilisant le travail forcé des Ouïghours. Cette minorité musulmane réprimée en Chine est contrainte de travailler dans des camps de travail forcé dans des champs de coton[12].

Il existe même encore des endroits du monde ou le travail des enfants est toléré, comme au Turkménistan[13]. Heureusement, de plus en plus de pays bannissant cette pratique (comme le Bangladesh depuis 2022)[14].

Santé : des impacts à la production et à la consommation

Perturbateurs endocriniens (phtalates, alkylphénols, perfluorés, retardateurs de flammes…), métaux lourds, PFAS… On trouve de nombreuses substances chimiques dans nos vêtements. Elles peuvent être ajoutées « volontairement » (par exemple pour teindre le vêtement) ou simplement prendre la forme de résidus rejetés par le vêtement.

> Lire aussi :

Sur la santé des travailleurs et travailleuses

Les ouvriers et ouvrières textiles de première ligne font face à des risques physiques et chimiques.

Le CIRC[15] a d’ailleurs classé le secteur d’activités des textiles dans la catégorie « cancérigène probable ». Avec des risques potentiels de nasopharynx, leucémie, cancer de la vessie… notamment dus au formaldéhyde et à d’autres substances chimiques (toutes n’ayant pas encore été identifiées)[16]. Certaines techniques de fabrication sont également problématiques, c’est le cas du sablage des jeans qui peut provoquer la silicose[17], une maladie pulmonaire mortelle[18].

Les problèmes de santé peuvent également impacter les personnes qui habitent dans les alentours des usines. Les eaux rejetées par les usines finissent dans la nature et les cours d’eau sans forcément avoir été assainies. Certains villages des alentours d’usines chinoises ont même tout un temps été qualifiés de « villages cancers »[19].

Sur la santé des consommateurs et consommatrices

Quand on porte un vêtement, on met en contact direct une matière avec notre peau pendant plusieurs heures. Plusieurs effets néfastes pour la santé peuvent être constatés :

  • certaines substances sont allergisantes et provoquent de l’eczéma ou des brûlures de la peau[20] ;
  • certaines teintures engendrent des problèmes du système nerveux central (notamment à cause des métaux lourds)[21] ;
  • d’autres substances sont classées dans la catégorie des perturbateurs endocriniens[22].

Ces conséquences sont particulièrement préoccupantes pour les populations plus fragiles comme les jeunes enfants[23].

En Europe, la législation REACH réglemente l’exposition des personnes à ces substances.  

Quelles sont les alternatives à la mode « classique » ?

Plusieurs options s’offrent à nous. Bien sûr, cela dépend de nos valeurs et de nos moyens. Alors, si possible, on adopte les bons réflexes :

  • on utilise ce qu’on possède déjà ;
  • on favorise la réparation et l’upcycling afin de faire en sorte que nos textiles nous accompagnent des années ;
  • si on achète de nouvelles pièces, on se tourne en priorité vers la seconde main, le troc ou la location ;
  • on peut aussi opter pour la mode dite « éthique ». Cette option est évidemment la plus couteuse. Mais les vêtements éthiques sont généralement solides, constitués de matières naturelles, exempts de substances chimiques, labellisés… Une série de bénéfices à la clé !

Source : The Good goods

 

En savoir plus

 

[2] « Sustainability and Circularity in the Textile Value Chain - A Global Roadmap” Programme Environmental des  Nation Unies (2023)

[3] « La mode sans dessus-dessous » infographie de l’ADEME (2018)

[5] C’est-à-dire les microplastiques qui ne sont pas créés à partir de déchets mais à partir de l'usure des objets

[7]  « Textiles in Europe’s circular economy » Agence européenne de l’environnement (2019) et « A New Textiles Economy: Redesigning fashion’s future » Fondation Ellen MacArthur (EMF) (2017)

[8] L'obsolescence émotionnelle est la perte d’intérêt que l’on peut avoir pour un textile, une fois qu’on l’a acheté. Quelques critères qui influencent la durabilité émotionnelle selon En mode climat « le renouvellement très rapide des collections qui crée le désir, les stratégies de promotions qui créent des sentiments d’urgence et les très grandes largeurs de gamme qui suscitent des achats d’impulsion »

[9] « A New Textiles Economy: Redesigning fashion’s future » Fondation Ellen MacArthur (EMF) (2017) p 19

[10]Achats compulsifs : comment savoir si on est addict ? » Association addictions France (2023)

[14] « Le Bangladesh ratifie la convention sur l’âge minimal » Organisation internationale du travail (2022)

[15] Centre international de Recherche sur le Cancer

[18] La silicose est une maladie incurable et mortelle est provoquée par l'inhalation de poussières de silice et continue de progresser même après que l'exposition aux particules ait cessée. « C’est quoi le problème avec les jeans délavés ? » We dress fair (2023)

[19] « Les villages du cancer », letemps.ch

[22] « Endocrine Disrupting Chemicals in clothing and cosmetics. » Catone, T., Attias, L., & Mantovani, A. (2020).

[23] « Bienvenue bébé » ADEME (2019)

Voir aussi

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