Peut-on croire au discours des entreprises qui s'engagent dans la transition durable ? Du greenwashing à la RSE, plongée dans diverses nuances de vert.
On veut que les entreprises réduisent leurs émissions de CO2 et de polluants, qu’elles développent des produits plus écologiques et éthiques, qu’elles cessent d’inciter à acheter toujours plus… Mais quand elles se risquent sur cette voie, on a vite fait de les accuser de greenwashing.
Une chose est certaine : les entreprises sont des acteurs incontournables de la transition écologique[1]. Comment s’emparent-elles des enjeux du développement durable ? Peut-on croire leurs discours ? Du greenwashing à la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises), on trouve toutes les nuances de vert.
Alors comment être un consommateur averti et soutenir leurs actions sans tomber dans le panneau d’une communication parfois mensongère ? Il n’y a pas d’outil simple qui classe les entreprises d’après leur durabilité. Il existe toutefois certaines initiatives intéressantes. Et au final, un peu de bon sens permet aussi de faire le tri. Tour d’horizon.
Sommaire :
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Pas un jour ne passe sans que l’on parle de climat, d’environnement ou de durabilité. Les citoyens sont aujourd’hui très informés et sensibilisés à ces questions. D’après eux, après les États, ce sont aux entreprises d’agir en priorité.[2] Cela impacte leurs choix lorsqu’ils font des achats.
Même si le prix reste de loin le premier critère, 44% des consommateurs déclarent prendre en compte les informations environnementales lorsqu’ils choisissent un produit. Ils sont même un quart à avoir renoncé à un achat au cours de l’année écoulée en raison d’une insuffisance de la marque ou de l’enseigne sur le plan environnemental, social ou sociétal.[3] De nombreux consommateurs sont aussi prêts à payer plus pour des produits qui respectent leurs valeurs.
Évidemment, ces enquêtes reposent sur des déclarations mais cela révèle tout de même d'importantes attentes en matière d’engagement des entreprises. Pendant longtemps les entreprises se sont surtout concentrées sur la maximisation de leurs profits. Aujourd’hui, volontairement ou poussées dans le dos par les consommateurs et l'évolution des législations[4], elles doivent aussi intégrer le développement durable.
Avec la puissance qu’ont acquise les multinationales, est apparue la Responsabilité Sociétale des Entreprises. RSE pour les intimes.[5] Elle ne s'attache pas aux produits mais concerne l’entreprise dans son ensemble.
La RSE c’est la responsabilité d’une organisation quant aux impacts de ses décisions et activités sur la société et sur l’environnement, qui se traduit par un comportement transparent et éthique. C’est en tout cas comme ça qu’elle est définie par la norme ISO 26000.
La norme ISO 26000 pose des questions dans sept domaines :
C’est réellement LE référentiel qui établit les lignes directrices en matière de RSE. Malheureusement, il n’aboutit pas à une certification.
Adopter un plan de RSE n’a rien d’obligatoire. Ceci dit, beaucoup de grandes sociétés réalisent désormais un « reporting non financier ». Il prend souvent la forme d’un rapport annuel pour expliquer les actions et les progrès effectués dans tous les domaines de la RSE.
L’ONU a défini l’Agenda 2030, un vaste plan d’action signé par 193 pays, qui repose sur 5 piliers (les 5P) : populations, planète, prospérité, paix et partenariats. L’Agenda 2030 est assorti de 17 Objectifs de Développement Durable[6], ou ODD[7]. Ces ODD ne sont pas uniquement destinés aux gouvernements, les organisations et les particuliers sont aussi invités à les adopter.
Chaque ODD est détaillé par des actions plus précises (appelées « cibles »). Par exemple, pour l’ODD 12 « consommation et production responsables » on retrouve :
En Belgique, 71% des PME et 77% des grandes entreprises ont déjà entendu parler des ODD. Parmi celles qui les connaissent, 3 PME sur 10 et 2 grandes entreprises sur 10 ne font rien de particulier à ce sujet.[8]
Le baromètre 2020 des ODD en Belgique[9] indique que 98% des organisations prêtent attention à la durabilité. Pourtant, parmi les répondants, la moitié n’a pas mis en place d’indicateurs ou de monitoring. Comment évaluer alors s’ils progressent dans leurs objectifs ?
70% tendent aussi à prioriser certains ODD au lieu d’en faire une démarche globale. Sans grande surprise, parmi les ODD considérés comme les plus importants, on trouve l’ODD 8 « travail décent et croissance économique » et l’ODD 9 « industrie, innovation et infrastructure ». Or, les 17 ODD sont indissociables, on ne peut pas s’engager à respecter les Objectifs de Développement Durable qui nous arrangent et négliger ceux sur lesquels on a un impact significatif.
Assez préoccupant : quand on demande aux organisations d’évaluer les objectifs, l’ODD13 « lutte contre les changements climatiques » recueille un score élevé à la fois sur la pertinence et… sur la difficulté à être implémenté.
Tout l’enjeu est donc de faire en sorte que le cœur de métier des entreprises et leur façon de l'exercer soit en phase avec les ODD. Car il ne s’agit pas seulement de produire de beaux rapports et de formuler de grandes déclarations : les entreprises doivent également se transformer.
En Wallonie un outil est proposé aux entreprises pour leur présenter les ODD et les actions les plus pertinents pour elles. C’est surtout important pour les PME d’avoir des outils adaptés à leur taille.
Si les ODD offrent un cadre commun aux entreprises et autres organisations dans le monde, ils ne suffisent pas à insuffler des transformations en profondeur des modèles d’affaires. D’autant que les entreprises peuvent communiquer uniquement à propos des ODD sur lesquels elles un impact positif et omettre ceux sur lesquels elles ont un impact négatif.
Total vend du pétrole depuis presque 100 ans. La compagnie était « pionnière » des ODD en 2017 et vise la neutralité carbone à l’horizon 2050. Mais on n’efface pas les émissions historiques avec de beaux engagements. Un récent rapport montre que Total a caché pendant 50 ans les impacts des produits pétroliers sur le climat. Pire, elle a organisé la désinformation pour mettre en doute le discours scientifique autour des changements climatiques.
En 2021, elle devient multi-énergie et change de nom pour TotalEnergies afin de refléter qu’elle est maintenant active dans l’électricité, les batteries domestiques pour le stockage de l’électricité, les énergies renouvelables et le gaz naturel (qui reste une énergie fossile, faut-il le rappeler). S’en suit une grosse campagne de communication. L'entreprise se transforme à coup de milliards d’investissements dans les renouvelables mais c’est une fraction de ce qu’elle consacre aux énergies fossiles. Ainsi le groupe prévoit d’avoir encore 80% d’énergies fossiles en 2030 (30% de pétrole et 50% de gaz). C’est en totale contradiction avec l’ODD n°7 « énergie propre et d’un coût abordable » et surtout l’ODD13 « lutte contre le changement climatique ». D’après Reporterre, en 2020, Total a produit 447 fois plus d’énergies fossiles que d’énergies renouvelables, d'après Reporterre.[9b]
Une entreprise peut très bien proposer un produit ou une série de produits plus écologiques. Par exemple une gamme de cosmétiques labellisés ou une collection de vêtements faits avec du plastique collecté dans les océans.
Si une marque fait labelliser tous ses produits, c’est bon signe. Si les produits durables restent anecdotiques parmi l’ensemble de l’offre, c’est probablement une opportunité commerciale ou une action pour améliorer son image plus qu’une véritable stratégie globale. Cela n’empêche pas d’opter pour ces produits plutôt que d’autres mais ça n’aide pas à juger de l’engagement global d’une entreprise.
On prête donc attention à la démarche globale de l'entreprise.
Au niveau de l’entreprise, divers référentiels RSE ou certifications[10] poussent à l’amélioration des performances sur les plans environnemental, social et économique, les 3 piliers du développement durable. Ils permettent de valoriser les efforts des entreprises. Mais contrairement aux labels pour produits, ils ont l’inconvénient d’être plutôt basés sur des auto-évaluations, pas toujours contrôlées par un organisme indépendant.
Certaines démarches sont très cadrées et concernent uniquement l’environnement. Les principales sont ISO 14001 et EMAS. Dans une déclinaison plus locale, on trouve le label Entreprise Eco-Dynamique à Bruxelles.
La certification internationale la plus connue pour les entreprise durables est B-Corp. Lancée en 2006 aux USA, il s’agit d’un label qui certifie des entreprises avec un impact sociétal et environnemental positif. Les candidats doivent remplir un questionnaire disponible gratuitement. Les entreprises qui obtiennent minimum 80 points sur 200 sont alors évaluées par B Lab, le gestionnaire du label. L'entreprise paie un montant dépendant du chiffre d’affaires pour être certifiée.
Parmi les entreprises certifiées : Patagonia, Nature et Découvertes, Fairphone, Triodos…
Il y a aussi plusieurs entreprises belges parmi lesquelles la brasserie Brunehaut, Simone a soif, CO2logic, Kazidomi, IBA, ASmartWorld, Alpro mais aussi Danone Dairy Belgium…
Adhérer à un référentiel, faire un rapport RSE… C’est intéressant pour l’entreprise mais ça n’éclaire pas facilement les consommateurs. L’information n’apparaît pas sur les produits et il faut un peu chercher et analyse soi-même les informations partagées par l’entreprise sur son site Internet.
Du coup, quelques outils tiers peuvent apporter des infos intéressantes et permettent de comparer les sociétés :
Les entreprises doivent à la fois intégrer les principes de l’économie circulaire, diminuer leur utilisation d’énergie fossile et leurs émissions de CO2,tout en respectant les principes d’égalité des sexes, d’inclusion… un vrai challenge à tous les niveaux.
Soyons honnêtes, ce n’est pas tellement du côté des multinationales qu’on retrouve les entreprises les plus engagées. Il y a dans tous les secteurs de nombreuses petites entreprises dont la raison d’être est centrée sur le développement durable et qui se veulent responsables jusque dans leur ADN. C’est peut-être plus facile pour des jeunes entreprises, qui peuvent intégrer la durabilité dans leur modèle d’affaires dès le départ. Certaines se réclament de l’économie régénérative : elles font mieux que minimiser leurs impacts négatifs, elles visent carrément à avoir un impact positif sur les éco-systèmes.
Par exemple :
Le greenwashing c’est un message publicitaire qui peut induire en erreur sur la qualité écologique réelle d’un produit ou d’un service ou sur la réalité de la démarche développement durable d’une organisation.[12] Elle peut donc toucher l’entreprise en elle-même. Mais même si elle concerne plutôt un produit, elle doit inciter à la prudence envers l’entreprise responsable du produit greenwashé.
Comment reconnaître un greenwashing ? L’ADEME donne plusieurs pistes[13]:
56% des consommateurs pensent que les engagements des grandes entreprises ne sont « que des belles paroles et que rien de significatif n’a changé en réalité » et seulement 35% pensent que les entreprises engagées tiennent leurs engagements.[14]
Il est donc très important pour les entreprises de détailler leurs réalisations de façon transparente.
Les compagnies sont assez promptes à communiquer sur leurs actions durables, en particulier les grosses sociétés qui peuvent se permettre d’avoir un département RSE. Un rapport RSE est disponible ? On n’hésite pas à le parcourir avec un esprit critique. Par exemple une équipe qui participe à un ramassage de déchets ou à une action sociale, c’est super comme teambuilding alternatif mais ça ne rend pas l’activité principale de l’entreprise plus durable… De même, une réduction de l’emballage est un bon premier pas mais ce n’est pas représentatif d’une démarche profonde et transversale de l’entreprise.
La qualité de l'information fournie dans le rapport RSE ou sur le site de l'entreprise est assez révélatrice : la transparence et l’info complète sont d’assez bons indicateurs. Par exemple, dans la communication de l’entreprise sur ses actions en matière de durabilité, on peut repérer si :
Même si cela tend à diminuer, on se méfie aussi des effets d’annonce. Plutôt que communiquer leur engagement à mettre en place des changements, les entreprises devraient plutôt communiquer sur les résultats une fois ces actions mises en place. Cela donne beaucoup plus confiance et ça permet de vérifier qu’elle tient ses engagements.
On peut aussi jeter un œil à Global Compact. Cette initiative lancée par l’ONU en 2000 est un code de conduite qui comprend 10 principes que les organisations (entreprises, ONG, administrations…) doivent s’engager à respecter. Ces principes concernent les droits de l’homme, le droit du travail, l’environnement et la lutte contre la corruption. L’organisation doit envoyer une lettre de d’engagement à l’ONU et publier chaque année un document qui indique les progrès accomplis (ce document s’appelle COP, pour «communication on progress »). Tant la lettre d’engagement que les COPs sont publics et accessibles sur le site du Global Compact. Le lien avec les ODD est explicitement prévu dans le formulaire de la COP.
En Belgique on trouve des signataires comme Solvay, , des banques, Visible, Natuurpunt, CLL, Greenfish…
Un 4x4 qui roule en pleine nature (en dehors des routes autorisées). Un conducteur qui roule sans but pour le plaisir de profiter de la route (et de gaspiller du carburant). Une marque qui met en avant ses voitures électriques en ridiculisant un peu les cyclistes. Un calendrier de l’Avent plein d’échantillons de cosmétiques. Un produit d’entretien désinfectant qui joue sur l’instinct de protection envers ses enfants. Un voyagiste qui incite à « ne pas réfléchir quand le prix est aussi bas ».
Ce type de communication ou de publicité, on en a déjà tous vu ou entendu. Et si on boycottait ces entreprises qui ne voient pas le problème ?
Ryanair déclare avoir la flotte la plus verte d’Europe, avec ses avions plus récents, et propose à ses clients de compenser les émissions de leur vol. Pour un supplément de 2€, on s’offre une bonne conscience.
Land Rover, spécialiste des SUV de luxe n’hésite pas à se targuer d’être une entreprise responsable.
Voilà deux exemples de pratiques non compatibles avec l’Accord de Paris. Ces entreprises (qui ne sont pas des cas isolés, on pourrait les remplacer par n’importe quelle compagnie aérienne ou constructeur automobile premium) montre les limites d’une démarche de RSE. Elles peuvent essayer de rendre leur fonctionnement plus durable mais le produit au cœur de leur offre est particulièrement impactant sur le climat.
En rêvant un peu on pourrait imaginer que Ryanair ajoute 100€ à ses tickets pour alimenter un fonds climat et développe les trains de nuit. Ou que le constructeur automobile fasse le pari des voitures légères et partagées.
À la COP26, l’un des hommes les plus riches du monde, Jef Bezos, fondateur d’Amazon, est venu faire un discours où il indique que la nature fournit nos aliments, que son voyage dans l’espace lui a fait prendre conscience de la fragilité de la planète et que les actions des Etats et des citoyens ne suffiraient pas, qu’il fallait le soutien du privé pour financer la transition. Il a ainsi promis 2 milliards de dollars pour restaurer les éco-systèmes et transformer les systèmes alimentaires. Ce discours illustre bien l’arrogance d’entreprises qui sont plus puissantes que certains Etats et qui s’érigent en donneurs de leçons. Elles pratiquent une optimisation fiscale qui prive les États de revenus qui pourraient financer des initiatives de transition, des soins de santé… À la place, elles préfèrent le mécénat qui les rendent incontournables et leur permet de choisir leurs priorités.
Par ailleurs, même si Amazon s’équipe de camionnettes électriques et qu’elle investit dans les énergies renouvelables, le modèle d’affaires d’une telle entreprise est incompatible avec un monde soutenable. En poussant sans cesse à la surconsommation, en favorisant la vitesse de livraison (et donc l’avion), elle contribue surtout à une uniformisation des consommateurs et une accélération des impacts négatifs sur l’environnement.
Avec la prise de conscience du dérèglement climatique, on a bien compris qu’il fallait diminuer l’empreinte carbone. Objectif : zéro émissions nettes en 2050 dans le monde. Dans ce mouvement, nombre d’entreprises se déclarent neutres en carbone ou se fixent un objectif de neutralité à un horizon de quelques années. Sur Science Based Targets, on peut même voir si les objectifs de l’entreprise sont en ligne avec ce qui est demandé par l’Accord de Paris.
Comment les entreprises arrivent-elles à ce résultat si rapidement ? Grâce à la compensation. Elles paient pour planter des arbres plutôt que de réduire réellement leurs émissions de gaz à effet de serre.
Avec cette technique, pour atteindre le « zéro émission nette » d’ici 2050, il faudrait planter au moins 1,6 milliard d’hectares de forêts, soit l’équivalent de cinq fois la superficie de l’Inde ou plus que la totalité des terres arables de la planète, pointe Oxfam dans un récent rapport.[15] Les programmes « zéro émission nette », gourmands en terres, pourraient ainsi entraîner une hausse de 80 % du prix des denrées alimentaires et une aggravation de la faim dans le monde, tout en permettant aux pays riches et aux entreprises d’entretenir un statu quo néfaste.
L’ADEME confirme dans un avis que la neutralité carbone à l’échelle d’un individu ou d’une entreprise n’a pas de sens car elle rime trop avec absence d’impact, ce qui n’est pas correct.[16]
Oxfam précise encore que si l’ensemble du secteur de l’énergie, dont les émissions continuent de grimper en flèche, se fixait des objectifs « zéro émission nette », alors il lui faudrait une superficie équivalente à un tiers de toutes les terres arables du monde pour faire de la compensation !
Wouaw, un t-shirt bio à 6€ ! Trop beau pour être vrai ? Il y a des chances… Il y a énormément d’étapes entre la culture du coton et l’arrivée en magasin d’un t-shirt, et chaque étape consomme des matières premières et nécessite de la main d’œuvre. Même avec une excellente optimisation du processus, avec un t-shirt à 6€, il y a forcément des ressources et des personnes qui ne sont payées à leur prix juste. Et quand il y a quelques vêtements bio au milieu de centaines de modèles « classiques », une petite lumière rouge supplémentaire devrait s’allumer. Dans ces conditions, se réjouir d’avoir dégoté un t-shirt bio à 6€, c’est jouer le jeu de la com' verte et accepter de ne voir qu’une partie de l’image d’ensemble.
De même, quand une marque communique sur un seul ingrédient « naturel », la question qui devrait immédiatement se poser est : quel pourcentage du produit représente-t-il ? Et aussi : quels sont les autres ingrédients ?
L’emballage d’un produit est recyclé, recyclable, fait en bioplastique ? Certes c’est intéressant de travailler à réduire les déchets mais on n’achète pas un emballage, on achète un produit. Alors quid du produit ? Quelle démarche fait l’entreprise pour rendre son produit plus respectueux de l’environnement ?
Dans les engagements des entreprises, on va trouver beaucoup de solutions technologiques mais il faudra inévitablement diminuer les gaspillages, s’interroger sur nos besoins réels, pour que les objectifs puissent être atteints. Ainsi rouler seul dans un véhicule de 2500 kg (même électrique), prendre l’avion pour des distances inférieures à 500 km, construire des logements aux surfaces démesurées ne sera jamais compatible avec un développement durable.
Bref, on utilise son bon sens et on essaye toujours de garder une vision d’ensemble. Sans taxer la moindre initiative de greenwashing, on n’hésite pas à questionner les pratiques des entreprises sur un plan plus général.
On le voit, c’est un domaine complexe et il est parfois difficile de pointer les bons et les mauvais élèves. Une entreprise qui propose juste une gamme verte, c’est du greenwashing ou c’est un premier pas à encourager ? Une multinationale qui passe au bio c’est un levier énorme mais comme elle est cotée en bourse, elle continue à mettre la pression sur les prix pour satisfaire les actionnaires. Ça passe ou pas ? Acheter le plus possible dans des petites structures engagées c’est super mais ça suppose parfois de revoir toutes ses habitudes d’achat, on est prêt à tout chambouler ou pas ?
Alors, Decathlon passe le cap des critères personnels ou pas ?
Bref, ce sont des choix personnels. Et c’est à chacun de les faire en fonction de ses critères et valeurs. Mais en connaissance de cause et non guidé par une communication parfois plus verte que les actions réelles.
On l’aura compris, derrière la communication il faut de véritables efforts de transformation de l’entreprise pour que ses activités soient les moins nocives possibles. Ce n’est pas évident, la compétition entre entreprises peut être féroce et si l’une décide de produire moins ou autrement, elle peut se laisser distancer par la concurrence. La compétitivité, la préservation de l’emploi, la maximisation des profits sont autant d’éléments qui compliquent l’action des entreprises, surtout des plus grandes.
Il est toutefois encourageant d’entendre un chef d’entreprise tel que Jacques Crahay, ancien président de l’Union wallonne des entreprises, déclarer : « il faut changer notre modèle économique pour respecter nos objectifs climatiques » ou encore « il faut élargir sa façon de penser, au-delà de ‘je gagne de l’argent, c’est bien’ ».[17]
[1] Le secteur privé est notamment indispensable pour financer la transition. À la COP26, la Glasgow Financial Alliance for Net Zero, qui regroupe des banquiers, des investisseurs et des assureurs, a annoncé aligner 130 000 milliards d’investissements sur l’Accord de Paris. Voir sur le site de l’ONU : « Pas de blabla », l’ONU présente l'engagement du secteur privé en matière de financement climatique
[2] À la question « selon vous, à qui incombe en priorité la responsabilité d’agir afin de résoudre les problèmes
environnementaux, sociaux et sociétaux de notre époque ? », 44% répondent en premier ou deuxième lieu « les entreprises », contre 64% pour « l’État », Baromètre de l’engagement des entreprises, réalisé par L’ObSoCo et Trusteam Finance, 2021, France.
[3] Enquête réalisée en France en 2021, Baromètre de l’engagement des entreprises, réalisé par L’ObSoCo et Trusteam Finance. Le EY Future Consumer Index indique même 41% d'entre eux ont cessé d'acheter ou achètent moins auprès de marques qui ne semblent pas agir suffisamment en faveur de l'environnement (avec une proportion beaucoup plus forte chez les jeune que chez les plus âgés), cité par ecommercemag.fr.
[4] Des réglementations spécifiques encadrent de manière plus ou moins sévère les aspects environnementaux, par des taxes, des aides ou encore des limites et des interdictions.
[5] On parle également de RSO (responsabilité sociétale des organisations) car il n’y a pas que le secteur privé qui doit gérer ses impacts sur la société.
[6] Voir en détails sur le site de l’ONU.
[7] Ou SDGs – Sustainable Development Goals – en anglais.
[8] D’après le CSR Monitor 2019 (CSR pour corporate social responsibility est le terme anglais pour la RSE)
[9b] Voir détails sur Reporterre : Total se veut écolo… en misant sur les énergies fossiles
[10] Plateforme RSE, en France, constate une prolifération de labels RSE et autres initiatives dans « Propositions pour des labels RSE sectoriels destinés aux TPE, PME et ETI »
[11] Elles sont d’ailleurs reprises dans le Plan fédéral de développement durable, octobre 2021.
[12] Définition d’après Le guide de la communication responsable de l’ADEME, 2020.
[13] Guide antigreenwashing : https://communication-responsable.ademe.fr/antigreenwashing
[14] Enquête réalisée en France en 2021, Baromètre de l’engagement des entreprises, réalisé par L’ObSoCo et Trusteam Finance.
[15] Rapport « Pas si net », Oxfam, août 2021. Voir le communiqué de presse.
[16] Voir l'avis de l'ADEME.
[17] Podcast sur lapremiere.be : Industrie et écologie incompatibles ?