Doit-on réapprendre à utiliser l'électricité ?

L'électricité sera nécessaire pour limiter le réchauffement climatique
L'électricité sera nécessaire pour limiter le réchauffement climatique

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n°130

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La numérisation de la société, la fermeture programmée des centrales nucléaires, le défi du changement climatique, la baisse spectaculaire des coûts de l'éolien et du photovoltaïque partout dans le monde... Tout indique un tournant dans l'histoire de l'électricité. Résultat : la manière de produire et de consommer l'électricité va fortement évoluer ces prochaines années. 

L’électrique comme réponse au défi climatique ?

L'accord de Paris adopté lors de la COP21 ambitionne de limiter le réchauffement climatique à 2°C (voire 1,5°C) par rapport à l'ère préindustrielle. Cela signifie diminuer les émissions de 80 à 95 % à l'horizon 2050 (par rapport à 1990) et de 55% vers 2030.

Pour y arriver, il faudra fortement réduire l’utilisation des énergies fossiles pour le chauffage des bâtiments (gaz et mazout), pour le transport (diesel et essence) et dans l'industrie. L’électricité devra les remplacer notamment via les pompes à chaleur et les véhicules électriques.

De l’électricité ? Voilà peut sembler contre-intuitif ! L’idée est que l’énergie électrique soit produite par des sources d'énergie renouvelables, en Belgique c'est surtout l'éolien offshore en Mer du Nord et onshore et solaire principalement, le potentiel hydraulique étant très limité.

Combiner gestes malins et innovations techniques   

Des solutions existent déjà pour atteindre les objectifs climatiques. Elles passent par une combinaison d’actions :

  • de la sobriété énergétique : changements de comportement et organisation de la société pour réduire les besoins (réduction du gaspillage entre autres) ;
  • de l'efficacité via des évolutions technologiques (augmentation de l'efficacité des appareils et des systèmes);
  • l’utilisation de sources d'énergie renouvelables.

Le défi des réseaux : s’adapter au renouvelable

Dans une perspective de transition vers une société peu émettrice de carbone, l’électricité devra provenir de sources renouvelables. Contrairement au nucléaire, elles sont intermittentes (solaire, éolien) et diffuses (par exemple le photovoltaïque installé chez une multitude de prosumers).

Le problème c’est que les réseaux électriques sont conçus pour fonctionner dans un seul sens : grosses unités de production > transport à haute tension > distribution à basse tension > consommateurs. 

Les réseaux doivent donc devenir intelligents (smart grids) et permettre une circulation de l'électricité et de l'information à double sens entre les acteurs du réseau : producteurs, consommateurs, prosumers (à la fois producteurs et consommateurs, tels les possesseurs de panneaux photovoltaïques) et gestionnaires des réseaux.

Le défi des consommateurs : s’adapter (aussi) au renouvelable

Fini le réflexe le faire tourner le lave-linge la nuit !

La tarification bihoraire, avec une électricité moins chère la nuit et le week-end découle du fonctionnement des centrales nucléaires qui produisent 24h/24 alors que la consommation, elle, chute en heures creuses.

Dans un contexte sans nucléaire (la Belgique a décidé de sortir du nucléaire d’ici 2025) et avec des énergies renouvelables, la réalité est tout autre. L'électricité ne se stocke pas en tant que telle : on peut la transformer en énergie potentielle par pompage - turbinage mais cela demande de la place pour les bassins ou en énergie chimique dans des batteries mais cela coûte cher. Or il faut un équilibre permanent entre production et consommation. Cela nécessite de déplacer au maximum sa consommation vers les moments où la production est la plus forte et d'éviter autant que possible les moments de pointes de consommation. Typiquement, les appareils puissants devront plutôt fonctionner en plein jour, quand la production photovoltaïque est au zénith plutôt que la nuit, lorsqu'elle est nulle.

On évitera par exemple d’utiliser les appareils suivants entre 18h et 20h30, pendant le pic de consommation, car ils sont puissants :

En fonction de l'intensité de leur utilisation, leur consommation d'électricité peut être très élevée (boiler électrique) ou très faible (grille-pain) :

En résumé:

  • Pour diminuer sa facture d'électricité, on va chercher à maîtriser son volume de consommation (en kWh/an) : 100 kWh économisés = 50€ de moins sur la facture.
  • Pour participer à l'équilibre du réseau, on peut en plus calquer une partie de sa consommation sur les périodes de production tout en évitant les pointes de consommation.

Ces conseils valent pour tous les consommateurs, pas uniquement les propriétaires de panneaux solaires.

L’équilibre entre production et consommation est extrêmement important et est assuré par Elia, le gestionnaire du réseau de transport en Belgique mais aussi pour le fournisseur d'électricité (il est sanctionné s'il ne peut assurer l'équilibre de consommation de ses clients). Ce dernier pourrait dès lors proposer des tarifs différents en fonction des moments de consommation (on parle de tarification dynamique). Par exemple : une électricité plus chère entre 18h et 20h30 (correspondant au pic de consommation en hiver) et bon marché l'après-midi.

On pourrait même imaginer que le consommateur soit rémunéré pour offrir de la flexibilité. Par exemple : accepter qu'un « opérateur d'effacement » démarre ou arrête à distance certains de ses appareils (chauffe-eau, lave-linge, sèche-linge, lave-vaisselle...) en fonction de la disponibilité de l'électricité. Idem pour la période de charge des véhicules électriques : procéder à leur recharge pendant les moments de production abondante et, pourquoi pas, les utiliser comme source d'électricité pendant les pics de consommation. Cela suppose toutefois la possession d’un « compteur communicant ».

Un compteur communicant chez moi ?

Pour le consommateur, l’aspect visible de cette évolution des réseaux réside aussi dans les compteurs communicants (aussi appelés compteurs intelligents ou smartmeters).


Pour les gestionnaires de réseau, les compteurs communicants présentent un tas d'avantages :  la transmission d'informations (pour vérifier en permanence l'état du réseau) et la possibilité de les relever et de les commander à distance (modification de puissance, ouverture/fermeture). Plus besoin d'envoyer un releveur ou un technicien : le gain économique, en temps et en efficacité est immédiat.

Pour le consommateur, les bénéfices sont beaucoup moins évidents : un compteur intelligent lui donne peu de renseignements utiles. Il faut des dispositifs supplémentaires, comme des moniteurs de consommation reliés au port client, pour afficher des informations pertinentes. Idem pour commander les appareils à distance : outre des appareils "intelligents" eux aussi, il faut disposer de boîtiers qui permettent la communication avec ces appareils connectés. En outre, un accompagnement est nécessaire pour que l'utilisateur puisse exploiter les informations données par son compteur communicant et les économies d'énergie ne sont pas automatiquement au rendez-vous. 

La facturation pourrait également évoluer : au lieu de payer le même acompte tous les mois, la facture mensuelle recouvrirait la consommation réelle du mois. Avantage : le consommateur se rendrait compte de sa consommation chaque mois. Cependant, si l'électricité est utilisée comme énergie principale pour le chauffage comme dans 3,8% des logements wallons, les factures risquent d'être salées en hiver, provoquant des difficultés de paiement.

Tous les consommateurs n'ont pas la capacité de modifier leur consommation ou leur installation. Ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas être "actifs" et profiter des mécanismes de flexibilité, pourront continuer à utiliser une facturation classique (par exemple avec un relevé annuel) sans être pénalisés.

Le déploiement généralisé des compteurs communicants n'est encore décidé dans aucune des trois Régions en Belgique. Cependant, comme les anciens compteurs ne sont plus fabriqués, ce sont déjà des compteurs communicants qui sont installés lors des remplacements de compteurs défectueux et des nouvelles installations. Leur fonction de communication n'est cependant pas activée. En Wallonie, une résolution du parlement vise à encadrer ce déploiement.

Ces changements sont-ils pour aujourd’hui ou pour demain ?

Les modifications dans les usages de l'électricité seront progressifs. Certains sont déjà d’actualité, comme l’installation des compteurs intelligents.

Les autres changements vont d'abord se voir sur la facture, notamment via la contribution à l’énergie verte et via les frais de distribution (actuellement ils représentent un tiers de la facture et seront amenés à augmenter). Ils se marqueront aussi au niveau du compteur, dans les tarifs proposés par les fournisseurs et dans une utilisation accrue des objets connectés permettant une gestion à distance.

Le citoyen peut s'intéresser à l'électricité de différentes manières :

  • choisir le contrat qui lui convient le mieux
  • maîtriser sa consommation
  • produire lui-même de l'électricité (panneaux photovoltaïques)
  • ou encore investir dans une coopérative citoyenne. 

Pour aller plus loin

En attendant ce futur électrique voici quelques pistes pour maîtriser sa consommation d'électricité :

Résolution relative à l’encadrement du déploiement des compteurs communicants en Wallonie, 21 septembre 2016

Cycle de rencontres de l'énergie organisé par la CWaPE consacré aux systèmes énergétiques du futur. Quels systèmes énergétiques connaîtrons-nous en 2030 ?

Voir aussi

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