Saint-Nicolas arrive... avec un sac plein de jouets, fabriqués au loin par des ouvriers dont les conditions de vie suscitent l'indignation : salaires de misère, logements insalubres, horaires insoutenables. La hotte du Père Noël, qui fait tant rêver... est remplie de plastique, de piles et d'autres choses peu désirables. De jouets qui contiennent des substances toxiques et terminent souvent leur vie de manière précoce : de piètre qualité, ils cassent vite ou encore, ils doivent céder la place à un autre jouet car ils ne sont déjà plus « tendance ». Et hop, poubelle.

Dans l'univers du jouet, tout n'est pas toujours rose. Mais il y a moyen de jouer avec plaisir... et sans nuire.

A quoi joue l'industrie du jouet ?

Le marché du jouet semble de prime abord peu touché par la crise : il croît de 5 à 7% par an. C'est la Chine qui produit plus de 60 % des jouets vendus mondialement. L'Amérique du Nord, l'Europe et l'Asie sont les plus grands consommateurs de ces produits.

Lorsqu'on y regarde de près, la situation s'avère moins idyllique. Les fabricants de jouets sont sous pression. Ils doivent faire face à une hausse constante du prix des matières premières et de l'énergie. En même temps, les exigences des pays importateurs en matière de sécurité deviennent plus strictes. Seulement, améliorer la qualité des jouets, cela représente un coût. Ce coût est porté uniquement par les fournisseurs et non par les sociétés occidentales qui importent les jouets. Ce n'est pas tout : les importateurs n'hésitent pas à exiger des jouets toujours moins chers, livrés dans des délais toujours plus courts. En plus, le secteur du jouet fait 50 % de son chiffre d'affaires en novembre et décembre. Les fournisseurs doivent donc avoir la flexibilité pour répondre à cette demande plus forte.

Résultat : bien des fournisseurs ne tiennent pas et ferment leurs portes. Les autres augmentent la pression sur les travailleurs. Le secteur du jouet chinois emploie surtout des jeunes femmes migrantes issues de régions rurales pauvres. Elles n'ont pas de formation spécifique. Comme elles n'ont pas non plus droit à une protection sociale quand elles perdent leur emploi, la situation vire vite au drame en cas de licenciement.

Code de (mauvaise) conduite

La Fédération Internationale de l'Industrie du Jouet (ICTI) ainsi que certaines grandes marques ont créé des codes de conduite qui sont censés protéger ces travailleurs. Des enquêtes sur le terrain, effectuées par des associations comme l'ONG chinoise SACOM, montrent une réalité hideuse. Il n'est pas exceptionnel que les travailleurs :

  • prestent des journées entre 11 et 15 heures ;
  • soient obligés de prester des heures supplémentaires, même la nuit ; ces heures supplémentaires ne sont pas toujours rémunérées ;
  • aient des quotas de production. S'ils ne les atteignent pas, ils ne sont pas payés ;
  • n'aient pas de jour de repos pendant la haute saison ;
  • travaillent dans des locaux non ventilés où il fait extrêmement chaud ;
  • soient en contact avec des peintures, colles et autres substances toxiques, sans protection ;
  • logent dans des dortoirs insalubres, parfois sans fenêtres, avec des installations sanitaires insuffisantes ou non entretenues...

Le droit du travail est en général complètement bafoué : les travailleurs n'ont même pas le droit de lire leur contrat avant de le signer. Quitter leur travail est une procédure difficile que la plupart n'envisagent de toute façon pas, n'ayant pas d'autres perspectives.

En théorie, un code de conduite devrait exclure toutes ces dérives. Or, il se fait que le code de l'ICTI est particulièrement peu exigeant. Ainsi, il prévoit un salaire conforme au minimum légal et non un salaire qui permet de vivre dignement. Pour les heures de travail, le code considère qu'une usine peut faire travailler ses ouvriers 66 heures par semaine, alors que la législation chinoise prévoit un maximum de 40 heures par semaine avec 36 heures supplémentaires par mois. Ni ONG ni représentants des travailleurs n'ont été impliqués dans l'élaboration du code et le manque de transparence est total car les rapports ne sont pas publiés. D'ailleurs, le code ne demande qu'un engagement volontaire du fournisseur et les transgressions ne sont pas sanctionnées car les systèmes de vérification sont complètement inefficaces.

Jouets sûrs et durables ?

Tout jouet mis en vente sur le marché européen doit porter le marquage « CE » pour montrer qu'il respecte la législation en vigueur. Une nouvelle directive européenne pour améliorer la sécurité des jouets a vu le jour en 2009. Elle fixe par exemple de nouveaux seuils pour les substances « CMR » (cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques - toxiques pour la reproduction) et les métaux lourds comme le plomb ou le mercure. La directive édicte de nouvelles règles pour les avertissements, l'étiquetage ou les tests en laboratoire. Elle interdit également les jouets incorporés ou cachés dans un produit alimentaire. Cette nouvelle directive est d'application depuis le 20 juillet 2011 (et à partir de juillet 2013 pour les exigences chimiques).

Il était temps. L'association française « 60 millions de Consommateurs » avait testé 66 jouets en 2009. Résultat : 30 d'entre eux contenaient des substances toxiques comme des phtalates (perturbateurs endocriniens) ou du formaldéhyde. Les jouets en bois, eux aussi, contenaient parfois des substances douteuses (vernis, peintures...). Une autre étude, publiée en 2011 par le magazine allemand Oekotest, a constaté la présence dans des tapis d'éveil pour bébés de plusieurs substances problématiques : des phtalates et des substances cancérigènes comme les colorants azoïques, le formaldéhyde ou l'antimoine.

Dernier exemple : certains jouets libèrent du nickel, avait constaté l'association de consommateurs allemande « Stiftung Warentest » fin 2011. Or, 10 % des enfants y sont sensibles. D'autres substances chimiques problématiques pour la santé ont été trouvées pendant l'étude.

Les statistiques du RAPEX reflètent, eux aussi, les problèmes de sécurité posés par les jouets. Qu'est-ce que le RAPEX ? C'est un système d'échange rapide d'informations concernant les produits non-alimentaires sur le marché européen. C'est aussi un système d'alerte qui permet aux États membres de faire retirer le produit du marché ou d'en arrêter l'importation, par exemple. En 2011, 21 % des alertes concernaient des jouets, un chiffre qui est néanmoins en diminution par rapport aux années précédentes.

La nouvelle directive répond donc à une urgence, mais elle présente encore de nombreuses failles. Les limites imposées pour les substances toxiques sont considérées comme insuffisantes par le CSRSE* et des associations de consommateurs comme le BEUC**. Ces organisations estiment que la réglementation devrait viser une élimination totale de ces substances, surtout quand il s'agit de jouets pour les tout-petits, qui les mettent inévitablement en bouche. Elles se montrent particulièrement préoccupées par des métaux comme le plomb ou par les phtalates, substances utilisées pour rendre le plastique souple et considérées comme nocives pour la santé (cf. notre précédent dossier sur les perturbateurs endocriniens).

Last but not least, l'environnement

Quid d'un jouet cassé ou incomplet ? Il atterrit souvent dans la poubelle tout-venant. Les jouets réparables sont, malheureusement, assez rares.

Évitons le plus possible les jouets en plastique fragile, ainsi que les jouets à piles non rechargeables. Choisissons des jouets solides, qui durent longtemps et prolongeons la vie d'un jouet en bon état mais dont on ne se sert plus. En Région wallonne, les intercommunales de gestion des déchets organisent chaque troisième dimanche d'octobre l'action « Un jouet sympa servira deux fois ». Les résultats de la collecte sont encourageants : près de 57.000 jouets collectés en 2012, dont beaucoup en très bon état. De nombreuses associations sont également heureuses de recevoir ballons, jeux de société, puzzles, poupées... Contactez notre service-conseil pour connaître des adresses près de chez vous.

A vos marques... jouez !

Si l'on ne peut éviter entièrement les poupées au physique parfait et autres figurines de galaxies lointaines, il existe plein de jeux et jouets qui feront le bonheur des petits et plus grands, tout en étant fabriqués par des entreprises plus respectueuses de leurs travailleurs, de la santé des enfants et de l'environnement.

Les commerçants réunis dans l'association « Une autre idée du jeu » travaillent dans ce sens : souci des conditions de travail chez les fournisseurs, matériaux sûrs, solides et si possible renouvelables comme le bois, le tissu ou le carton, proximité des fournisseurs pour limiter l'impact des transports... Ils mènent en parallèle une réflexion sur le sens du jeu, sa qualité et le plaisir toujours renouvelé qu'il apporte. Bien sûr, il existe bien d'autres magasins qui ont choisi une démarche résolument différente des grandes chaînes. Les magasins Oxfam offrent depuis des années un choix de jouets et d'instruments de musique fabriqués dans la dignité.

Les jouets en bois peuvent être labellisés FSC, PEFC ou Ange Bleu. Si le premier label concerne uniquement la gestion durable de la forêt, le deuxième garantit également que ce bois n'a pas été traité avec des produits toxiques et que le jouet est exempt de retardateurs de flamme ou de parfums synthétiques, par exemple.

Un jouet en tissu peut être en coton issu de l'agriculture bio ou être certifié « Oekotex 100 », ce qui est le cas de certains tapis de jeux ou tapis d'éveil. Cette certification garantit le respect de seuils pour des substances toxiques dans le produit fini. Les labels allemands « Spiel Gut » ou « GS » (Geprüfte Sicherheit), quant à eux, se concentrent surtout sur la sécurité et les qualités pédagogiques des jeux et jouets.

Pensons aussi aux ludothèques, qui proposent la découverte par le prêt, le partage et la formation. Tout un réseau de ludothèques existe et attend votre visite. La Ligue des Familles organise régulièrement des bourses aux jouets : tout bon pour le budget familial… et l'occasion d'un échange avec d'autres parents et enfants.

Envie de jeux où personne n'est gagnant ni perdant, mais où tout le monde apprend ? L'Université de Paix, l'asbl De Bouche à Oreille ne sont que deux exemples d'associations qui ont à cœur d'éduquer à la coopération et la communication : formations, librairie, magasin, ludothèque... Suivez les liens en bas de page.

Pour terminer, n'oublions pas ce que savent tous les enfants : qu'on peut jouer avec trois fois rien, que la terre à modeler et la pâte à sel, ça fait oublier l'heure qu'il est et que le plus bel espace de jeux, c'est la nature !

Article rédigé par Els De Geest
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* CSRSE : Comité scientifique des risques sanitaires et environnementaux, qui constitue l'un des trois comités scientifiques indépendants non-spécialistes des questions alimentaires chargés de conseiller la Commission européenne sur des questions de sécurité des consommateurs, de santé publique et d'environnement. http://ec.europa.eu/health/opinions/fr/pollution-air-interieur/glossaire/abc/csrse.htm

** BEUC : Bureau Européen des Unions de Consommateurs : www.beuc.org

 

Bonnes adresses :

Contactez notre service-conseil pour d'autres adresses : magasins de jouets, associations qui proposent des jouets de seconde main ou qui récoltent vos dons…

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