Pourquoi faire une transition écologique et solidaire dans nos villes et villages ?

Une transition écologique et solidaire pour nos villes et villages
Une transition écologique et solidaire pour nos villes et villages

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Jean-François Rixen

La transition écologique et solidaire apporte plus de résilience aux villes et villages. Ainsi que de la convivialité, du bien-être et d'autres avantages.

Petit exercice d’imagination : on est en 2030 et on a réussi à faire une transition écologique et solidaire dans le monde. Ce monde résilient, il est beau. Plus encore que ce que l’on avait imaginé. Bien sûr, il reste des challenges mais tout est sur la bonne voie.

Et si vouloir ce monde-là était une motivation suffisante pour agir ? Bonne nouvelle : beaucoup d’initiatives de transition prouvent déjà que la résilience[1] fait rimer réponse aux besoins avec plaisir.

Une transition écologique et solidaire est indispensable. Dans nos quartiers, nos villages, nos villes, nos pays. Et si tous les bénéfices de la transition justifiaient largement les "moins" associés à la décroissance ?

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Mais même s’il n’y avait pas les conséquences du réchauffement climatique et les menaces d’effondrement, même si la transition n’était pas nécessaire, elle serait quand même vraiment souhaitable. Et cela pour bien des raisons. En voici quatre.


Sommaire :

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Répondre aux défis environnementaux et climatiques

Imaginez…

  • Et si vous habitiez une région où tous les besoins en chauffage et en électricité étaient couverts par de l’énergie produite localement ?
  • Et si, en plus, toute cette énergie était d’origine renouvelable ? (éolien, photovoltaïque, biomasse, hydraulique)
  • Et si sa production et sa fourniture étaient assurées par des coopératives mises en place par les pouvoirs publics locaux et des citoyens ? 
  • Et si le bénéfice était partiellement réinvesti dans les économies d’énergie ? (financement de travaux d’isolation par exemple)

Ils le font !

  • L’île danoise de Samso est aujourd’hui énergétiquement autonome, avec de l’énergie provenant à 100% de sources renouvelables ! 
  • En Alsace, à Ungesrsheim, en concertation avec les habitants, la commune s’est lancée dans un vaste programme d’économies d’énergie et de production d’énergie renouvelable : centrale photovoltaïque, chaufferie au bois et toitures solaires.[2]
  • En Belgique, les coopératives citoyennes de production d’énergie renouvelable se multiplient. REScoop Wallonie fédère 16 coopératives, qui réunissent 12 000 coopérateurs et ont rassemblé 18,3 millions d’euros de capital. Ensemble, elles ont créé le fournisseur d’électricité coopératif COCITER.[3] Lire aussi : Comment passer aux énergies renouvelables ?

En transition : éoliennes citoyennes
Les éoliennes citoyennes, une façon de relocaliser la production d'énergie renouvelable
 

➡️ Répondre aux défis environnementaux et climatiques est la première raison d’être de la transition. Elle naît avec la vision du pic du pétrole (et de la fin des énergies bon marché), des changements climatiques et des limites de la croissance. Le « Manuel de la Transition », écrit par Rob Hopkins, est d’ailleurs sous-titré « de la dépendance au pétrole à la résilience locale ».

Le mouvement de la transition soutient les citoyens pour les aider à relever les grands défis d’une société plus durable et solidaire, en commençant au niveau local. Plutôt que de favoriser les petits gestes écologiques individuels, la transition encourage les citoyens et autres acteurs à proposer et mettre en œuvre des solutions positives collectives, qui visent le système dans son ensemble.

Le concept a donné naissance à des « initiatives de transition » à l’échelle de rues, quartiers, villages, villes. Ensemble, ces initiatives forment le mouvement de la Transition. Il existerait aujourd’hui plus de 4000 initiatives en transition dans plus de 51 pays, dont la Belgique.[4]

Ces initiatives visent ainsi à assurer la résilience locale, c’est-à-dire, la capacité à s’adapter face aux crises.

> Lire aussi : Climat : arrête d'en faire des tonnes !
 

Retrouver son pouvoir d’action

Imaginez…

  • Et si toute la population de votre ville était nourrie de façon saine et savoureuse, principalement avec des aliments produits dans un rayon de 20 km autour de la ville.
  • Et si ces produits étaient cultivés, transformés, transportés et vendus par un tissu de coopératives rassemblant les producteurs locaux et des consommateurs ?
  • Et si les producteurs pouvaient en vivre dignement, rémunérés par des prix corrects ? Et que les consommateurs étaient aussi gagnants financièrement, grâce aux nombreux intermédiaires évités ?
  • Et si cela marchait tellement bien que cela encouragerait de jeunes producteurs à démarrer une activité agricole et des transformateurs à créer des nouveautés pour diversifier les produits proposés. Peut-être vous ? Cela créerait du savoir-faire et des emplois locaux et durables.

Ils le font !

  • La Ceinture Aliment-Terre Liégeoise[5] mobilise producteurs et consommateurs pour développer les filières alimentaires courtes et durables. Le projet, lancé en 2013, se développe avec succès : une quinzaine de nouvelles coopératives ont vu le jour (production, distribution, transformation, services…), le nombre de maraîchers en province de Liège a plus que doublé et les pouvoirs publics locaux se sont engagés dans cette transition alimentaire de diverses façons.
     
  • La coopérative Paysans Artisans[6], créée aussi en 2013 mais dans le namurois cette fois, est aujourd’hui un véritable mouvement qui réunit producteurs, transformateurs et consommateurs dans une spirale positive de participation et de transition. Elle change le modèle agricole et alimentaire et favorise une agriculture paysanne et coopérative. Et elle compte déjà bien des succès ! Déployée sur 9 communes, elle compte plus de 700 coopérateurs, une centaine de producteurs de produits bio ou de qualité différenciée, une vingtaine de salariés et plus de 400 bénévoles. Elle vend via Internet, 17 « points de R’Aliment » et a ouvert un magasin en 2017, un 2e en 2018, un 3e en 2019 et même désormais un restaurant tous les vendredis soirs. Elle a aussi créé un groupement d’employeurs pour mutualiser la main d’œuvre, des espaces et équipements de production partagés, ainsi qu’une agence foncière pour mettre à disposition des terrains non utilisés, pour du maraîchage, de la fruiticulture, du pâturage, de la fauche…
    > Lire aussi : 5 raisons de s'investir dans une coopérative citoyenne.

En transition : le magasin de la coopérative Paysans Artisans
L'un des magasins de la coopérative Paysans Artisans.
Photo : Paysans Artisans.

 

➡️ Les initiatives en transition s’appuient sur une vision positive d’un avenir que l’on choisit au lieu de le subir. Elles ne se battent pas contre des choses. Au contraire, elles imaginent et expérimentent dans l’action des solutions innovantes, locales, positives, inclusives et ouvertes pour faire face aux enjeux environnementaux. C’est l’idée que l’action locale peut changer le monde. Ainsi, au lieu de se révolter contre l’agro-industrie, on construit des alternatives concrètes sur son territoire, avec les producteurs locaux et les citoyens.

La transition répond ainsi au besoin fondamental de poser des actes en adéquation avec ses valeurs pour leur donner du sens. Les initiatives de transition permettent de (re)retrouver un pouvoir d’action, que l’on éprouve difficilement quand on agit seul en pensant aux défis mondiaux. Mais que l’on ressent vivement lorsque l’on participe à une action collective qui contribue de façon concrète à rendre le lieu où l’on vit plus durable et moins dépendant, par exemple en matière d’énergie ou d’alimentation.[7]

> Lire aussi : Comment manger durable et choisir entre bio, local, équitable ?
 

Permettre la résilience économique

Imaginez…

  • Et si, suite à un licenciement, vous ne deviez pas vous inquiéter. Vos dépenses courantes seraient déjà limitées (vous habitez une maison bien isolée et grâce au système de voiture partagée, vous ne payez que quand vous roulez). Et comme vous êtes impliqué dans votre village en transition, vous pourriez vous tourner vers certains services qui fonctionnent sans argent (Repair café, service d’échange local (SEL), potager communautaire, donnerie…).
  • Et si, quand vous rebondissez et démarrez une nouvelle activité, vous pouviez compter parmi vos clients les habitants du coin mais aussi ses commerçants, ses indépendants et le personnel de la commune, tous trop heureux de pouvoir utiliser leur monnaie locale chez vous ?
  • Et si cette monnaie locale pouvait aussi servir à payer vos factures d’énergie ?

Ils le font !

  • Il existe déjà des dizaines d'initiatives citoyennes, tels que des SEL, Repair Café, donneries, potagers collectifs… Même si ces initiatives ne se revendiquent pas toutes explicitement de la transition, elles y participent. La carte du Réseau des Consommateurs Responsables est un bon point de départ pour les trouver.
  • La Belgique francophone compte plus d’une quinzaine de monnaies locales actives ou en développement. Une des dernières nées, la Zinne à Bruxelles[7b], compte en moins d’un an plus de 170 prestataires participants : épicerie, restaurant, bar, centre culturel, escape room, photographe, plombier, magasin de vêtements, réparateur de vélo, fabricant de savon, kiné…
  • À Bristol, au Royaume-Uni, la commune propose à ses employés une partie de leur salaire en Bristol Pound. On peut aussi payer ses taxes locales et sa facture d’énergie renouvelable avec cette monnaie, en circulation depuis 2012.

En transition : les monnaies locales
Ici on échange des euros contre des Carol'or, monnaie locale de la région de Charleroi.
Photo : Carol'Or.

 

➡️ La transition promeut une économie qui résiste mieux aux crises. Moins dépendante du pétrole, elle est aussi plus adaptée à une société de l’après-croissance.

Cela passe par :

  • une relocalisation de l’économie (emploi, production, transformation, consommation) ;
  • le développement de circuits courts ;
  • une volonté d’indépendance vis-à-vis de la consommation mondialisée que propose l’économie marchande internationale ;
  • le recours à des échanges non-marchands (services entre citoyens par exemple).

Cela n’empêche pas les échanges et l’interdépendance des sociétés. On ne cherche pas à créer des communautés repliées sur elles-même. Le monde globalisé a ses intérêts. Mais pour une meilleure résilience, il faut remettre « la propriété des ressources et du capital entre les mains de la communauté afin de lui donner une plus grande maîtrise de son avenir ».[8]

C’est par exemple ce que permettent les monnaies locales. Elles évitent la fuite des richesses et dynamisent les échanges économiques locaux. Par exemple, si l’on paie son pain avec une monnaie locale, cet argent n'étant valable nulle part ailleurs, on incite la boulangerie à se fournir en matières premières locales (farine par exemple) mais aussi à passer par un imprimeur local pour ses menus de fêtes, un menuisier du coin pour les aménagements de l’atelier…

Les bienfaits collectifs de la transition rejoignent ici les intérêts économiques personnels, que ce soit par les opportunités d’emploi d’une économie locale dynamique ou par l’accès à des échanges non-monétaires.

La transition encourage des initiatives et comportements écologiques qui impactent positivement le portefeuille des participants : le partage de biens ou de services, la prolongation de la durée de vie des appareils ou encore la lutte contre le gaspillage énergétique, le gaspillage alimentaire ou l’obsolescence programmée. Cela pourrait se résumer à « less is more ».

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Savourer une convivialité retrouvée

Imaginez…

  • Et si des voisins qui ne se connaissaient pas il y a un an produisaient maintenant ensemble une riche récolte de fruits et légumes dans leur potager partagé ?
  • Et si une petite opération de ramassage de déchets faisait naître l’idée d’un café de quartier qui lutterait contre le gaspillage alimentaire tout en créant du lien social entre habitants et personnes en précarisées ?
  • Et si vous faisiez certains « achats » dans un magasin où tout est gratuit ?
  • Et si en allant faire vos courses à vélo au marché des producteurs locaux, vous croisiez souvent des connaissances, qui vous invitaient à participer à l’une des activités programmées prochainement dans la maison de quartier : un atelier pour fabriquer ses produits d’entretien, un échange d’idées pour passer au zéro déchet dans l’école, un échange de semences pour le jardin, un café-rencontre pour les personnes intéressées de brasser leur propre bière…
  • Et si vous preniez votre retraite sans peur du vide laissé dans votre vie car vous avez de nombreux amis dans l’éco-quartier convivial et dynamique où vous habitez ? Et maintenant que vous avez plus de temps, vous comptez bien vous investir encore plus dans le SEL (système d’échange local) pour offrir et recevoir des services et coups de main.

Ils le font !

  • Des SEL (services d’échange local), potagers partagés, compost de quartier, donneries (ou magasins gratuits), réseau d’échange de savoirs rassemblent des milliers de participants à travers toute la Belgique. Et font souvent faire de belles rencontres avec des personnes qui habitent près de chez soi. Retrouvez pas mal d'adresses sur la carte du Réseau des Consommateurs Responsables.
  • En Belgique, le CPCP réalise une enquête pour avancer vers une transition plus solidaire. Les objectifs des initiatives contre la pauvreté et ceux du Réseau Transition se rejoignent sur de nombreux points. Pourtant, sur le terrain, on constate que les personnes précarisées sont très peu représentées dans la transition. L’enquête souhaite comprendre comment évoluer sur ce point.[9]
  • Un groupe de transition a redonné vie à Greenslate, une ferme anglaise à l’abandon dans une banlieue semi-rurale devenue cité-dortoir. La ferme communautaire a réellement retissé les liens perdus entre les habitants. Après plusieurs années d’investissement et l’aide de nombreux bénévoles, la ferme de 15 hectares est aujourd’hui un lieu de production mais aussi de rencontre et de formation. Elle se désigne comme « ferme qui soigne » car elle fournit certains services thérapeutiques, pour d’anciens toxicomanes par exemple. Mais elle a encore bien d’autres projets en réserve : installer une boulangerie communataire, un café, des magasins, une crèmerie, des bureaux, des logements abordables…[10]
  • En Angleterre, deux amis découvrent par hasard que beaucoup de commerces voisins jettent des aliments encore en excellent état. Ils ont l’idée d’ouvrir un café où l’on cuisinerait ces invendus. L’idée voit le jour en 2013, avec une équipe de 25 bénévoles et quelques employés. En plus d’éviter 600 kilos de gaspillage alimentaire chaque mois, le café renforce l’économie locale et propose des formations et une expérience de travail aux habitants du quartier, en particulier les jeunes, les personnes porteuses d'un handicap et les chômeurs de longue durée.

En transition : le café des invendus
Le café des invendus, en Angleterre
 

➡️ Les initiatives citoyennes de transition créent de la convivialité. Elles recréent parfois même des liens sociaux perdus. Les méthodes de travail des initiatives en transition prévoient de réunir des citoyens de tous horizons, de constituer un groupe qui va choisir lui-même son action, soigner son fonctionnement et célébrer ses résultats.[11] Bien des citoyens engagés y trouvent du sens et de nouvelles relations sociales.

La transition se veut solidaire et inclusive. Mais dans la réalité, elle peine parfois à atteindre des personnes en marge de la société. Heureusement, divers exemples montrent qu’une transition écologique se combine fort bien à une transition solidaire. Elles doivent d’ailleurs aller de pair à une échelle plus large.

Au-delà de ça, chaque projet est une occasion de sortir de l’isolement, particulièrement pour les personnes qui ne travaillent pas. Certaines initiatives se sont aussi groupées autour d’un projet d’habitat collectif résilient.

Enfin, si la consommation est bien souvent un acte individuel, l’éco-consommation peut s’apprendre collectivement, par des formations, des ateliers, ou encore des défis à se lancer. Et pourquoi pas au sein d’une initiative en transition !
 

Participer à la transition

Comme on peut le voir, on ne part pas de rien. Beaucoup de choses sont déjà en marche.

 

[1] La résilience est « la capacité d'un système à absorber un changement et à se réorganiser en intégrant ce changement, tout en conservant essentiellement la même fonction, la même structure, la même identité et les mêmes capacités de rétroaction ». Source : « Resilience, Adaptability and Transformability in Social-ecological Systems », publié dans « Ecology and Society” en 2004.

[2] Voir en détails : Mairie d’Ungersheim.

[3] Voir détails sur le site de REScoop.

[7] Comme l’illustre ce témoignage d’un membre de « Coín en Transición » : « Une fois que se produisent des choses concrètes que les gens peuvent voir et toucher, quelque chose change dans les têtes. On sent que quelque chose se passe, que la réalité est en train de changer." Extrait de « Ils changent le monde. 1001 initiatives de transition écologique », Rob Hopkins, 2014.

[7b] Plus d'infos sur le site de la Zinne.

[8] Rob Hopkins dans « Ils changent le monde ».

[9] Plus d’infos sur cette enquête via le Réseau Transition.

[11] Le Réseau Transition belge et le réseau international “Transition Network” proposent « Le  Guide Essentiel de la Transition », disponible en ligne.

 

Voir aussi

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