Colère, angoisse... L'éco-anxiété amène son lot d'émotions fortes. Des actions collectives aux bains de nature, voici des idées et outils pour mieux les vivre.
L’éco-anxiété gagne du terrain. Les informations alarmistes au sujet du climat peuvent entraîner une variété d’émotions difficiles à vivre et qui affectent la santé mentale[1] : tristesse, angoisse, colère.... On peut se sentir seul et impuissant face à l’avenir de l’environnement et à un potentiel effondrement.
> Lire aussi : Éco-anxiété et solastalgie : c’est quoi ?
Alors comment vivre son quotidien malgré les incertitudes ? Quels outils peuvent aider à gérer l’angoisse ? Comment transformer ses émotions négatives en moteur d’action pour essayer de changer les choses à son échelle ?
Il n’y a pas de formule magique, chaque personne est différente et a ses propres ressources et limites. Voici donc plusieurs idées[2]. Chaque proposition est assortie de ressources pour aller plus loin, nourrir la réflexion personnelle et trouver des solutions qui marchent pour soi.
Sommaire :
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La boulimie d’informations est caractéristique de nombreuses personnes éco-anxieuses[3]. Face à l’ampleur et à la complexité du problème (qu’il s’agisse du réchauffement du climat, de la perte de biodiversité ou de l’état général de l’environnement), on cherche à s’informer : on regarde le journal télévisé, on suit les infos des associations et influenceurs engagés, on regarde des films, des documentaires et des vidéos, on lit des livres sur l’effondrement… À cette recherche frénétique d’informations est très souvent lié un sentiment d’anxiété, voire une déprime.
On appelle ça la stratégie du missionnaire numérique.
Illustration : tatoudi.com[4]
Alors que faire ? Se planquer dans une grotte ? La réponse n’est pas si simple, tout est une question d’équilibre. À chacun de fixer ses limites. Pour certaines personnes, cela peut effectivement se traduire par une cure sans nouvelles anxiogènes[5] et sans réseaux sociaux.
Limiter les infos anxiogènes pour garder son énergie positive.
Illustration : tatoudi.com
Sans nier la réalité, on peut choisir de se tourner vers des infos positives et constructives, histoire de se donner l’envie d’agir[6]. Pour faire le plein d’initiatives ou de bonnes nouvelles concernant l’environnement, c’est par ici : Le journal des bonnes nouvelles, Goodness.planète, Positivr, Le Média Positif, NowU, WE Demain, So refreshed…
Besoin d’un coup de boost ou d’inspiration ? Voici également une sélection de films, podcasts et livres porteurs d’espoir :
On veut continuer à se renseigner sans être assailli sans cesse d’infos anxiogènes ? On peut choisir quelques sources d’informations spécifiques pour décrypter la société et se limiter à celles-là.
On consulte par exemple des revues comme Tchak (revue paysanne et citoyenne belge), LIMIT, Reporterre, l’Info Durable, Vert le média qui annonce la couleur, Terra Darwin, Climax, le Biais Vert (vidéos), Chaleur Humaine (podcasts), le site d’écoconso ou sa newsletter (articles et conseils pour comprendre et agir)…
On peut aussi choisir des films et livres pour avancer à son rythme, sans la pression engendrée par les réseaux sociaux. Par exemple, on consulte la sélection de livres, films et podcasts de Bon Pote. On peut aussi aller faire un tour sur la plateforme Imago qui donne accès gratuitement à diverses ressources.
Il est parfois compliqué de vivre un quotidien qui ne correspond pas ou plus à ses préoccupations et dans lequel on ne se retrouve pas. Cette dissonance peut entraîner des sentiments négatifs. Pour les réduire, rien de tel que de passer à l’action pour aligner ses actes avec ses pensées.
Se concentrer sur les solutions, agir à son échelle ou dans un groupe[7] peut aider à diminuer l’éco-anxiété. On devient acteur ou actrice du changement et on génère ainsi des sentiments d’optimisme et une sensation de contrôle[8].
D’après le Dr Alice Desbiolles, « L’éco-anxiété génère des "clusters de bonheur". Des gens réinventent leur quotidien, leurs lieux de vie, créent du lien, des amitiés, des rencontres. À partir du moment où l’on se met en mouvement, que l’on devient acteur de son avenir, c’est une façon de se réapproprier son destin environnemental. »[9]
Attention tout de même à ne pas s’épuiser en s’engageant partout, tout le temps, ni à culpabiliser quand on n’arrive pas à être complètement cohérent. Le « burn out militant »[10] est une réalité, alors on apprend à connaître ses limites, on avance progressivement et on fait de son mieux !
Enfin, accepter que le monde ne sera plus pareil peut ressembler à un processus de deuil, et suivre des étapes similaires. Certaines phases sont plus propices à l’action. On en profite pour se mettre en mouvement mais on s’autorise aussi à prendre soin de soi quand on en a besoin.
> Voir plus d’infos sur la courbe du deuil liée à l’éco-anxiété
S’engager dans un groupe permet de faire partie d’une communauté et de se sentir acteur[11]. « Ensemble, on va plus loin », telle est la devise pour ce type d’actions collectives et il y en a pour tous les goûts ! Initiatives militantes ou non, en ville ou à la campagne…, voici quelques idées d’initiatives à rejoindre :
La liste est encore longue !
> Retrouver ces idées en détail : Transition écologique : dans quelle action collective s’engager ?
Allez, on regarde ce qui nous botte, on prend contact et on s’engage !
Envie d’agir à son échelle et au quotidien ? D’en faire plus mais sans savoir ou commencer ? On réfléchit à ce qu’on mange, à son mode de transport, à ce qu’on achète (vêtements, cosmétiques, etc.)… On se renseigne, on se fixe des objectifs (réalisables !) et on s’y met.
Besoin d’inspiration ? Voici quelques exemples, certains sont simples à mettre en place dans son quotidien :
Pour se faire accompagner dans sa transition, on peut participer à des ateliers. L’agenda du Réseau IDée, des Initiatives en transition ou d’écoconso reprennent les activités organisées par région.
Par exemple, l’initiative « The Week ». Cette initiative gratuite consiste en trois rendez-vous en une semaine. On regarde un documentaire et puis on discute en groupe afin d’arriver à des pistes de solutions pour voir comment agir à son échelle. L’idée : se préparer ensemble à l’aventure qui nous attend dans ce monde qui change.
Suite à une prise de conscience écologique, doit-on tout reconsidérer ? Changer de boulot ? Habiter à la campagne ? Changer d’amis ? Ne pas avoir d’enfants ?
On ne donnera pas ici de réponse car ce sont des questions extrêmement personnelles, il appartient à chacun de répondre.
Mais pour nourrir la réflexion, voici des propositions de ressources sur ces thématiques complexes.
La réponse n’est pas simple… En résumé ? Vivre à la campagne ne diminue pas forcément l’empreinte carbone, certaines nuances sont à prendre en compte car il existe « ville et ville, et campagne et campagne »[12].
Par exemple, l’air est moins pollué à la campagne et on peut y cultiver un lopin de terre. Mais cela entraîne souvent une dépendance à la voiture, plus de consommation de chauffage et un étalement de l’habitat (alors que les terres sont rares en Belgique et qu’il faut préserver des espaces pour la biodiversité).
Mais ce sont là des généralités, qui ne tiennent pas compte des situations particulières (où travaille-t-on, faut-il jouer les parents-taxi, etc.).
Le choix du lieu de vie est en tout cas important car il conditionne de nombreuses choses pour la suite (on ne peut pas vivre en pleine campagne et espérer des transports en commun proches et fréquents par exemple). On s’interroge donc sur les conséquences qu’un changement de lieu de vie aurait (trajets, vie sociale, vie de famille, situation professionnelle…) et on met cela en balance par rapport aux bénéfices pour son bien-être et l’environnement.
Pour nourrir la réflexion :
De quoi alimenter ses réflexions personnelles :
C’est décidé, on change de job ?
> Lire aussi : Comment trouver un travail dans l’environnement ?
Envie de changer mais ça demande une certaine reconversion professionnelle et le besoin de se former ?
> Lire aussi : Quelle formation pour travailler dans l’environnement ?
Si changer de travail n’est pas la solution qui nous convient, on peut essayer de faire changer les choses à l’intérieur de son organisation. On peut par exemple faire un tour sur My ticket qui propose toutes sortes de ressources sur ce sujet (MOOCs, articles…) ainsi que Way to shift qui a réalisé une boîte à outils.
> Lire aussi : 7 actions pour réduire son empreinte écologique au travail.
Enfin, on peut aussi trouver du sens en dehors de son boulot et s’engager dans des actions collectives ou individuelles.
Chercher ce qu'on peut faire à l'intérieur de son job pour changer le monde.
Illustration : tatoudi.com
De plus en plus de jeunes hésitent à avoir des enfants notamment à cause de l’avenir incertain de la planète. Voici des ressources pour réfléchir à cette question très personnelle :
Ce qui est déstressant pour une personne ne l’est pas pour une autre. Il est intéressant d’identifier ce qui marche pour soi, afin de prendre soin de soi et mieux cohabiter avec son éco-anxiété. Selon ce qui nous convient le mieux, on peut faire appel à l’entourage, se rapprocher de la nature pour diminuer son anxiété, s’ancrer dans le présent avec la pleine conscience, trouver des cercles de parole pour partager ses ressentis, faire appel à un thérapeute…
L’éco-anxiété peut mener à un sentiment d’isolement. Pour y faire face, une étape importante est de parler de ses émotions et ressentis avec ses proches, sa famille, ses amis, sur les réseaux… C’est une façon de se rendre compte que l’on n’est pas seul face à la situation et qu’il s’agit d’une réaction légitime.
Toutefois, plusieurs personnes éco-anxieuses témoignent et expriment une certaine incompréhension par leur entourage[13]. Vers qui se tourner alors ?
> Lire : Comment trouver des initiatives citoyennes ?
Cercle de parole. Source : Cercles de paroles sur l'état du monde
Passer du temps dans la nature apporte son lot de bénéfices pour la santé mentale et physique[14], dont la baisse de l’anxiété et du stress[15] ainsi qu’une envie plus importante de passer à l’action par rapport au climat[16]. Que cela soit par la réalisation d’un potager, des balades ou des randonnées, la sylvothérapie[17]… Les bains de forêt, par exemple, peuvent être salvateurs pour réduire le stress du quotidien[18].
Cette méthodologie a été créée par Joanna Macy[19], éco-philosophe vivant en Californie. L’objectif ? Ressentir son appartenance au vivant et retrouver l’énergie d’agir. Le travail se fait en groupe. On accepte ce qui se passe autour de soi (menaces écologiques, impression d’effondrement), on exprime ses ressentis, et on renoue avec l’envie et l’énergie d’agir collectivement pour un monde durable.
Un atelier de Travail qui Relie (« The Work that reconnects » en anglais) suit une dynamique de spirale en 4 étapes (généralement en 4 jours). Ces étapes peuvent être vécues plusieurs fois.
> Calendrier des prochains ateliers de Travail Qui Relie
> En Belgique, Naviguer en Terre Agitée ou encore Terr’Eveille organisent ce type d’ateliers
Marche consciente, bain de forêt, balade contemplative, méditation et arts peuvent faire partie d’un atelier du Travail qui Relie pour aider à se relier à soi, aux autres et à la Terre[20].
La pratique de la méditation peut aider à réduire le stress quotidien et à cohabiter avec les émotions négatives liées au climat. Il existe divers courants de méditation dont celui de la pleine conscience, régulièrement recommandé pour gérer son éco-anxiété.
La pratique de la pleine conscience (ou « mindfulness ») aide le corps à développer des ressources internes. Le principe : « porter son attention sur le moment présent, instant après instant, de façon intentionnelle, et sans jugement de valeur »[21]. Avec l’éco-anxiété, on se projette constamment vers l’avenir. La méditation et/ou la pleine conscience peuvent donc aider certaines personnes à se recentrer sur l’instant présent et diminuer ainsi les émotions négatives.
La pratique prend 15 minutes par jour (après la phase d’entrainement). Les cycles de réduction du stress basée sur la pleine conscience (Technique MBSR - Mindfulness-Based Stress Reduction) s’organisent généralement en 8 semaines d’entrainement (3 heures en groupe par semaine) et une journée de méditation. Au programme : scan corporel, mouvements en pleine conscience, méditation assise, méditation marchée…
> En savoir plus sur les programmes de Pleine Conscience et l‘organisation de cycle en Belgique
Des cycles de pleine conscience spécialement dédiés à l’éco-anxiété ont même vu le jour les dernières années. On utilise les techniques pour apprivoiser ses sentiments et se reconnecter au vivant.
> Lire aussi : Slow life : comment ralentir pour vivre mieux et préserver la planète ?
On utilise la thérapie, la méditation pour se relier au monde et être plus serein.
IIllustration : tatoudi.com
L’éco-anxiété n’est pas une maladie.
> Lire aussi : L’éco-anxieté et la solastalgie sont-elles des maladies ?
Cela n’empêche pas de ressentir le besoin de se faire aider par un professionnel si l’éco-anxiété prend le dessus sur tout et devient handicapante au jour le jour.
Certains thérapeutes se forment actuellement sur l’éco-anxiété et l’éco-psychologie (ce sont des « éco-thérapeutes »). Le réseau de la Transition Intérieure ou l’association RAFUE (en France) répertorie plusieurs psychothérapeutes ayant l’habitude de travailler sur les questions du changement climatique.
Peu importe le format que l’on préfère, voici quelques ressources pouvant être utiles pour approfondir ce sujet. Des témoignages, décryptages et des pistes de solutions pour tout un chacun, avec une touche d’humour ou de positivisme.
On vous a concocté une playlist sur Spotify avec une sélection de podcasts sur l’éco-anxieté :
Face aux défis environnementaux, chacun a un rôle à jouer. Les gestes individuels sont essentiels mais ne suffisent pas[22]. Il faut aussi l’action des pouvoirs publics et des entreprises. Alors on relativise ! L’avenir de la planète ne dépend pas que de nous et il serait injuste de faire reposer cette responsabilité sur les seules épaules des citoyens. Il est important de se souvenir de cela pour ne pas tomber dans la culpabilisation constante de l’individu et du consommateur.
Au final, ce qui pourrait réellement « soigner » l’éco-anxiété serait la résolution des crises environnementales (climat, biodiversité…). Si les différentes problématiques étaient solutionnées, l’éco-anxiété ainsi que toute la panoplie d’émotions associées disparaitrait également. Alors on ne baisse pas les bras : on s’arme de courage, de positivité, de colère et de tous ces sentiments qui font de nous des êtres humains et on essaye de faire changer les choses à son échelle et ensemble !
> Adaptation au changement climatique : comment se préparer ?
> Slow life : comment ralentir pour vivre mieux et préserver la planète ?
[1] Les changements climatiques ont des impacts néfastes sur la santé mentale, les études le prouvent. Voir « Climate change and mental health » de Climate psychiatry alliance.
[2] Des recherches seraient encore nécessaire pour venir appuyer ces propositions. Celles-ci ressortent toutefois de lectures de thérapeutes ayant travaillé avec des personnes éco-anxieuses et de témoignages.
[3] « Appréhender l’éco-anxiété : une approche clinique et phénoménologique » Jalin, H., Chandes C., Congard A. et Boudoukha, AH. (2022)
[4] Les illustrations de cet article sont tirée du site Tatoudi.com et représentent « Les stratégies face aux effondrements
[5] « Petit guide de survie pour éco-anxieux » Schmerber C. (2022)
[6] « Eco-Anxiety and Planetary Hope » Vakoch, D. A., & Mickey, S. (2022)
[7] « Existential threat as a challenge for individual and collective engagement: Climate change and the motivation to act” Stollberg. J., & Jonas, E. (2021)
[8] « Hope, Coping and Eco-Anxiety: Young People’s Mental Health in a Climate-Impacted Australia” Gunasiri, H., Wang, Y., Watkins, E. M., Capetola, T., Henderson-Wilson, C., & Patrick, R. (2022).
[9] « COP27 : "L’éco-anxiété, moteur du changement" (Alice Desbiolles, médecin) » RTBF (2022)
[10] « Enquête : le burn out militant » (2022)
[11] « Eco-Anxiety in “the Climate Generation”: Is Action an Antidote?” Coppola, I. G. (2021)
[12] « Faut-il vivre en ville ou à la campagne pour être écolo? », Viguié V. (2022)
[13] Notamment dans « Qui veut la peau de la licorne ? » Rémy G., Servigne P., Chapelle G., et Wattelet V. (2020) et dans « Petit guide de survie pour éco-anxieux » Schmerber C. (2022).
[14] « Petit guide de survie pour éco-anxieux » Schmerber C. (2022)
[15] « Les bains de nature permettraient de réduire la consommation de certains médicaments », Futura-sciences
[16] « Hope, Coping and Eco-Anxiety: Young People’s Mental Health in a Climate-Impacted Australia” Gunasiri, H., Wang, Y., Watkins, E. M., Capetola, T., Henderson-Wilson, C., & Patrick, R. (2022).
[17] « La sylvothérapie est une médecine non conventionnelle qui repose sur l'idée qu'être dans une forêt ou à proximité d'arbres aurait un effet bénéfique sur le bien-être et la santé. » https://fr.wikipedia.org/wiki/Sylvoth%C3%A9rapie
[18] « La « nature », outil thérapeutique de réduction du stress : enquête d’opinion auprès d’assistants en médecine générale », Brunin, F. (2020)
[19] Joanna Macy: "Ecopsychologie pratique et rituels pour la Terre - retrouver un lien vivant avec la nature" - Editions Le Souffle d'Or (2009)
[21] Kabat-Zinn, 1993
[22] L’étude Faire sa part ? Pouvoir et responsabilité des individus, des entreprises et de l’État face à l’urgence climatique (César Dugast, Alexia Soyeux) a montré que même en adoptant tous et toutes un comportement « héroïque généralisé », la balance ne penchera pas si les pouvoirs publics et entreprises ne montent pas dans le train en marche.