Le coronavirus, une bonne chose pour le climat ?

Le coronavirus, une bonne chose pour le climat ?
Le coronavirus, une bonne chose pour le climat ?

Le coronavirus aurait réussi là où tous ont échoué. Une conclusion vite tirée. Son impact sur le climat dépendra surtout de ce que l'on va faire maintenant.

Le confinement de 4 milliards d’humains a ralenti les activités de transport, de production… Du coup, on constate aussi une réduction de la pollution et des émissions de gaz à effet de serre.

Ce qui fait dire à certains que cette pandémie aura au moins eu le mérite de réussir ce que des années de négociation et de sensibilisation à propos du réchauffement climatique n’ont pas pu atteindre. Mais la conclusion n’est pas si simple…

Sommaire :

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Émissions de gaz à effet de serre en baisse… mais gare au rebond !

Lors du confinement, on a pu observer plusieurs indicateurs positifs pour le climat :

  • Le trafic aérien a diminué de 70% dans le monde et même de 90% en Europe.

Chute du trafic aérien dans le monde à cause de la pandémie COVID-19
Le trafic aérien mondial a chuté de manière spectaculaire : de 175 000 vols par jour à 70 000, alors qu’il était en augmentation chaque année. Source : flightradar24.
 

  • En Wallonie, le trafic de camions a baissé de 40% et le trafic automobile de 70% après le début du confinement, mi-mars.[1] Une diminution du trafic de 98 ,5% durant les 3 premières semaines de confinement a même été noté par le système de navigation Coyote.
  • En Chine, on a observé une diminution des émissions de CO2 de 25%. On y a aussi constaté une nette amélioration de la qualité de l’air alors que la pollution y tue 1,1 million de personnes chaque année. Ceci a permis d’épargner 77 000 vies, soit bien plus que les 4600 morts provoquées par le COVID-19.[2]
  • Les émissions de CO2 dans le monde devraient diminuer de 8% en 2020 par rapport à 2019, d’après l’Agence Internationale de l’Energie.

Ces nouvelles poussent certains à affirmer que puisqu’on a réagi aussi vite face à une pandémie, on devrait pouvoir en faire autant pour lutter contre le changement climatique.

Certes, on peut y voir un aperçu de ce qu’est un monde qui limite le réchauffement à 1,5°C, comme le recommande l’Accord de Paris : moins de voitures, moins de camions, moins d’avions, davantage de production locale, notamment pour la nourriture.

> Lire aussi : L’Accord de Paris sur le climat, c’est quoi ?

Mais la comparaison s’arrête là. On ne peut pas compter sur un arrêt des activités pour résoudre les problèmes climatiques. L’objectif n’est pas d’être immobile mais de se diriger vers un monde désirable et durable.

> Voir notre checklist d’actions pour le climat.

On entend déjà certains dire : « OK, mais c’est toujours ça de pris ! ». À vrai dire, ce répit temporaire dans les émissions de CO2 aura peu d’effet sur le climat. En effet, ce qui provoque l’effet de serre c’est l’accumulation de certains gaz (CO2, méthane, gaz fluorés…) dans l’atmosphère et en émettre un peu moins de façon temporaire ne suffit pas pour diminuer le stock déjà présent. D'ailleurs les concentrations en CO2 ont même atteint un record au mois d'avril, dépassant 416 ppm !

Keeling Curve - 416 ppm

Cela montre également le chemin à parcourir pour atteindre l’objectif de diminuer les émissions par deux d’ici 2030.

> Lire aussi : Comment réduire les émissions de gaz à effet de serre de 50% ?

L’effet positif sera d’autant plus temporaire si les activités repartent de plus belle une fois la pandémie derrière nous. Ce rebond pourrait être aidé par un prix du pétrole historiquement bas, le baril atteignant même un prix négatif à New York. Même s’il est habituel qu’il fasse du yoyo, cela rend les carburants fossiles très bon marché alors que la reprise des activités s’amorce.
 

Des opportunités de transformation

Faut-il pour autant simplement retourner à la « la vie d’avant » et oublier les enjeux climatiques ? Non, bien sûr.

On peut utiliser le redémarrage après cette crise tragique pour opérer certains changements. Ils seraient certainement facilités par les conditions particulières imposées par la situation.  

Conditionner les aides pour une « relance verte »

Les États vont être mis à contribution pour renflouer des secteurs touchés par la crise du coronavirus. Des centaines de milliards d’euros et de dollars vont être libérés pour des plans de relance.[3]

Les secteurs aériens et automobiles, notamment, sont lourdement touchés et demandent des aides (500 millions d’euros pour les avions en Belgique). C’est l’occasion de conditionner ces aides :

  • au maintien de l’emploi, qui est un enjeu énorme.
  • à une orientation vers une économie bas carbone. Par exemple via un plan contraignant de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Et là, ça coince.

En Europe, le secteur aérien estime que la perte de revenus pourrait atteindre 89 milliards d’euros en 2020 par rapport à 2019 et réclame 26 milliards d’aides aux États. Air France a obtenu 7 milliards de l’État français, sans contrepartie, et a annoncé juste derrière un plan de restructuration, avec des pertes d’emplois à la clé. Elle annonce également la réouverture de lignes régionales pour lesquelles il existe des lignes de train performantes, comme la liaison Paris-Marseille. On rappelle que l’avion est le seul moyen de transport qui utilise un carburant exempt de taxes, ce qui rend la compétition déloyale par rapport aux alternatives.

Taxer les billets d'avion ?
Le secteur aérien est durement touché par la crise. Mais c'est aussi un secteur très émetteur de gaz à effet de serre...

De son côté, le secteur automobile demande un assouplissement des objectifs d’émissions des nouveaux modèles de voitures (95 g CO2/km). Il a eu des années pour s’adapter et, au lieu de cela, les grandes marques ont dépensé sans compter pour promouvoir les gros SUV, des véhicules lourds et gourmands. Il est scandaleux de les voir maintenant utiliser cette crise pour se dérober à leurs obligations annoncées de longue date.

Une coalition d’associations belges[4] demande que les plans de relance soient compatibles avec le Green deal européen et l’Accord de Paris.

Le respect de l’Accord de Paris était également au cœur du Dialogue de Petersberg[5], premier grand sommet sur le climat depuis la crise du COVID-19. Le chef de l’ONU a rappelé qu’on ne devait pas renflouer des « industries obsolètes, polluantes et à forte intensité de carbone ».[6] La cheffe du FMI plaide aussi pour que la reprise économique se fasse dans le respect de l’environnement.[7]

Réaménager les villes dans l’urgence

Des trottoirs plus larges pour permettre aux poussettes de se croiser, des bandes de circulation désormais réservées aux piétons et cyclistes, des pistes cyclables qui fleurissent aux quatre coins du monde, des quartiers fermés à la circulation… Pour respecter la distanciation physique, on voit apparaître de nombreux aménagements d’urgence.

On parle d’urbanisme tactique[8] pour désigner ces aménagements de l’espace pour tenir compte de nouvelles contraintes. Et on se rend compte à quel point la place accordée à la voiture est démesuré et combien il est facile de corriger cela et d’offrir plus d’espace à des moyens de déplacements plus durables et efficients, en premier lieu la marche et le vélo.

Bruxelles, bonne élève en urbanisme tactique
Bruxelles fait partie des bons élèves en matière d’urbanisme tactique. Source : slide ADEME lors du webinaire CEREMA.

Alors que le déconfinement s’amorce, ces aménagements sont essentiels. La circulation des personnes pose question, particulièrement en ville. On s’attend à une certaine crainte d’utiliser les transports en commun. Pour ne pas que cela entraîne un report massif sur la voiture, il faut faciliter l’usage du vélo ou d’engins de micromobilité. D’autant que le vélo est considéré comme l’un des moyens de déplacement les plus sûrs par rapport aux risques de contagion.[9]

Le vélo, moyen de transport sûr pendant le coronavirus
Visuel réalisé par Vélo & territoires.

> Lire aussi : Pourquoi c’est si bon de rouler à vélo ou vélo électrique ? et Trottinette, hoverboard… Lequel choisir pour rouler au quotidien ?

Retenir la leçon et relocaliser

La mondialisation est peut-être économiquement efficace mais pas du tout résiliente. Elle facilite l’approvisionnement en matières premières et l’accès à une main d’œuvre bon marché. Le revers de la médaille est que quand la machine se grippe (le confinement de la Chine, l’usine du monde), c’est tout le système qui est touché.

La production de masques FFP2 et de gel hydroalcoolique en sont des exemples emblématiques. La Belgique n’avait pas de stocks et elle pensait en commander à la Chine mais, comme le stockage coûte cher, la production s’effectue un maximum en flux tendus et donc on n’a jamais pu obtenir les masques espérés.

Cela montre l’importance de pouvoir produire certains biens localement, en particulier l’alimentation et, bien entendu, du matériel médical.

Cela ne signifie pas se refermer sur soi-même mais retrouver une certaine autonomie.

Garder certaines nouvelles habitudes

Pendant cette période particulière de confinement, on a expérimenté de nouvelles façons de vivre et de consommer.

Le télétravail s’est imposé, pour ceux qui en avaient la possibilité. Avec comme bénéfice une baisse des trajets domicile-travail (moins de pollution et gain de temps !) et la découverte d’outils de collaboration à distance par un grand nombre. Peut-être que cela augmentera durablement la proportion de télétravailleurs, ne fût-ce que pour un à deux jours par semaine ?

Pourquoi encourager le télétravail ?

> Lire aussi : Pourquoi encourager le télétravail ?

On a aussi vu exploser les achats en circuit court, directement auprès des producteurs. Par exemple, la coopérative namuroise Paysans-Artisans, qui regroupe une centaine de producteurs, a triplé ses commandes en quelques semaines. Cela les ravit, ils se sont mobilisés pour tenir bon, répondre à la demande. Mais comme beaucoup d’autres à travers le pays, ils s’interrogent. Ce changement sera-t-il durable ? Doivent-ils adapter leurs cultures pour cette année, tant qu’ils le peuvent encore ? Peuvent-ils engager du personnel et faire des investissements pour assurer la suite ? Il ne tient qu’aux consommateurs de faire de ce changement une véritable nouvelle habitude d’achat avec moins d’impact sur le climat.

> Voir nos conseils et bonnes adresses : Comment manger durable et choisir entre bio, local, équitable ?

Beaucoup de personnes ont aussi :

Pour l'instant, tout ceci est vécu en grande partie de façon contrainte, dans un contexte anxiogène et parfois tragique. Mais peut-être gardera-t-on certaines de ces nouvelles habitudes après le confinement ?

Outre ses avantages écologiques, en particulier pour le climat, consommer autrement apporte de nombreux bénéfices individuels et collectifs, auxquels on pourrait facilement prendre goût...

> Découvrir ces bénéfices avec notre campagne LESS IS MORE.

 

[1] D’après Le Soir du 26 mars 2020.

[3] 2000 milliards de dollars aux USA, 1100 milliards d’euros en Allemagne, 540 milliards d’euros de l’Union europenne, rachat de 750 milliards d’euros d’obligations par la Banque Centrale Européenne…

[4] Inter-Environnement Wallonie, WWF, Bond Beter Leefmilieu, Natuurpunt, Natagora, BRAL et Greenpeace.

[6] À lire sur ONU Info

[7] À lire dans La Libre.

[9] D’après les Allemands Gerd Antes, ancien directeur du Centre Cochrane de la clinique universitaire de Fribourg-en-Brisgau, et le pneumologue Michael Barczok, représentant de sa fédération professionnelle. Propos cités par Der Spiegel et repris par Le Courrier International dans « Vu d’Allemagne. Face au Covid-19, le vélo protège doublement ».

 

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