Affaire climat : la justice condamne l’inaction de la Belgique

Photo: Affaire Climat
Photo: Affaire Climat

Le verdict est tombé : la justice condamne l’inaction des autorités belges en matière de climat. Mais elle n’impose pas d’objectifs concrets.

Le tribunal de première instance de Bruxelles a condamné les autorités belges (l’Etat fédéral et les trois Régions) pour leur politique climatique négligente. Après plus de 6 ans de procédure, c’est une victoire historique pour l’association Affaire Climat, soutenue par 58000 codemandeurs.
 

Un jugement sévère

Du côté des victoires, il y a la sévérité du jugement, qui considère que les autorités belges non seulement violent le Code civil mais aussi la Convention des droits de l’homme, en particulier le droit à la vie.

Le tribunal précise notamment que la Belgique est coupable de « ne pas agir comme des autorités normalement prudentes et diligentes » et de ne pas prendre « toutes les mesures nécessaires pour prévenir les effets du changement climatique attentatoire à la vie ».[1]

C’est notamment le manque de coopération entre les Régions et l’Etat fédéral qui est mis en cause dans le jugement, qui les condamne d’ailleurs conjointement et individuellement.
 

Mais pas de contrainte d’objectifs

Au rayon des déceptions par contre, la justice n’impose pas d’objectifs concrets de réduction des émission de gaz à effet de serre. Elle estime qu’au nom de la séparation des pouvoirs, ce sont bien les gouvernements qui doivent fixer les objectifs.

Pour rappel, les demandeurs de l’Affaire Climat réclamaient une réduction des émissions de gaz à effet de serre sur le territoire belge :

  • de 48% (et minimum 42%) en 2025 par rapport à 1990 ;
  • de 65%, (et minimum 55%) en 2030 par rapport à 1990 ;
  • une émission nette nulle en 2050.

Ces chiffres correspondent à la trajectoire que l’on devrait observer pour respecter l’Accord de Paris et maintenir le réchauffement climatique nettement sous la barre des 2°C.

> Lire aussi : L’accord de Paris sur le climat, c’est quoi encore ?

Sur ce point, les tribunaux belges n’ont pas osé aller aussi loin que les Néerlandais et les Allemands dans de récents procès similaires.

Cela suscite évidemment la déception auprès de l’association Affaire Climat qui espérait obtenir des décisions fortes pour rencontrer les défis du changement climatique.

Rappelons que cela commence par un plan énergie climat fédéral ambitieux et la coopération des différents niveaux de pouvoir. Il s’agit déplacer la question du « que doit-on faire ? » vers « comment va-t-on le faire ? ». Plutôt que d ’invoquer des freins à l’action (parmi lesquels la lasagne institutionnelle de la Belgique), il faut dégager des solutions pour avancer.

> Lire aussi : Comment réduire les émissions de gaz à effet de serre de 50% ?

Les plaignants envisagent d’introduire une autre plainte auprès de la Cour des Droits de l’Homme de Strasbourg.
 

Sur quoi portait le procès ?

Les demandeurs reprochaient aux autorités de ne pas respecter les objectifs qu’elles ont pourtant reconnus et acceptés. C’était la première fois que la justice belge devait se prononcer sur l’adéquation des mesures mises en place par les différents gouvernements pour protéger la population des effets des changements climatiques.

Les demandeurs insistent sur la nécessité de faire réellement le maximum pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de la Belgique. La Belgique a diminué ses émissions ces 30 dernières années (-20% entre 1990 et 2019)[2] mais cela reste insuffisant, d’autant que les émissions ne diminuent plus depuis 5 ans.

Le Plan National Énergie Climat 2021-2030[3] est considéré comme pas assez ambitieux. Il s’apparente plus à une compilation de trois plans régionaux, sans cohérence. Et il va déjà devoir être revu puisque la Belgique y affiche un objectif de réduction de 40% d’ici 2030 alors que l'Europe vise maintenant une diminution de 55% des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030.

> Voir : L’accord de Paris a 5 ans, où en est le climat ?

La transition vers une société bas carbone demande des investissements considérables. Des moyens sont déjà disponibles mais sont mal utilisés. Par exemple 2,7 milliards d’euros sont consacrés chaque année à subsidier des énergies fossiles (entre autres via les voitures-salaires).[4]

Ceci dit, au-delà du jugement, l’action en justice – tout comme la marche pour le climat[5] ou les grèves des jeunes pour le climat – cherchait aussi à visibiliser le problème, à attirer l’attention des médias et à mettre la pression sur les autorités publiques.
 

Les Belges ne sont pas les seuls à demander des comptes à leur pays

D’autres procès semblables opposent des citoyens aux états.

En 2018 aux Pays-Bas, l’association Urgenda a obtenu gain de cause dans un procès similaire. La justice a obligé l’Etat néerlandais à réduire ses émissions de gaz à effet de serre.[6] Après le jugement, les ambitions climatiques nationales ont été revues à la hausse.

En février 2021, ça a été au tour de la France. L’Affaire du Siècle y a obtenu la condamnation de l’État pour inaction climatique.

Il y aurait plus de 1300 procès semblables dans le monde (contre les gouvernement mais aussi contre des entreprises).
 

Que faire maintenant ?

 

[5] Il est intéressant de constater dans les conclusions principales de la Wallonie (p.22) qu’il est explicitement mentionné « Suite à l’organisation de la marche pour le climat du 2 décembre 2018 à Bruxelles, à l’Accord de Paris et au rapport spécial du GIEC sur le réchauffement climatique du 8 octobre 2018, le Parlement a adopté une résolution le 19 décembre 2018 ‘visant à repositionner la Belgique dans le débat climatique’ ».

[6] À ce sujet, lire par exemple l’article d’Actu environnement.

 

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