Les réseaux d'échanges

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n°51

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Lise Frendo

Je donne, je reçois… Nous échangeons !

L’éco-consommation, c’est une autre manière de consommer. Plus respectueuse de l’environnement bien sûr, mais c’est surtout une manière de vivre, faire, et interagir autrement. Cela passe d’abord par une réflexion sur nos besoins réels. Ensuite, en fonction de nos revenus, contraintes, motivations, nous pouvons explorer la multitude de possibilités qui existent pour nous procurer un bien ou bénéficier d’un service sans pour autant l’acheter. Car si on n’obtient pas un bien ou un service contre de l’argent, on peut par contre échanger un service contre un autre, un bien contre un autre, un bien contre un service.

Une autre monnaie est possible

Combien de poires pour des pommes ? La monnaie a été créée pour permettre d’échanger des poires contre des pommes en passant par une unité de mesure commune. Or, de nos jours, l’économie monétarisée connaît d’importantes dérives qui proviennent notamment de la rémunération imposée de l’argent : le taux d’intérêt. Petit à petit, ceux qui possédaient beaucoup d’argent grâce aux intérêts et aux intérêts des intérêts, se sont mis à thésauriser, tandis que d’autres en avaient de moins en moins.

C’est pourquoi des solutions alternatives ont été imaginées. Partout dans le monde, des initiatives d’échanges de services ou de biens voient le jour. Ces échanges supposent l’absence de monnaie sonnante et trébuchante. Ce sont des « unités d’échange locales » qui sont utilisées ou simplement du temps. Celles-ci peuvent prendre des noms poétiques tels que : blés, grains de sel, sourires ou bon’heures …

Il existe environ 5.000 expériences de monnaies parallèles à travers le monde. (Réseau Financement Alternatif )

Au centre des échanges, l’humain !

Evidemment, ces systèmes reposent sur des individus connectés en réseau qui vont pouvoir échanger entre eux. C’est la force des ces systèmes : si un système fonctionne c’est parce qu’il y a des gens pour le faire vivre.

Les réseaux d’échanges ont des caractéristiques communes. Par exemple ils sont :

  • parallèles aux réseaux classiques de marchandisation ;
  • ouverts à tous ;
  • volontairement « non monétarisés » et les connaissances n’y sont pas monnayées.

En outre,

  • le fait de posséder la monnaie alternative (ou du temps) ne rapporte rien, pas plus que le fait d’en emprunter ne coûte ;
  • les savoirs ou services échangés ont la même valeur : une heure de travail intellectuel équivaut à une heure de travail manuel ;
  • tous les biens ou services sont échangés sur base de règles établies et respectées par les adhérents de chacun des différents systèmes.

Et l’environnement s’en porte mieux

Bien entendu, d’un point de vue environnemental, tous ces systèmes favorisant les échanges, le don, le réemploi, le transfert de connaissances, sont très positifs. Ils permettent en effet d’économiser en ressources et en énergie pour la fabrication de biens nouveaux. Si j’apprends à fabriquer moi-même mon dentifrice je limite mes déchets en tubes usagers. La relocalisation des échanges, et par extension de l’économie, est également très favorable à l’environnement. En effet, développer l’économie locale diminue les pollutions dues aux transports.

Petit tour d’horizon des possibilités d’échanges :

• Echanger des services
Les Systèmes d’Echanges Locaux (SEL) mettent en relation des personnes qui proposent et demandent des services. Les services échangés sont valorisés en unité d’échange locale. Cette unité traduit la valeur temps du service réalisé. Par exemple une heure de travail égale cent blés.
Les SEL permettent à leurs membres d’acquérir des services, mais aussi des savoirs et savoir-faire. Cela va du don de semences au service traiteur en passant par l’aide au déménagement.

La particularité du fonctionnement des SEL est qu’il n’y a pas nécessairement de réciprocité entre les participants. Il n’est pas obligatoire de rendre la pareille à la personne qui nous a rendu un service. Le service rendu plus tard alimentera le réseau et répondra à d’autres demandes.

Financièrement, c’est évidemment très intéressant. Certaines personnes entrent dans ces réseaux par nécessité (difficultés financières). Mais cela leur permet aussi de renforcer leur vie sociale. L’aspect local des SEL est très important. C’est ce qui va créer du lien. Finalement, les SEL c’est de l’entraide locale tout en valorisant les compétences personnelles de chacun. Il en existe une centaine en Wallonie et à Bruxelles. Peut-être un près de chez vous. Sinon, il suffit d’être une poignée de motivés pour en créer un.

• Echanger des savoirs
On échange tous des savoirs. Que ce soit au sein de nos familles ou entre amis : une recette de cuisine originale, un truc pour faire disparaître les taches de chocolat, l’apprentissage d’une langue en accueillant un correspondant ou encore la manière de ne pas payer un PV ;-) etc.
Certains sont des « pros » en la matière : ils participent à la foire aux savoir-faire qui a lieu chaque année à Bruxelles. Un endroit qui permet une fois par an de repousser un peu plus les limites des compétences de chacun. Et par conséquent, de repousser aussi un peu plus la nécessité d’acheter. En effet, le dentifrice, le produit anti-moustiques, le cuiseur solaire, le pull à la mode, le sirop de menthe, l’enduit de sa maison, etc. Tout ça devient « du fait maison » !

Chacun sait quelque chose et chacun peut transmettre son savoir. C’est tout simple. Et tellement vrai ! C’est sur cette évidence que s’appuient les réseaux d’échanges de savoir (RES). Ils ont pour objectif de mettre en relation des personnes qui veulent acquérir des savoirs avec celles qui proposent de les transmettre.

L'échange des savoirs s'effectue sur le mode de la réciprocité ouverte : toute offre suppose une demande et toute demande est accompagnée d'une offre, à plus ou moins long terme. Toujours sans médiation d'argent.
Tous types de savoirs sont concernés : intellectuels, manuels, savoir-faire, savoir-être et savoirs issus de l'expérience.

Aujourd'hui, une vingtaine de réseaux existent à Bruxelles et en Wallonie. Rejoignez-les, la diversité des savoirs fait la richesse des réseaux.

• Echanger des biens
Les échanges directs de biens sous la forme du troc sont parfois plus difficiles à réaliser mais s’avèrent aussi très intéressants. Tout type de bien peut être échangé pour le bonheur des deux parties : plantes, CD, vêtements etc.

La grande tendance du moment consiste en l’échange de maisons. Cela permet non seulement de voyager pas cher, mais aussi de bénéficier de tout le confort d’une maison habitée à l’année.

Internet a énormément facilité le développement de réseaux d’échanges. Un petit mail envoyé à des centaines de personnes permet de « se débarrasser » d’un objet encombrant ou inusité. C’est encore un simple mail qui informera que l’objet recherché depuis des mois est à disposition. Et ce gratuitement ce qui est non négligeable ! Les réseaux « freecycle » sont ainsi de vrais « boosters » d’échanges.

Petite astuce pour ceux qui ont du mal à se détacher de leurs biens : Internet permet par exemple d’enregistrer son bouquin préféré puis de le « relâcher » dans la nature (le donner à un ami, l’offrir à un compagnon de train, « l’oublier » dans un café ou une salle d’attente…). Grâce au code obtenu après enregistrement, on est prévenu par mail chaque fois que quelqu’un vient enregistrer un commentaire sur ce livre ! Ainsi on n’en perd pas la trace ;-)

• Echanges de bons procédés
Le WWOOFing (worldwide opportunities on organic farms) est un réseau qui met en relation des agriculteurs biologiques en demande d’aide pour la réalisation de tâches agricoles, et des volontaires motivés à travailler dans les fermes. Le principe du wwoofing, c'est l’échange et le volontariat. Le « wwoofeur » n'est donc pas payé mais reçoit le gîte et le couvert pour le travail effectué (quelques heures par jour).

Ce type d’entraide est très enrichissant car il permet de participer pleinement à la vie d’un lieu. Il est ainsi très intéressant de se rendre compte de la vie quotidienne des agriculteurs.

C’est aussi une manière conviviale et plaisante de voyager. Pour autant, il ne s’agit pas de tourisme à proprement parler car le travail fourni varie entre 4 et 7 heures par jour.

Les SELs permettent aussi de voyager ! Ainsi la route des SELs permet de favoriser les rencontres entre adhérents des SEL en utilisant leurs possibilités d'hébergement. Les adhérents offrent toutes sortes d'hébergement, de courte ou de longue durée. Ceux qui ne proposent pas d'hébergement peuvent néanmoins être reçus à condition de s’entendre avec leurs hôtes.

Dans le même ordre d’idées, on peut pratiquer le « couchsurfing »… D’où vient donc cette drôle d’idée de faire du surf sur canapé ? Tout simplement du bon sens. Proposer son canapé et pouvoir bénéficier du même service lors de ses déplacements en Belgique ou à l’étranger, c’est très pratique. C’est évidemment pas cher et surtout très convivial. Les hôtes sont en effet de très bons conseillers en coins typiques et bons plans.

Chacun sait quelque chose et peut transmettre son savoir ou fournir son aide

On l’aura compris, il est possible de tout échanger pour autant que l’on respecte les règles du jeu (chartes des systèmes). Il ne s’agit pas d’un moyen de profiter du système mais bien d’en faire partie et de le faire fonctionner.
L’économie actuelle (basée sur la monnaie) ne laisse que très peu de place aux échanges et liens entre personnes. Pourtant, chacun sait quelque chose et chacun peut transmettre son savoir ou fournir son aide.

Aujourd’hui émergent d’autres voies économiques : associations et coopératives, habitats groupés, Systèmes d’Echanges Locaux, Groupements d’Achats Solidaires (GAS), qui s’annoncent comme les réponses locales aux problèmes globaux auxquels nous sommes confrontés.
En rencontrant les objectifs économiques, sociaux et environnementaux, ces expériences de relocalisation et de simplicité traduisent au quotidien le développement durable. Il ne vous reste plus qu’à les tester ! Et peut être très vite vous demanderez vous comment vous n’y avez pas pensé plus tôt.

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