En quoi la transition écologique dépend-elle des métaux ?

En quoi la transition écologique dépend-elle des métaux ?
En quoi la transition écologique dépend-elle des métaux ?

Type de publication:

Thématiques : 

Mots-clés : 

Auteurs : 

Cuivre, lithium, cobalt... La transition écologique dépend de plusieurs métaux, dont certains sont rares, stratégiques ou critiques. On fait le point.

Panneaux photovoltaïques, éoliennes, voitures électriques... Tous ces objets - et bien d'autres - font partie des solutions pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Mais pour les produire, il faut beaucoup de métaux. On considère que la transition écologique dépend de la disponibilité de ces métaux, avec tous les enjeux environnementaux et géopolitiques que ça suppose. Résumé la situation.

Sommaire :

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
 

De la dépendance fossile à la dépendance aux métaux

Quand on parle de véhicule électrique, d’éolien, de photovoltaïque ou de batteries, on pense peut-être « technologies propres »… à tort. Ces technologies sont gourmandes en métaux[1] et les impacts de leur fabrication sur les populations locales et sur la biodiversité ne sont pas négligeables. Il faut prendre du recul pour mettre en balance la diminution des émissions de gaz à effet de serre avec le risque de pollutions diverses.

Diminuer notre dépendance aux énergies fossiles, c’est faire un (grand) pas vers la décarbonisation de la société. Alors, pour y parvenir, on fait comment ?

  • on diminue les consommation d’énergie ;
  • on électrifie ce qui peut l’être (les transports, le chauffage, l’industrie…) ;
  • on décarbone la production d’électricité.

La consommation de métaux va donc fortement augmenter les prochaines années. On va extraire plus de métaux en 30 ans (2020-2050) qu’en 4000 ans ! Mais dispose-t-on de suffisamment de ressources ? Et selon quelles conditions écologiques, économiques et géopolitiques leur extraction pourra-t-elle s’opérer ? C’est tout l’enjeu des métaux stratégiques, rares et critiques. Une société bas carbone, oui, mais pas sans sobriété.
 

La disponibilité des métaux : rares, critiques ou stratégiques ?

  • Un métal est rare si sa concentration dans la croûte terrestre est faible : entre 1 et 1000 parties par million (0,1 %), c’est le cas par exemple du cobalt, du cuivre, du nickel ou du plomb.
  • Un métal est stratégique[2] dans la mesure où il joue un rôle essentiel dans certains secteurs (la défense, l’aviation, l’automobile, l’informatique, l’énergie…).
  • Un matériau est considéré comme critique si :
    • il est essentiel dans son usage (par exemple le cuivre pour l’électrification) ;
    • et que des restrictions d’approvisionnement s’appliquent (disponibilité géologique, contexte géopolitique, capacité de production limitée).  

Attention, selon le pays considéré, une matière peut être critique ou non.

Par exemple :

  • les terres rares[3] ne sont pas critiques pour la Chine[4];
  • le cuivre n’est pas critique pour les États-Unis ;
  • pourtant, cuivre et terres rares sont critiques pour l’Europe.

Pour l’Europe, cette classification se base sur une matrice mettant en regard

  • le risque d’approvisionnement ;
  • et l’importance économique au sein de l’Union européenne.

Métaux rares
Illustration d’après Study on the Critical Raw Materials for the EU 2023
 

Dans ce graphique, les ressources qui présentent un risque d’approvisionnement supérieur à 1 et une importance économique au-dessus de 2,8 sont considérées comme critiques, elles sont indiquées en rouge. Le nickel et le cuivre ne présentent pas de risque d’approvisionnement mais ils sont tout de même considérés comme critiques.

Exemples :

  • le tungstène a une très grande importance économique (9) et il y a un petit risque d’approvisionnement (1,2). ;
  • les terres rares lourdes ont une importance économique (4,5) plus faible que le tungstène mais présentent des risques d’approvisionnement beaucoup plus élevés (5), liés à la mainmise de la Chine sur leur production et leur raffinage.

La Commission européenne a identifié 34 matières critiques en Europe[5] (en rouge sur le graphique), contre 50 aux Etats-Unis[6]. Parmi celles-ci, une quinzaine sont considérées comme stratégiques[7]. C’est le cas notamment du cobalt, des terres rares, du lithium, du nickel, du cuivre mais aussi du silicium, des platinoïdes, du gallium, du magnésium, du manganèse, du titane….

> Lire : La liste des 6 métaux nécessaires pour la transition
 

De quelles quantités de métaux parle-t-on ?

On estime qu’en 2021, 2,8 milliards de tonnes de métaux ont été extraits dans des mines.

  • 93 % (en poids) de cette extraction est constituée de minerai de fer (2,6 milliards de tonnes).
  • Très loin derrière, on trouve des métaux industriels tels que l’aluminium, le chrome, le nickel, le cuivre ou le plomb (en dizaines de millions de tonnes).
  • Dans des quantités beaucoup plus faibles (quelques dizaines de milliers de tonnes) on trouve
    • les métaux technologiques (lithium, cobalt, terres rares, tungstène) ;
    • les métaux précieux (or, platinoïdes, argent…).

All the metals we mined

Source : Visual capitalist

Certains de ces métaux, comme le fer, ne posent pas de problèmes de disponibilité.

Pour d’autres métaux, l’approvisionnement est plus compliqué. Le processus coince au niveau des gisements ou au niveau des politiques des pays qui maîtrisent la production et/ou la transformation.

Au niveau de la quantité de matières disponibles, on parle :

  • de réserves : quantité de ressources récupérables avec les techniques et les conditions économiques du moment ;
  • de ressources : quantités identifiées mais pas nécessairement accessibles au moment de l’évaluation.

Ces notions évoluent avec le temps, en fonction des progrès techniques et des conditions économiques.

Exemple :

  • En 1970, les ressources de cuivre étaient estimées à 1,6 milliards de tonnes et les réserves (économiquement et technologiquement exploitables) à 280 millions de tonnes.
  • Depuis lors, 650 millions de tonnes de cuivre ont été extraites dans le monde
  • En 2022, les réserves de cuivre étaient estimées à 890 millions de tonnes, trois fois plus que 50 ans auparavant !
     

Le recyclage des métaux : indispensable mais insuffisant

Le recyclage des métaux permet des économies de matière ainsi que d’énormes économies d’énergie par rapport à l’utilisation de métaux primaires : 90 à 97 % pour l’aluminium, 80 à 88 % pour le cuivre, 95 % pour le platine, 60 à 75 % pour l’acier, 90 % pour le nickel et 98 % pour l’or…

L’Europe souhaite produire au moins 15 % de sa consommation annuelle de métaux grâce au recyclage[8]. C’est un objectif très ambitieux, surtout quand on connait les contraintes liées au recyclage de certains métaux.

Voici quelques éléments qui coincent concernant le recyclage des métaux :

  • La plupart de éléments se recyclent très peu, que ce soit pour des questions économiques ou pour des raisons techniques (trop de métaux emmêlés, en petites quantités).
  • Même pour les métaux qui se recyclent bien, il y a des pertes de matière importantes : on recycle 60 % du platine et du nickel, 50 % du cuivre et de l’argent, 40 % de l’aluminium, 37 % du chrome du zinc et du cobalt (Agence Internationale de l’Energie, 2021).
  • Même si on atteignait un rendement de recyclage de 95 %, on perdrait 50 % de matière après 14 cycles. Si on a des cycles de moins deux ans (comme avec une partie des smartphones) cela représente des pertes de matières importantes dans un temps relativement court.
  • Il y a un grand décalage entre la disponibilité des métaux pour le recyclage et leur utilisation. Par exemple, il y a encore peu de panneaux photovoltaïques et de batteries de voitures électriques disponibles pour le recyclage vu que leur durée de vie est de plus de vingt ans pour les panneaux et dix ans pour les batteries.
  • Les compositions chimiques peuvent varier d’une génération à une autre, cela impose aux unités de recyclage de s’adapter (par exemple pour les batteries de voitures électriques il y a des MNC mais aussi des LFP, des NCA … qui ne vont pas être recyclées de la même manière).

 

Et quand les métaux manquent ?

Les métaux n’ont donc pas tous le même degré de criticité. Certaines ressources ne sont disponibles que dans une quantité limitée…

On parvient cependant à exploiter des gisements avec des teneurs en métaux de plus en plus faibles. Le hic ? Cela demande davantage d’énergie par tonne extraite et les impacts environnementaux vont en augmentant….

Il y a d’ailleurs des gisements qui ne devraient jamais être exploités tellement les impacts environnementaux sont démesurés. C’est par exemple le cas des ressources du Groenland, des fonds marins, de l’Antarctique…

Une piste serait de rouvrir des mines en Europe pour certains métaux comme le lithium. Mais là aussi, il faut tenir compte des impacts sur les populations et de l'acceptabilité…

 

[1] Les voitures électriques utilisent du cobalt, du lithium, du nickel pour leurs batteries mais aussi de l’aluminium , du cuivre et, pour certaines, des terres rares dans leur moteur. Les piles à combustible sont gourmandes en platine, palladium et rhodium. Les éoliennes utilisent du cuivre, de l’aluminium, du nickel et, pour les éoliennes offshore, des terres rares (une éolienne de 5MW peut contenir une tonne de neodyme et 200 kg de dysprosium). Le photovoltaïque utilise du silicium mais aussi de l’aluminium, de l’argent et du cuivre.

[3] Les terres rares sont un ensemble de 17 métaux aux propriétés remarquables : magnétiques pour certaines (Dysprosium, Néodyme), luminescentes …

[4] Elle en assure l’essentiel de l’extraction et du raffinage

[5] Supply chain analysis and material demand forecast in strategic technologies and sectors in the EU – A foresight study, Joint Research Centre (JRC), 2023

[7] Study on the Critical Raw Materials for the EU 2023

[8] Cet objectif fait parte de la stratégie de l’Europe pour être moins dépendante des matières premières critiques.

Voir aussi

Aucune publication trouvée.