La solution aux canicules ? Peindre sa pelouse en vert, pardi !
Votre pelouse ou votre haie est sèche, brunie par le soleil ? Pas de problème, il suffit de la peindre en vert. Et c'est même écolo, paraît-il...
Dans la série « c’est vert donc ça doit être bien », j’ai la joie, l’honneur, le plaisir incommensurable de vous présenter aujourd’hui la peinture pour pelouse. Mais si, vous avez bien lu : de la peinture (verte !) pour gazon. Si vous voulez mon avis, ils n’ont pas fait que la peindre, la pelouse, au département R&D.
Mais à quoi est-ce que ça peut bien servir ? Ben à peindre sa pelouse, pardi. Voire sa haie.
Et à quelle occasion ferait-on une chose pareille ??? Quand il fait sec et que la pelouse est jaunie.
QUOI ?!? DE LA PELOUSE BRUNE ?! Mais, ciel, non : cachez ce brin brun que je ne saurais voir ! Vite peignons-là avant que Mulder et Scully[1] débarquent, pensant que c’est un site d’atterrissage extra-terrestre !
Admettons un instant le souci esthétique et creusons un peu le problème.
Le machin est vendu comme écologique et ne contient que de l’eau, des pigments et « un peu de résine ».[2] C’est carrément biodégradable. Ce fut même labellisé Ange Bleu à une époque, même si ça ne semble plus l’être.[3]
Alors admettons que la chose soit d’une pureté verte à toute épreuve. Prenons l’hypothèse que c’est comme un sirop de menthe bio récolté à la main par des travailleurs.euses qui reçoivent un salaire digne.
C’est une hypothèse.
On balance quand même sur une pauvre pelouse qui séchait gentiment dans son coin, sans rien de demander à personne, un produit qui va rester quelques semaines et qui va immanquablement se retrouver dans le sol (pour les verts de terre ?). Après avoir évidemment demandé des ressources pour être fabriqué, un bel emballage en plastique pour être vendu et du carburant pour être transporté. Et encore on ne compte pas le vaporisateur (vous ne vouliez quand même pas faire ça au pinceau, dites, c’est un coup à se faire inviter à dîner un mercredi soir[4]).
Tout ça, on le rappelle quand même, juste pour avoir une pelouse verte. Pas pour la nourrir, favoriser les pollinisateurs ou donner des oméga-3 aux vers de terre, non non, juste pour la peindre en vert.
Allez, disons que je suis d’humeur franchement utopiste : le recyclage du plastique est parfaitement circulaire et sans impact sur l’environnement (même si vous savez bien que non), la terre regorge de ressources infinies et la pelouse aime bouffer de la peinture.
C’est toujours une hypothèse.
Arrive alors le pire argument, qui va irrémédiablement balayer la bonne volonté que j’ai mise à défendre le produit : c’est présenté comme « responsable ». En effet, grâce à ce produit on « économise de l’eau » parce qu’arroser une pelouse jaunie ce n’est pas « très éco-responsable ».[5]
Là je ne peux plus. Après le greenwashing, le greenpainting.
Si on est d’accord sur l’idée qu’arroser une pelouse brunie avec de l’eau du robinet ce n’est pas le truc le plus écolo du monde, de là à dire qu’il faut la peindre pour économiser de l’eau, il y a un pas qu’on ne franchira pas. Déjà, on peut utiliser de l’eau de pluie. Et puis, à ce compte-là, asphalter une pelouse permet aussi de faire des économies d’eau.
Tant qu’on y est, autant mettre de la fausse pelouse en plastique, des roses artificielles et des faux arbres en bouteilles recyclées, ça consommera encore moins d’eau !
Est-ce que le produit permet à la pelouse de survivre ? Non, elle repoussera une fois quelques pluies passées. Et est-ce que ça fait revivre du thuya tout brun ? Pas à ma connaissance.
Masquer un problème ne le résout pas. On plante des haies qui ne sont pas adaptées ? Les peindre ne va les aider à mieux supporter la sécheresse. On a des canicules à répétition ? Colorer la pelouse ne va rien arranger.
Par contre ne pas augmenter les émissions de gaz à effet de serre en n’achetant pas ce genre de machin, si.[6] Peut-être pas tant sur la non-utilisation du produit que sur la prise de conscience que l’on peut avoir en voyant de plus en plus souvent des pelouses brunies en été. Mais visiblement la méthode « mettre la poussière sous le tapis » reste une valeur sûre…
Dites, on ne va pas se quitter sans dire deux mots sur le prix de cette improbabilité commerciale.
En effet ça coûte 117 € par 10 litres (je donne le prix du paquet familial, par litre c’est encore plus cher). Et avec ça on fait 50 à 60 m² de pelouse (donnée fabricant). Donc pour une (petite) pelouse de 10 x 10 m (un are), ça coûte la bagatelle de 200 € (plus si on a des escargots assoiffés). Avec 200 € il y a de quoi acheter un beau pommeau économique pour sa douche, faire un don à une association qui développe de vrais programmes locaux de replantation et repeindre 80m² de mur avec une peinture à l’argile (il n’y a pas de mention inutile, on peut faire les 3). [7]
Alors vendez de la peinture verte pour pelouses si vous voulez, mais pitié, ne dites pas que c’est écologique et assumez que c’est purement esthétique et temporaire.
[1] Mais si, Mulder et Scully, le duo policier de la série X-files ou « Aux frontières du réel ». C’est dans le thème. Qui d’autre pourrait s’intéresser à une chose aussi improbable que de la peinture pour pelouse ?
[2] Malgré mes recherches je n’ai pas trouvé de fiche de composition permettant de dire quels étaient les ingrédients.
[3] Vu à la télé dans un reportage de France 3. Plus aucune trace du label cependant ni sur le site de Blauer Engel, ni sur celui du fabricant allemand (Rilit), ni sur le site du distributeur français (Green Grass Water).
[4] Encore une référence culturelle pour les plus de 30 ans. Promis, la prochaine fois je parle de Jul ou de Lily Rose Depp.
[5] Lu sur le facebook de la marque.
[6] Et évidemment poser plein d’autres gestes. Voir notre checklist de 16 actions pour le climat #pubécoconso
[7] 30€ le pommeau, 50€ pour l’association, 120 € de peinture écolo permet de peindre 80m² de murs. Et ça existe en d’autres couleurs qu’en vert.