Zéro émission, zéro pollution… La voiture électrique serait une solution miracle. Est-elle vraiment écologique ? Non. Mais elle reste utile. Explications.
La voiture électrique est souvent qualifiée de « zéro émission » car elle n’a pas de pot d’échappement. C’est évidemment réducteur.
Aucune voiture n’est écologique. Quelle que soit la motorisation, un engin d’une tonne ou plus demande des matériaux pour sa construction, de l’énergie pour rouler, et génère des impacts à tous les stades de son cycle de vie, de la fabrication au recyclage en passant par l’utilisation.
Elle n’est pas une solution miracle mais elle fait partie d’un ensemble de possibilités pour décarboner la mobilité. Par rapport à une voiture thermique, malgré un bilan carbone de fabrication plus élevé (dû à l’impact des batteries), la voiture électrique émet moins de gaz à effet de serre, sur l’ensemble de son cycle de vie. À partir du moment où un véhicule est nécessaire, elle peut être une bonne alternative, à condition de prendre un véhicule de taille raisonnable et de l’utiliser correctement.
On fait la lumière sur la voiture électrique, cet objet présumé propre.
> Voir notre campagne « Me raconte pas de salades ! 9 objets écolos à l’interrogatoire ».
Sommaire :
-> Évaluer ses besoins avant tout achat
-> Choisir la version la plus durable du produit
-> Optimiser l’utilisation pour réduire les impacts
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Alors, cette image verte, c’est des salades ou pas ? La voiture électrique est-elle écolo ?
> Écouter aussi le podcast "écoconso & vous" consacré à la voiture électrique.
> Découvrir en détails : La méthode ÉCO : 3 étapes pour moins et mieux consommer.
La solution la plus économique et la plus écologique consiste à moins utiliser la voiture, en privilégiant les alternatives à chaque fois que c'est possible. Aujourd'hui on roule dans des voitures trop grosses (cf le succès des SUV), trop peu remplies (trop souvent une seule personne à bord), même pour des petits trajets. Passer à la voiture électrique sans réfléchir à ces aspects n'apporterait qu'une réponse limitée, il faut l'inscrire dans un système de mobilité durable dans lequel le maître-mot est la multimodalité et idéalement pouvoir choisir le moyen de déplacement les plus adapté à chaque trajet.
La marche et le vélo sont parfaits pour les petits trajets. Pour des trajets plus longs on opte pour les transports en commun, lorsqu'ils sont disponibles.
Pour de courtes distances, (moins de 5 km par exemple), une voiture est un moyen de transport particulièrement inefficace. Par rapport au poids transporté, il consomme beaucoup d’énergie, pèse lourd, occupe pas mal d’espace… Avec un vélo (qui peut être électrique), on a un engin de 20 à 30 kg pour transporter une personne de 75 kg par exemple, là où une voiture pèse 1000 à 1500 kg ... voire beaucoup plus. Ce poids reflète toutes les matières qu’il faut pour produire l’engin.
> Voir aussi :
- Comment bien choisir son vélo électrique ?
- Pluie, transport des enfants, sécurité… 9 freins au vélo (et nos conseils pour les surmonter)
Dans certains cas ou pour certains déplacements, il est difficile de se passer de voiture. Alors une petite voiture électrique, avec une batterie pas trop grosse, peut être une bonne option.
Si l’on a besoin d’un véhicule seulement de façon occasionnelle, on peut utiliser une voiture partagée, entre particuliers ou via une société (dans ce cas c'est une bonne façon de limiter le coût et les tracas : pas besoin de gérer l’assurance, le parking, les entretiens…).
> Voir : Partager une voiture : quelle formule choisir ?
Une voiture thermique (essence ou diesel) émet beaucoup de gaz à effet de serre à l’utilisation tandis pour la voiture électrique c’est la production qui pose problème. La fabrication des batteries, en particulier, a des impacts importants sur l’environnement et sur les populations locales.
Les études[1] montrent toutefois qu'en Belgique l’impact carbone d’une voiture électrique est 30 à 65% plus faible que celui d’une voiture thermique, sur l’ensemble de son cycle de vie[2].
Il existe des calculateurs en ligne pour calculer les impacts d’un véhicule électrique par rapport à un véhicule thermique. Celui de l’Institut Paul Scherrer est particulièrement intéressant parce qu’il se base sur une étude très récente[3], indique bien les hypothèses utilisées et permet de faire varier un nombre impressionnant de paramètres. Un calcul avec les paramètres par défaut[4] donne les résultats suivants :
|
Essence |
Diesel |
CNG |
Électrique |
kg éq CO2 à 0 km (fabrication) |
11500 |
11700 |
11900 |
18500 |
kg éq CO2 à 50 000 km |
22700 |
21900 |
21700 |
22500 |
kg éq CO2 pour 200 000 km |
56300 |
52350 |
51000 |
34500 |
g éq CO2 par km sur 200 000 km |
281,5 |
262 |
255 |
172,5 |
Gain du véhicule électrique |
-39% |
-34% |
-32% |
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D’autres études, comme celle de l’ONG Transport & Environnement, montrent même que la diminution d’émissions de gaz à effet de serre peut atteindre 65% en Belgique :
Si on regarde l’ensemble des impacts environnementaux, on constate cependant que le véhicule électrique aggrave la situation sur certains aspects (par exemple en matière de toxicité pour l’être humain). C’est en partie dû au fait que les voitures électriques utilisent beaucoup plus de métaux que les voitures thermiques, surtout pour la batterie (lithium, nickel, manganèse, cobalt, graphite...). Elles utilisent également plus de cuivre, dans les véhicules eux-mêmes mais aussi pour les bornes de recharge.
Cela illustre bien pourquoi la voiture électrique fait partie des solutions (pour réduire les gaz à effet de serre et répondre au défi du réchauffement climatique) mais ne peut être vue comme une option écologique par laquelle il suffirait de remplacer tous les véhicules. Il est également indispensable de réduire le nombre et la taille des voitures, quelle que soit leur motorisation.
Pour allonger la durée de vie des batteries, la réutilisation des batteries se développe au niveau industriel. Comme la batterie perd progressivement sa capacité de stockage, après une dizaine années (dépendant du kilométrage effectué), elle peut devenir insuffisamment performante pour être utilisée dans un véhicule électrique. C’est le cas lorsque sa capacité de stockage descend sous 80% de sa capacité initiale. Elle ne convient plus pour alimenter une voiture électrique, par contre elle peut encore être réutilisée en stockage (par exemple pour stocker des énergies renouvelable, comme l’électricité produite par des panneaux photovoltaïques).
Lorsque la batterie n'est plus réutilisable il est nécessaire de passer au recyclage pour récupérer un maximum de métaux. Il y a relativement peu de batteries à recycler aujourd'hui mais s'attend à un véritable tsunami vers 2035. Des sociétés comme Umicore récupèrent déjà de l'aluminium, du cuivre, du nickel, du cobalt et du lithium d'anciennes batteries pour en faire des nouvelles. Au niveau européen il y a l'objectif de récupérer 90% du cuivre, du cobalt, du nickel et 50% du lithium en 2027 dans les batteries lithium-ion. Mais il y a encore de grands défis technologiques car toutes les batteries ont des formes différentes (cela rend l'automatisation compliquée), leur chimie évolue (on a beaucoup de batteries Nickel-Manganèse-Cobalt mais il y a également des Lithium-Fer-Phosphate) et le transport des batteries usagées est délicat (les conteneurs doivent être équipés de dispositifs anti-incendie qui les alourdit).
Quid du gaz comprimé ?
Comme on peut le constater ci-dessous, le gaz n’apporte pas de diminution significative par rapport au diesel ou à l’essence.
Quid des hybrides ?
Il y a des différences entre une voiture 100% électrique, une hybride et une hybride rechargeable (ou plug-in). On se méfie des publicités pour les véhicules hybrides plug-in qui annoncent des consommations record (moins de 2 litres / 100 km). Ce résultat est rarement atteint dans la réalité, à moins de rouler au maximum en mode électrique.
> Voir : Voitures hybrides rechargeables : vraiment écologiques ou greenwashing ?
Pour l’instant, comparé aux autres motorisations alternatives à l'essence ou au diesel (hybride, CNG, LPG, hydrogène), la voiture électrique est un meilleur choix pour l’environnement.
> Voir plus d’infos : Quelle est la voiture la plus écologique ?
On va progressivement trouver de plus en plus de voitures électriques en occasion. C’est une opportunité de s’équiper à prix réduit.
Neuve ou en seconde main, à quels critères faire attention pour avoir une voiture électrique aussi écologique que possible ?
Les SUV sont les rois du marché. Acheter ce type de voiture est cependant loin d’être écologique. La taille et le poids influencent directement le bilan du véhicule.
L’outil EV Footprint permet de comparer différents modèles de voitures. Voici ce qu’il indique pour une petite voiture électrique et un lourd SUV, électrique également :
On l’a vu ci-dessus, c’est la fabrication – en particulier de la batterie – qui pèse lourd dans le bilan environnemental de la voiture électrique. Il est donc important de ne pas choisir une batterie trop grosse.
Idéalement, on ne dépasse pas 60 kWh maximum, selon les recommandations de l’ADEME[6]. Il ne faut pas avoir peur de la panne : c’est suffisant pour rouler plus de 300 km. C’est assez pour la majorité des trajets.
Certaines batteries sont fabriquées en Europe, cela réduit aussi leur impact écologique : on passe de 115 kg éqCO2/kWh pour une batterie fabriquée en Chine à 65 kg éqCO2/kWh, pour une batterie de 50 kWh cela représente 2,5 tonnes éqCO2.
Puisque les impacts de la fabrication d’une voiture électrique sont très élevés, il faut qu’elle puisse rouler longtemps pour compenser le surplus par rapport à une thermique. En particulier, on chouchoute la batterie.
Comme pour les smartphones, on évite de descendre sous 20% de charge et de charger au-dessus de 80%.
Cela correspond bien à un usage assez pratique au quotidien :
On utilise des bornes de recharge d’une puissance raisonnable (jusqu’à 7 ou 11 kW). On réserve les charges rapides à grosse puissance aux exceptions (par exemple sur la route des vacances). Charger trop souvent sur ces dernières altère la durée de vie de la batterie.
Pour recharger sa voiture, on évite les pointes de consommation du matin et du soir.
On charge la nuit (tarif intéressant et faible demande en énergie) ou en pleine journée si on a des panneaux photovoltaïques (par exemple on profite d’être en télétravail pour charger chez soi en début d’après-midi).
Autre avantage du moteur électrique : il a un bien meilleur rendement que le moteur thermique, lorsque l’on considère la chaîne « du réservoir à la roue » c’est-à-dire l’utilisation de l’énergie une fois qu’elle a été stockée dans le véhicule (dans la batterie ou dans le réservoir), le rendement total pour l’électrique est de 70% contre 22% pour le thermique. Cela signifie aussi que lorsque l’on va diminuer les émissions de gaz à effet de serre dues à la production électrique le bilan de la voiture électrique va encore s’améliorer.
Avec une voiture électrique comme avec n’importe quel véhicule, on a tout intérêt à pratiquer l’éco-conduite : on anticipe pour éviter des accélérations inutiles, des collisions, pouvoir utiliser le freinage régénératif, on planifie son trajet (notamment pour optimiser les recharges en cas de longs déplacements), on vérifie la pression des pneus, on respecte les limitations de vitesse, on démonte le coffre de toit quand il ne sert pas, etc.
> Lire : 10 conseils pour éco-conduire
[2] Chiffre pour la Belgique. Le résultat dépendant des hypothèses choisies, notamment au niveau du mix électrique.
[3] When, where and how can the electrification of passenger cars reduce greenhouse gas emissions?, Sacchi R., Bauer C., Cox B., Mutel C. Renewable and Sustainable Energy Reviews.
[4] Évaluation sur 200 000 km, consommation diesel de 6,3 l/100 km, consommation essence de 6,8 l/100 km, batterie du véhicule électrique de 66 kWh et 400 kg, etc.
[5] Chiffres pour la France, le mix électrique de la Belgique n’est pas disponible dans l’outil.
[6] Avis de l’ADEME « Voiture électrique et bornes de recharge », octobre 2022.
[7] Même si d’après une enquête d’iVox pour Audi, près d’un belge sur deux a déjà connu pareille mésaventure avec sa voiture électrique. Communiqué de presse d’Audi Belgium : « Les 1 000 derniers jours: 50% des Belges sont prêts à passer à la voiture électrique »