Éco-anxiété et solastalgie : c’est quoi ?

Éco-anxiété et solastalgie : c’est quoi ?
Éco-anxiété et solastalgie : c’est quoi ?

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La crise climatique vous angoisse ? L'état de l'environnement vous déprime ? Peut-être souffrez-vous d’éco-anxiété ou de solastalgie. Définition et symptômes.

Colère, tristesse, angoisse, stress… Les perspectives pour le climat, notre planète et nos civilisations peuvent susciter une variété d’émotions négatives. On entend de plus en plus parler d’éco-anxiété et de solastalgie mais de quoi s’agit-il exactement ? Est-ce une maladie ? Est-on tous égaux face au phénomène ?

Même s’il n’existe encore aucune définition consensuelle, on fait le point pour y voir plus clair.

Sommaire :

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L’éco-anxiété, c’est quoi ?

L’éco-anxiété serait « une peur chronique de la catastrophe environnementale », d’après la définition donnée par l’American Psychological Association[1]. Certains la présentent comme un stress pré-traumatique[2] car c’est une anxiété anticipative de l’incertitude des effets du changement climatique. Les individus touchés vivent avec des conséquences psychologiques liées à cette peur du futur[3], qui les empêchent de se projeter dans l’avenir de manière paisible.

Le déclencheur de l’éco-anxiété peut être différent selon la personne. Il peut être lié à :

  • un stress direct, tel qu’un traumatisme lié au changement climatique.
    En Belgique, c’est par exemple ce que beaucoup de personnes ont ressenti suite aux inondations qui ont eu lieu en été 2021. Ils ont vécu directement une conséquence du changement climatique.
     
  • un stress indirect.
    On peut ressentir de l’éco-anxiété alors qu’on n’a pas été touché par un évènement. Par exemple quand on prend connaissance via les médias ou les réseaux sociaux de ce qui risque d’arriver dans un futur proche[4]. L’éco-anxiété peut se déclencher dans diverses circonstances : la naissance d’un enfant, le visionnage d’un film, la lecture de rapports scientifiques du GIEC, le constat des inégalités sociales et géopolitiques… Ou même sans déclencheur unique et identifié.

Le concept d’éco-anxiété n’est pas tout neuf puisque le mot, qui associe écologie et anxiété, a été inventé en 1996 par la médecin-chercheuse belgo-canadienne Véronique Lapaige. Ce n’est pas un phénomène spécifique à notre époque mais c’est la première fois que l’on met des mots sur la problématique[5].

Si « éco-anxiété » est le terme le plus utilisé, à la fois dans les médias et dans les recherches réalisées sur le sujet, certains le trouvent toutefois trop réducteur car il ne serait pas représentatif de toutes les facettes et émotions qui y sont associées.
 

Définition de la solastalgie

À côté d’éco-anxiété, on parle aussi de plus en plus de solastalgie. Le terme vient des mots « solacium » et « algie », tous deux issus du latin et qui signifient « (ré)confort » et « nostalgie ».

La solastalgie est « l'expérience vécue d'un changement d'environnement domestique perçu négativement »[6]. Autrement dit, c’est « le deuil d’un monde que l’on a connu » et qui est en train de disparaitre[7]. Un « mal du pays sans exil », pour reprendre les mots du philosophe Baptiste Morizot[8].

La différence entre la solastalgie et l’éco-anxiété est donc le rapport au temps. Ici, les émotions sont ressenties a posteriori par la perte de notre environnement familier.
 

L’éco-anxiété est-elle une maladie ?

Éco-anxiété et solastalgie ne sont pas synonymes de maladies mentales ou de pathologies. Aucun de ces deux termes ne se retrouve d’ailleurs dans le DSM ou dans la CIM (les deux systèmes de classification des maladies mentales les plus utilisés). Une majorité d’auteurs, de chercheurs et de thérapeutes pensent même que ces réactions sont le signal d’une certaine lucidité sur le monde, une réponse rationnelle face au changement climatique[9]. Une sorte de symptôme d’une société qui va mal. Selon certains, l’éco-anxiété peut tout de même relever du pathologique dans certains cas précis, si elle va jusqu’à entraîner trop de conséquences négatives sur la vie de l’individu[10].

Il s’agit donc plutôt d’un phénomène de société. Certains spécialistes n’apprécient d’ailleurs pas les appellations qui font penser à des maladies. Selon eux, le risque est d’inciter à soigner les éco-anxieux au lieu de résoudre le problème en lui-même (et donc de s’occuper du changement climatique et de ses conséquences).

Cependant, les conséquences pour les individus qui ressentent ces sentiments ne sont pas toujours faciles à vivre. Il peut être intéressant de chercher des pistes de solutions à son échelle pour apprendre à cohabiter au mieux avec son éco-anxiété.

> Lire : Comment vivre sereinement avec son éco-anxiété ?

Quels sont les symptômes de l’éco-anxiété ?

Même si l’éco-anxieté et la solastalgie ne sont pas des maladies, à quoi les reconnaît-on ?

Une diversité d’émotions

Toute une palette d’émotions est associée à cette anxiété environnementale[11] :

  • angoisse
  • stress intense
  • tristesse
  • colère
  • déprime
  • sentiment d’impuissance
  • sentiment d’injustice
  • culpabilité
  • épuisement
  • frustration
  • perte de sens

Ces émotions ne se manifestent pas de la même façon chez chacun (ni même tout le temps de la même manière chez la même personne).

D’autres symptômes

D’autres manifestations peuvent découler d’une éco-anxiété : des insomnies, des difficultés à s’endormir, des tensions musculaires, une boule au ventre, de l’isolement, de la paralysie face aux choix futurs, des ruminations, une recherche « boulimique » d’informations ou d’actions, perte d’appétit, de motivation ou d’énergie…[12]

Certains aspects de la vie peuvent être impactés par l’éco-anxiété :  la vie de famille, la relation aux proches, le choix des études ou du travail… 39 % des jeunes auraient peur d’avoir des enfants à l’avenir à cause des incertitudes liées au changement climatique[13].

Toutefois, ces sentiments n’entraînent pas forcément que des conséquences négatives. Chez certaines personnes, ils peuvent également pousser vers l’action, la création, l’engagement… Ou encore se traduire par une remise en question professionnelle, un changement de travail pour se rapprocher de ses valeurs[14].

> Lire aussi : Comment trouver un travail dans l’environnement ?
> Lire aussi : Quelle formation pour travailler dans l’environnement ?

Un deuil à faire ?

Accepter de perdre le monde tel qu’on le connaît, ce serait un peu comme faire le deuil d’un proche. C’est en tout cas un parallèle souvent utilisé[15]. Comme dans la courbe du deuil[16], pour accepter ce changement on passe par plusieurs phases qui se succèdent, chacune avec ses émotions particulières. Certaines étapes sont plus propices à devenir des moteurs d’action, telle que la phase de remontée ainsi que la colère[17].

Courbe effondrement

Cette courbe est joliment illustrée par Mathieu Van Niel. Source : tatoudi.com

 

Phase descendante 

  • Choc : début du processus de deuil. On se sent démuni, impuissant, sidéré.
  • Déni : on accepte difficilement la réalité : « Ce n’est pas possible, c’est juste un mauvais film », « Si le danger était aussi grand, les gouvernements feraient quelque chose »
  • Colère : on cherche un coupable. « Qui est responsable de cet état du monde ? »
  • Peur : « Qu’est-ce qu’on va devenir ? Comment faire face ? »
  • Marchandage : on négocie, « Je vais travailler à vélo donc je peux prendre l’avion une fois par an », « de toute façon les autres font pire que moi »
  • Dépression : « On va droit dans le mur », on se rend compte que notre destin nous échappe. Souffrance et questionnements.

Phase de remontée 

  • Acceptation : on accepte la situation, le monde connu jusqu’à présent est derrière nous.
  • Quête de sens : on se projette dans l’avenir. On se met en mouvement pour être raccord avec notre prise de conscience.
  • Sérénité : on accepte les incertitudes, le sens de la vie est retrouvé.

Cette courbe n’est pas forcément linéaire, on peut faire de nombreux allers-retours entre les différentes phases, ne pas passer par certaines, etc. Tout le monde ne ressent pas non plus les émotions à la même intensité, ce qui fait que cela peut avoir des conséquences différentes sur la vie d’un individu ou d’un autre (ses choix de vie, ses relations interpersonnelles...).

Certaines personnes sont-elles plus touchées ? 

Une part importante de la population serait touchée par l’éco-anxiété. 67 % des Français auraient des éco-émotions[18]. 1 Belge sur 10 souffrirait même d’éco-anxiété à un niveau sévère[19]. Et le phénomène est mondial : les pays les plus touchés à l’heure actuelle sont les pays émergents[20], où les populations sont les plus impactées par les conséquences du réchauffement climatique.

Si chacun peut ressentir de l’éco-anxiété ou de la solastalgie, certaines catégories de la population semblent plus touchées. C’est le cas des femmes et des moins de 40 ans[21]. Les jeunes sont particulièrement vulnérables, avec 70 % des 16-25 ans se déclarant très inquiets par rapport au changement climatique[22].

 

Public touché par l'éco-anxiété

Les jeunes sont particulièrement sujets à l’éco-anxiété. Graphique : Statista.

 

Ceci dit, sans définition officielle, il est difficile de chiffrer précisément l’ampleur du phénomène, le type de personnes concernées, etc. Il faudrait aussi pouvoir évaluer à quel point une personne est « atteinte ». Pour cela, des échelles de mesure de l’éco-anxiété sont en cours de développement[23].

Les études s’accordent en tout cas sur le fait que les changements environnementaux ont des effets sur la santé mentale et que, même s’il n’est pas neuf, le phénomène est en augmentation. L’accessibilité et la visibilité accrue des informations sur le changement climatique amènent probablement une plus grande partie de la population à ressentir de l’angoisse à ce sujet.
 

Comment faire face à ces sentiments ?

L’isolement, le sentiment d’impuissance, la colère… On peut vite se laisser submerger par les émotions liées à l’état de l’environnement et à son avenir. Et si on essayait de cohabiter au mieux avec notre éco-anxiété ? Et si on essayait de transformer ces sentiments en moteur d’action, de changement, de reconnexion avec nos valeurs ?

On peut réagir de différentes façons[24] :

  • par des actions orientées plutôt vers l’extérieur : agir en politique, participer aux villes et villages en transition, s’engager dans des actions collectives[25]

> Voir : S'engager en groupe

  • par une démarche plutôt intérieure : se reconnecter à la nature, faire un chemin de transformation personnelle…

> Voir : Trouver les ressources qui nous correspondent

Il n’y a pas de formule magique. C’est à chaque personne de trouver les ressources et actions qui fonctionnent pour elle et lui permettent de vivre le plus sainement possible avec l’éco-anxiété ou la solastalgie.

> Lire : Comment vivre sereinement avec son éco-anxiété ?

 

[3] “Une autre fin du monde est possible” Gauthier Chapelle, Pablo Servigne et Raphaël Stevens

[9] Alice Desbiolles, médecin, interviewée en 2022 par la RTBF (COP27 : "L’éco-anxiété, moteur du changement) et « Petit guide de survie pour éco-anxieux », Schmerber, C. (2022)

[10] « L'éco-anxiété est un problème politique", C. Schmerber, thérapeute, interviewée par RadioFrance (2022).

[12] « Appréhender l’éco-anxiété : une approche clinique et phénoménologique » Jalin, H., Chandes C., Congard A. et Boudoukha, AH. (2022)

[13] Sur 10 000 jeunes interrogés de par le monde. « Climate anxiety in children and young people and their beliefs about government responses to climate change: a global survey” Hickman, C., Marks, E., Pihkala, P., Clayton, S., Lewandowski, R. E., Mayall, E. E., ... & van Susteren, L. (2021).

[14] « Appréhender l’éco-anxiété : une approche clinique et phénoménologique » Jalin, H., Chandes C., Congard A. et Boudoukha, AH. (2022)

[16] “On Death and Dying” Kübler-Ross, E. (1989).

[22] Sur 10 000 jeunes de 16 à 25 ans interrogés de par le monde. « Climate anxiety in children and young people and their beliefs about government responses to climate change: a global survey” Hickman, C., Marks, E., Pihkala, P., Clayton, S., Lewandowski, R. E., Mayall, E. E., ... & van Susteren, L. (2021).

[24] “Une autre fin du monde est possible” Gauthier Chapelle, Pablo Servigne et Raphaël Stevens

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