Les cosmétiques naturels, où en est-on ?

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n°63

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Guillemette Lauters

Les produits cosmétiques ont été attaqués de toutes parts pour les ingrédients potentiellement toxiques ou polluants qu'ils contiennent. Depuis, la cosmétique naturelle et bio est en plein boom, les grandes marques sont rapidement apparues sur ce secteur et la jungle des labels ne cesse de se complexifier. Devenus plus accessibles, ces cosmétiques sont-ils pour autant plus sûrs et si naturels et bio qu'ils le prétendent ?

Le boom de la cosmétique naturelle

Plus qu'une mode, la consommation de cosmétiques bio ou naturels devient une tendance de fond qui ne se dément pas depuis plusieurs années. Alors que le secteur des cosmétiques classiques a relativement mauvaise image et stagne, c'est tout l'inverse pour la cosmétique bio, qui bénéficie de la confiance des consommateurs. En 2009, en pleine crise économique, le secteur de la cosmétique bio affichait ainsi une croissance de 14 %, contre 4% pour le secteur cosmétique en général.

Pour profiter de cet engouement et se positionner sur ce secteur au côté des petits indépendants pionniers, les grands groupes cosmétiques ont racheté des entreprises déjà bien en place (par exemple, L'Oréal a racheté Sanoflore ; Clarins a acquis Kibio) ou créé leur propre gamme de produits certifiés (L'Occitane, Nuxe...). Même les marques des grandes surfaces s'y sont mises (Ushuaïa, Le Chat, Carrefour...). Toujours majoritairement vendus en circuits spécialisés (magasin bio, herboristerie, internet, pharmacie), la cosmétique bio est désormais entrée dans la grande distribution.

Face à cette croissance, les enjeux de la cosmétique naturelle sont d'importance. Fabriquer en quantité des cosmétiques qui se conservent bien, sont d'une texture agréable et stables dans le temps et sont relativement bon marché avec uniquement des ingrédients naturels n'est en effet pas une mince affaire.

De nombreux composants de synthèse n'ont pas d'équivalent en naturel, ou alors à des prix trop élevés. Par exemple seuls 10 % des tensioactifs présents sur le marché sont sur base naturelle. Les huiles et beurres végétaux sont de bons hydratants, protecteurs et émollients, mais leur prix est beaucoup plus élevé que les huiles minérales et leur production massive peut poser problème (pensons à l'huile de palme, omniprésente dans les produits d'hygiène notamment les savons, dont l'exploitation provoque une déforestation importante). De même, il est très difficile de trouver une alternative aux silicones et ammonium quaternaires rendant les cheveux souples et soyeux dans les après-shampoings. La question du remplacement des conservateurs de synthèse est également très délicate.

Il y a du «sans» partout

Même si les attentes des consommateurs et la mise en application progressive des réglementations contraignantes (législation européenne en matière de cosmétique, REACH) encouragent les fabricants à s'intéresser aux composants d'origine naturelle, la tendance des industriels est donc plutôt de multiplier les composants certifiés bio ou issus du commerce équitable sans nécessairement revoir le reste de la formulation. Une autre tendance marquée est de substituer quelques ingrédients synthétiques particulièrement médiatisés.

La mention «sans...» fleurit ainsi sur tous les produits : «sans parfums», «sans conservateur», « sans parabens», «sans phénoxyéthanol», «sans PEG», «sans silicone», «sans SLS», «sans sels d'aluminium», «sans propylène glycol», «sans huile minérale», «sans EDTA», «sans OGM»… En bref «sans danger» bien sûr ! Mais si nous nous intéressons à ce que les produits contiennent et non à ce qu'ils ne contiennent pas, il en va parfois tout autrement.

Les femmes enceintes et les enfants, par exemple, devraient éviter les parfums de synthèse dont certains sont des perturbateurs endocriniens ou des reprotoxiques. Mais ils sont souvent remplacés dans les produits «sans parfums» par des huiles essentielles potentiellement allergisantes, dermocaustiques ou abortives.

De même si un produit affiche «sans parabens», «sans phénoxyéthanol» ou «sans conservateurs», cherchons toujours quel est le moyen de conservation alternatif utilisé. Un produit cosmétique, souvent riche en eau, est en effet propice au développement rapide des bactéries et champignons dangereux pour la santé. Un moyen de conservation est indispensable dans la plupart des cas, mais les alternatives efficaces sont peu nombreuses. Les fabricants contournent souvent le problème en remplaçant simplement les parabens et phénoxyéthanol bien connus par d'autres conservateurs de synthèse moins médiatiques, mais qui peuvent également poser question ou sur lesquels nous avons moins de recul (par exemple les methylisothiazolinone et methylchloroisothiazolinone très sensibilisants, ou les libérateurs de formaldéhyde potentiellement cancérigène : DMDM hydantoin, Imidazolidinyl urea, 2-bromo-2-nitropropane-1,3-diol...). De plus, la mention «sans...» n'empêche pas la présence fortuite et en faible quantité de la substance incriminée. En effet, les matières premières utilisées sont souvent conservées à l'aide de conservateurs de synthèse. C'est ainsi qu'en France, une enquête de la DGCCRF et de l'Afssaps en 2008 a montré que sur 43 produits «sans conservateurs», 13 en contenaient.

Une autre solution employée pour conserver les cosmétiques est d'ajouter au produit plus de 25 % d'alcool ou d'utiliser des huiles essentielles. Attention là aussi, l'alcool peut être asséchant et irritant pour les peaux sensibles et les huiles essentielles ne sont pas sans risques. Pour limiter l'exposition à ces substances, le mieux est encore de choisir des produits contenant le moins d'eau possible, voire n'en contenant pas (baumes composés de beurres et huiles végétales par exemple), et de préférer les tubes, flacons doseurs et emballages airless qui limitent les risques de contamination.

La guerre des labels

Actuellement, rien n'encadre les termes «bio», «naturel» ou la mention «sans...» dans la réglementation des cosmétiques. Employés à tort et à travers, ces indications ne nous apportent donc plus grand-chose, voire peuvent clairement nous induire en erreur ou être mensongères.

Si se fier à l'un ou l'autre label est déjà un bon réflexe, ce n'est pas si sûr qu'on y voit plus clair pour autant. Les enjeux économiques et stratégiques sont tels, là aussi, que l'on assiste à une multiplication des labels. Aux côtés des Nature & Progrès (le précurseur et l'un des plus exigeants), Ecogarantie, CosméBio et CosméEco et autre écolabel européen est ainsi apparu le label Cosmos qui est censé harmoniser les différents labels européens. On y trouve deux niveaux : Cosmos-Organic et Cosmos-Natural. Comme ce label était trop lent à se mettre en place, certains pionniers du secteur comme Weleda, Lavera et autres Dr. Hauschka ont créé le label NaTrue qui contient 3 niveaux de certification : Natural, With Organic (en partie Bio) et Organic (source : www.observatoiredescosmetiques.com). Enfin, Demeter, la garantie biodynamique, s'étend désormais également aux produits cosmétiques.

Bien évidemment, aucun de ces labels n'a les mêmes exigences (le taux de produits de synthèse peut dans certains cas être important, le pourcentage minimum d'ingrédients naturels ou bio varie, etc.), ni la même manière de présenter les choses. Par exemple l'eau, qui représente souvent la majeure partie du produit, peut entrer dans le calcul des ingrédients naturels pour certains labels ce qui rend difficile la compréhension des pourcentages d'ingrédients naturels et bio indiqués sur l'étiquette et la comparaison entre produits certifiés.

Pour en savoir plus sur chaque label, n'hésitez pas à consulter leur site ou le site www.infolabel.be

Un peu de bon sens

En bref, si en quelques années l'offre s'est diversifiée et les produits sont devenus plus accessibles, il est toujours aussi difficile de distinguer la cosmétique naturelle de la semi ou pseudo naturelle et du greenwashing. Armés de nos loupes et de la brochure « les étiquettes sans prises de tête», nous devons toujours rester critiques et vigilants.

Mais au fond, a-t-on réellement besoin de se compliquer la vie ? Le meilleur moyen de limiter les risques pour la santé et l'environnement est peut-être de se rappeler le bon sens de l'éco-consommation «consommer moins, et mieux». Autrement dit : se limiter à quelques produits certifiés bien choisis, dont les ingrédients sont peu nombreux, clairement indiqués et de qualité. Cela tombe bien : l'hygiène corporelle au quotidien se contente de peu ! En fait, moins on en fait, mieux la peau se porte. Rappelons-nous qu'une bonne hygiène de vie, manger sainement, dormir et boire suffisamment assurent 80 % de la bonne santé de la peau et de son apparence.
Avec uniquement des produits de base, on peut couvrir le reste de ses besoins essentiels.

  • Pour débarrasser quotidiennement la peau et les cheveux de leurs impuretés, du savon de Marseille ou d'Alep ou une base de savon liquide neutre certifiée, personnalisable et convenant pour corps et cheveux (composée de tensioactifs doux sur base végétale, disponible en magasin bio) sont suffisants.
     
  • Pour les soins du visage, du corps et des cheveux, une ou deux huiles végétales de qualité et quelques produits aqueux (eau, hydrolats, gel Aloe vera...) apportent les éléments nécessaires à leur protection et hydratation. Ce sont d'ailleurs les ingrédients de base qui composent la majeure partie des vrais cosmétiques naturels.

    Pour les utiliser, rien de compliqué : émulsionner au moment de l'utilisation une ou deux gouttes d'huile de noisette avec une quantité au moins équivalente d'hydrolat de rose en les mélangeant dans le creux de la main et vous voilà avec votre crème hydratante minute ! L'huile appliquée simplement sur la peau humide en fait tout autant. Cela semble trop simple ? Avec quelques ingrédients de plus, disponibles dans la cuisine ou le jardin, on peut se concocter des cosmétiques maison plus élaborés, tout en faisant bien attention au risque d'allergies et au problème de conservation.

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