Vente en ligne : quel impact sur l'environnement ?

Vente en ligne : quel impact sur l'environnement ?
Vente en ligne : quel impact sur l'environnement ?

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La vente en ligne, on l’adore mais on la critique. En cause : son bilan écologique et social, qui ne serait pas terrible. On fait le point.

Amazon, le géant de la vente en ligne fait régulièrement l’objet de campagnes de boycott. Mais l’e-commerce, c’est bien plus que les poids lourds du commerce mondial. C’est aussi une opportunité pour beaucoup d’artisans et de petits entrepreneurs de vendre en direct. Les achats en ligne ne sont pas forcément pires que les achats en magasin. À certaines conditions.

> Voir nos 8 conseils pour concilier achats en ligne et environnement

Mais alors, que reproche-ton exactement à l’e-commerce ?

Sommaire :

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La livraison et les retours plombent le bilan environnemental

C’est la livraison de la commande au consommateur – ainsi que le trajet inverse si le produit est renvoyé – qui pèse le plus lourd dans l’impact écologique de l’e-commerce. [1] Diverses études s’intéressent à l’impact environnemental de la vente en ligne et toutes s’accordent sur ce point.

La livraison

La livraison en point-relais est une meilleure option que la livraison à domicile. Il arrive souvent que le destinataire ne soit pas à la maison. Cela oblige le livreur à refaire un passage le lendemain et multiplie donc les transports, ce qui alourdit le bilan écologique de la vente en ligne. Si 75% des livraisons se faisaient en point de dépôt, l’impact environnemental du « last mile » (le trajet du dépôt vers le point de livraison) pourrait être réduit de 60 à 80%, selon une étude du VIL (Vlaamse Instituut voor de logistiek). [2] Cette mesure n’est cependant valable que si on va chercher son colis sans trajet supplémentaire (sur le chemin du travail par exemple) ou en utilisant un moyen de transport peu polluant (vélo, marche).

Les boutiques d’e-commerce réfléchissent d’ailleurs à comment rendre la livraison à domicile plus « verte » en optimisant au mieux la livraison ou en utilisant des moyens de livraisons moins polluants.[3]

Les livraisons express sont de plus en plus un argument de vente. Mais une livraison express est potentiellement une livraison différente d’un circuit régulier et donc un trajet supplémentaire.[4] Bonne nouvelle : le consommateur est en demande de durabilité, surtout les jeunes. 75% des Européens seraient prêts à attendre un colis plus longtemps s’ils étaient au courant qu’une livraison rapide avait plus d’impact sur la qualité de l’air et les embouteillages. 60% seraient même prêts à payer plus pour une méthode de livraison plus « durable ».[5] La balle est dans le camp des commerces en ligne pour instaurer plus de transparence et de choix quant aux méthodes de livraison.

Enfin, une même commande peut être livrée en plusieurs paquets, qui nécessitent donc plusieurs trajets. Le client peut parfois choisir s’il préfère recevoir les produits dès qu’ils sont prêts ou via un envoi groupé. Mais dans le faits, même en choisissant cette option, la commande arrive parfois en plusieurs colis. En particulier quand on commande chez les grands acteurs de l’e-commerce. Leurs millions d’articles sont répartis entre plusieurs entrepôts et chaque produit commandé par de l’entrepôt le plus proches. Quitte à ce que le client se retrouve avec 5 paquets différents pour 5 produits pourtant commandés en même temps auprès du même vendeur. On retrouve logiquement moins ce problème auprès des petits commerces en ligne dont les stocks sont plus limités.

Les renvois

L’impact environnemental de la livraison explose si l’article est renvoyé. Pourtant, la gratuité des retours reste un argument de vente : « Commandez plusieurs pulls, essayez-les à l’aise chez vous et renvoyez ceux qui ne vous plaisent pas ».

C’est surtout vrai pour produits : près de la moitié des chaussures et vêtements commandés en ligne seraient retournés.[6] Selon Greenpeace, les Allemands de moins de 30 ans renvoient 25% de leurs achats. Pire : plus de la moitié d’entre eux savent, dès l’achat, qu’ils renverront une partie de leur commande.[7]

Heureusement, les retours gratuits sont de plus en plus remis en question, parfois même par des acteurs qui ont construit une partie de leur succès sur cet avantage.[8]

> Voir nos astuces pour bien choisir ses achats en ligne et éviter les renvois.

À côté de la livraison à domicile, même les livraisons en magasin peuvent poser soucis. En Grande-Bretagne, un acheteur sur 7 ne viendrait pas chercher sa commande ![9] Certains articles restent alors sans doute en vente dans le magasin. Mais on peut supposer que si le produit ne fait pas partie de l’assortiment habituel du commerce, il sera plutôt renvoyé à l’entrepôt central. Avec encore un trajet et des émissions de CO2 au passage.

Les boutiques en ligne s’intéressent de plus en plus à ces questions. Certaines promettent une neutralité climatique.[10]

Trop d’emballages

L’impact de l’emballage varie d’un produit à l’autre et est généralement plus important pour la vente en ligne que pour la vente en magasin.[11] Les emballages du commerce en ligne représentaient même 30% des déchets solides produits par les ménages aux USA, d’après L’Agence (américaine) de Protection de l’Environnement.[12]

Des colis e-commerce suremballés
Interpellant suremballage pour certaines commandes en ligne !
Quand on commande en ligne, on est parfois surpris par la taille de l’emballage. On est certain d’avoir commandé un multiprise mais à la taille du paquet reçu, on se demande si on ne s’est pas fait livrer une statue de Hulk grandeur nature.

Selon une étude effectuée sur 621 paquets envoyés en Belgique, le taux de remplissage des boîtes n'est que de 63 % en moyenne. Réduire de 20 % la taille de l'emballage permettrait d'utiliser moins de camions, voire de les remplacer par des véhicules plus petits (et donc moins polluants).[13]

Malheureusement on a rarement le choix de l'emballage lorsque l'on commande en ligne. Il est parfois possible de demander l'envoi du colis dans l'emballage d'origine du produit mais il n’offre souvent pas une protection suffisante. Certains sites proposent de donner son avis sur l'emballage utilisé. Si rien n'est précisé, on n’hésite pas à contacter le fabricant et/ou le vendeur pour signaler tout suremballage.

Mais les techniques évoluent : il existe des machines qui « construisent » le carton d’emballage à la demande, en fonction de la taille de l’objet.[14] Des initiatives d’emballages réutilisables existent également comme Limeloop ou Repack.[15]

La question du suremballage est surtout liée aux grands groupes. De plus petits commerçants, notamment ceux sensibles au zéro déchet, utilisent des emballages plus adaptés, voire même de récup.

On peut garder ces emballages pour de futurs envois (si on vend soi-même en ligne), ou on les trie pour recyclage :

  • papiers/cartons pour les cartons d’emballage et les papiers de remplissage ;
  • poubelle non triée pour les chips de calage en plastique ou les rembourrages en poches gonflées d’air ;
  • le parc à conteneurs pour la frigolite blanche non souillée.
     

Tendance à la surconsommation

Le commerce en ligne ne fait pas que prendre des parts de marchés au commerce « offline ». Il augmenterait aussi la taille du marché. On achèterait donc plus.[16] Pas étonnant quand on parcourt la liste des techniques utilisées pour vendre en ligne.

Traque et relance du consommateur

Les outils numériques offrent des possibilités marketing énormes. Un parcours typique pourrait ressemble à ceci :

  • On cherche en ligne l’adresse d’un cordonnier pour faire ressemeler ses chaussures.
  • Les jours suivants, comme par hasard, des pubs pour des chaussures neuves apparaissent en marge des sites Internet qu’on visite.
  • L’une des paires semble sympa et on clique. Par curiosité parce qu’on ne connaît pas cette marque. Finalement, on se dit que ressemeler les anciennes fera bien l’affaire.
  • Le lendemain apparaît dans son fil d’actualités Facebook une pub pour l’exacte paire de chaussures sur laquelle on s’est attardé. On résiste.
  • Jusqu’au 4e jour consécutif d’apparition de la pub. On n’a toujours pas été chez le cordonnier et ces chaussures sont quand même très jolies. En les commandant aujourd’hui, on pourrait les recevoir après-demain. Plus rapide que d’aller chez le cordonnier. On retourne sur le site, on les ajoute dans son panier d’achat. Mais à la dernière minute, on se dit que ce n’est quand même pas très raisonnable. On quitte le site sans commander.
  • Une semaine plus tard, on reçoit carrément un mail. Les chaussures sont en promo à -20%. On n’a toujours pas eu le temps de s’occuper des anciennes chaussures. Allez, plus d’hésitation, on achète !
  • Désormais, on reçoit chaque semaine les offres spéciales (et personnalisées) de ce site d’e-commerce.

Quel magasin physique, quelle petite boutique indépendante a cette force de frappe marketing ? Peut-être aurait-on été tenté en passant devant la vitrine du magasin de chaussures. Mais si on avait résisté, l’histoire se serait arrêtée là.[17]

> Voir nos conseils pour limiter la pub sur Internet.

Promotions récurrentes

Black Friday[18], Cyber Monday, French Days…[19] autant de ramdams commerciaux qui poussent à la consommation et augmentent les retours de produits.

Pour certains, le Black Friday – pour ne prendre que cet exemple – décalerait les achats sans nécessairement pousser à acheter plus.[20] Ceci dit, on parle seulement ici des achats réels, sans tenir compte des commandes renvoyées.

De plus, si ces événements existent, ce n’est pas par pur volonté de faire bénéficier les consommateurs de prix cassés. C’est aussi parce que ça marche.

On ajoute à cela des visuels de « prix barrés » et de ventes à durée limitée. Qui prend le temps de vérifier quel est vraiment le prix habituel quand il y a l’urgence de la promo ?

Enfin, dans les produits conservés par les acheteurs, combien sont réellement utilisés ? Difficile à dire.

Options premiums et abonnements

On est sur le point de valider sa commande sur Amazon et là apparaît un gros bouton coloré qui nous invite à profiter de la livraison gratuite chez soi dès le lendemain. Il suffit pour cela de « devenir Prime ». Pour commander sans cette option, on cherche où cliquer. Serait-il possible que l’abonnement soit obligatoire ? Ah non, il y un lien pour commander sans cela, il est noté en petit, en gris sur fond blanc, en-dessous du gros bouton coloré. On ne sait jamais, sur un malentendu, ça peut fonctionner.

À la clé, un paiement mensuel pour un service dont on n’a pas nécessairement envie. Mais qui encourage évidemment à continuer à commander chez le géant de l’e-commerce puisqu’on y profite de la livraison rapide et gratuite.
 

Retours et invendus : des produits parfois détruits

Qu’arrive-t-il aux invendus et aux articles retournés au vendeur ?

C’est là qu’on voit à quel point le système est basé sur une logique commerciale et oublie complètement l’environnement :

  • Pour certains gros acteurs comme Amazon, il est parfois plus avantageux de détruire des articles invendus (parfaitement fonctionnels) que de les stocker.
  • Certains vendeurs tiers (autres qu’Amazon, mais vendant sur Amazon) préfèrent aussi laisser des produits non désirés à leurs consommateurs (en les remboursant !) que de devoir gérer des retours.[21] Parce que ça revient tout simplement moins cher que de devoir récupérer le produit, le vérifier et le stocker.

Autant de produits en parfait état qui, du coup, sont détruits ou risquent de rester traîner dans un tiroir plutôt que d’être effectivement utilisés. L’Allemagne songe à interdire la destruction de produits.[22]
 

L’impact social et l’éthique

Le coût social des livraisons (embouteillages, pollution de l’air, bruit…) s’élèverait à 45 000 € par jour en Belgique en 2017, d’après une étude belge.[23] L’étude ne met cependant pas en rapport vente en ligne et vente en magasin. Mais elle confirme l’impact de la livraison lors d’un achat en ligne et du soin à apporter à celle-ci (éviter les livraisons manquées, livrer en point-relais…).

De manière plus large, la vente en ligne va aussi poser des questions sociales et éthiques en ce qui concerne :

  • les conditions de travail dans les giga-entrepôts des géants de la vente en ligne (principalement Amazon, mais sans pouvoir affirmer que la situation est meilleure ailleurs).
  • les conditions de production des produits. Dans les produits achetés en ligne, on retrouve beaucoup de vêtements, de chaussures mais aussi d’appareils électroniques. Des articles souvent produits dans des conditions décriées en Chine, au Bangladesh et ailleurs.
  • l’impact sur le tissu commercial existant. Si la vente en ligne permet l’émergence de nouveaux commerces, parfois physiques, elle se fait aussi au détriment des commerces existants.
  • la fiscalité. Les grands groupes peuvent se permettre de faire de l'optimisation fiscale. Légale ou pas, dans tous les cas c’est aussi un manque à gagner pour l’État et donc les services publics que celui-ci offre.
  • la protection de la vie privée. Il existe certains services que l’on peut commander en ligne et payer cash. Il existe aussi des sites où l’on peut commander sans créer de compte client. Mais c’est plutôt rare. La plupart du temps, les sites de vente en ligne demandent l’adresse du client (même si on fait livrer en point relais), un numéro de téléphone et un paiement électronique.

Ces questions ne sont pas inhérentes à la vente en ligne. Mais peuvent être renforcées par celle-ci.
 

Plus d’info

 

[1] Si on compare un même produit livré de façons différentes au destinataire final.

[2] Étude disponible sur le site du VIL. Attention que cette réduction n’est réelle que si on va chercher le colis au point d’enlèvement avec un mode de transport non polluant (à pied, à vélo… voire en voiture mais uniquement si le point d’enlèvement est sur un chemin effectué pour une autre raison).

[3] Tour d’horizon des moyens sur retaildetail.be (article sur abonnement).

[6] En Allemagne. Source : Retail Detail.

[7] À lire sur le site de la RTBF. La banque Barclays ferait le même constat avec 30% d’articles commandés renvoyés (commande de vêtements en plusieurs tailles pour essayer par ex.).

[8] Zalando par exemple. Source : Retail Detail. L’Unizo (association flamande des commerçants indépendants) est même en faveur d’une interdiction des retours gratuits (Lesoir.be).

[9] Source : Retail Detail

[10] À lire sur retaildetail.be.

[11] Selon le résumé de cette étude de l’Université de Lund (Suède).

[12] E-commerce et déchets : ça craint ! – article d’IEW.

[13] Étude du VIL disponible ici.

[14] Par exemple Packsize.  

[15] Cité dans « E-commerce et déchets : ça craint ! » – article d’IEW. Repack a également une liste assez étendue des webshops qui utilisent cet emballage réutilisable. Pas de « gros » webshop cependant dans la liste.

[16] Quelques éléments d’information dans cette étude réalisée en 2017 en Europe.

[17] Basé sur une histoire vraie ;-) Quelques éléments « psychologie de la consommation » dans cet article de la RTBF.

[18] Le Black Friday a généré en France en 2016 40 % de trafic en plus et des ventes multipliées par deux par rapport à une période « normale ».

[19] En français dans le texte !

[20] Le Black Friday ne pousse pas à la surconsommation - Trends-Tendances (Amid Faljaoui, 25/11/19).

[21] Selon cet article de la RTBF, citant notamment une enquête de la ZDF (télévision allemande).

[23] Étude citée sur Gondola.be.

 

Voir aussi

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