Le petit déjeuner plein de vide

Un pot... plein de vide.
Un pot... plein de vide.

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Dans notre monde où la concurrence, la rapidité et la multiconnexion se disputent le trophée de plus grande plaie de l'humanité, le temps semble souvent nous échapper. Alors on est à l'affût de toute solution permettant de gagner quelques précieuses secondes. N'en déplaise aux adeptes de la contemplation et de la pleine conscience.

C'est là que le marketing et la société de consommation montrent toute l'étendue de leur génie.

Sisi, de génie, parfaitement. Avant de nous envoyer des mails déchaînés, voyez plutôt.

Nous manquons de temps ? Qu'à cela ne tienne : un supermarché est prêt à nous soulager d'une tâche extrêmement chronophage. En personnes sensées, vous vous dites que l'on a enfin trouvé une solution rapide au repassage, à la vaisselle ou, soyons fous, aux problèmes de transport (chic : un frigo qui servirait de téléporteur, voilà de quoi renvoyer le RER aux calendes grecques – comment ça il y est déjà ?).

On peut rêver mais non  : pour nous faire gagner du temps, on nous a inventé le petit-déjeuner sain à emporter. (Parce que le petit déjeuner pas sain, on avait déjà.)

Point d'orange prépelée ou de pomme prédécoupée ici * mais bien une portion de 55g de muesli (ou de flocons d'avoine) à emporter.

C'est le concept : un pot en plastique, recouvert de carton dans lequel traîne une poignée de muesli, qui se demande sans doute un peu ce qu'il fait là, dans cet espace immense. Car le pot est grand : près d'un demi-litre de contenance pour 55g de céréales. Et donc, beaucoup d'air.

Ah-aaah ! Voilà la clé du concept : nous vendre un grand pot plein de vide dans lequel on doit mettre du lait, qui n'est pas fourni.

(…)

Car oui, le lait n'est pas fourni, d'où le vide immense.

Là, je vous avoue avoir du mal à saisir l'intérêt de la chose. Au moins, dans le yaourt « petit-déjeuner » , tout est compris. C'est pas mieux, loin de là, mais, quelque part, on comprend l'idée d'avoir tout sous la main rapidement.

Ici, non, il faut amener nous-même le lait.

Deux possibilités à ce stade.

Vous prenez votre pot plein de vide et une bouteille de lait avec vous. Pour préparer le machin quand vous êtes en route. Certes c'est mauvais esprit, je vous l'accorde, mais imaginer quelqu'un en train de transporter sa bouteille de lait – qui ferme en général aussi bien qu'une centrale nucléaire belge – et verser ledit lait dans le pot en marchant, en voiture ou dans le bus, je rigole. Vous pouvez aussi le préparer une fois arrivé au bureau, avec le lait, éventuellement non périmé, qui se trouverait dans le frigo de votre entreprise. Si du moins vous travaillez dans un bureau.

Ou alors, plus plausible, vous mettez le lait quand vous êtes encore chez vous. D'autant que le machin existe aussi avec des flocons d'avoine à réchauffer au micro-ondes une fois le lait versé (là ça devient chaud pour le transport : dites, chauffeur, c'est où encore la prise de courant ? C'est pour mon micro-ondes. Mais non je ne me moque pas de vous, voyons).

C'est un peu la seule utilisation utile du machin : le manger en route, avec du lait dedans. Personnellement je ne me baladerais pas avec ce pot rempli de lait, quand je vois le couvercle fourni. Faut être joueur. Et puis manger en marchant ou devant son ordinateur n'est pas la meilleure façon de petit-déjeuner.

Allez, soyons de bon compte et admettons que ça puisse éventuellement être utile pour prendre un bol de céréales tout en marchant.

Reste le prix et les déchets.

Parce qu'en plus c'est cher ? Ah, c'est ça le génie, ça se paie. 18 € du kilo, ou un moins impressionnant 0,99 € le pot (pour 55g, donc). Les flocons d'avoine au prix du jambon cuit de qualité , il fallait oser. Je ne vous trouve même pas de légume aussi cher au kilo pour faire une comparaison plus végétarienne. Le prix s'explique peut-être aussi parce que ça contient des myrtilles glycérinées édulcorées séchées. Je ne sais pas ce que c'est, mais ça a l'air sérieux.

Ou bien c'est parce qu'il faut payer tout l'emballage, qui représente à lui seul 24 % du poids total du machin (vide compris). Ou encore le carburant des camions qui vont transporter les milliers de pots plein de vide. Le vide, c'est léger, mais quand c'est en pot, ça prend de la place.

Pour la version à mettre au micro-ondes, je vous parlerais bien aussi de la migration potentielle de composés du revêtement intérieur en plastique (alors que l'extérieur du pot est en carton, seule bonne idée de la chose), mais ça on le fait déjà dans notre nouvelle brochure.

C'est ce que je disais : c'est génial. Arriver à nous vendre cher un truc pas pratique et produisant plein de déchets, il fallait le faire. C'est presque beau dites-donc.

Et vous, vous en pensez quoi ?

* BONUS : retrouvez la pomme prédécoupée, un des premiers objets inutiles écornés par écoconso en 2005. Avec de vrais morceaux de mandarine et d'orange dedans.

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