Rana Plaza : 10 ans après, on en est où ?

Rana Plaza, 10 ans. Source : CNCD
Rana Plaza, 10 ans. Source : CNCD

Il y a 10 ans, le Rana Plaza s’effondrait sur des milliers d’ouvriers et ouvrières du secteur de l’habillement au Bangladesh. Depuis, où en est-on ?

Le bilan de l’effondrement du bâtiment est terrible : 1138 morts et plus de 2000 blessés. Ce drame a mis en lumière les conditions de travail et le non-respect des droits humains de la sous-traitance occidentale dans le secteur de l’habillement. 10 ans plus tard, des changements ont-ils été opérés dans le monde du textile ? Entre avancées fragiles et points d’attention... On fait le topo.

Quelles avancées ?

En dix ans, la situation a progressé (et heureusement !). On doit les avancées principalement aux syndicats locaux et à la mobilisation des citoyens et ONG.

L’accord Bangladesh et l’accord international

Signé en 2013, « l’accord Bangladesh » a défini certaines normes de sécurité dans le pays.

Dans cet accord, les entreprises s’engagent à[1] :

  • plus de transparence. Concrètement, elles sont tenues de lister leurs différents sous-traitants ;
  • faire inspecter la sécurité des bâtiments par un organisme indépendant et publier les rapports de ces inspections ;
  • participer financièrement à la rénovation des bâtiments au besoin et si un accident survient dans les usines ;

L’accord est juridiquement contraignant pour le signataire, mais les entreprises peuvent décider, ou non, de le signer. 200 organisations avaient signé la première version de cet accord.

Depuis 2021, cet accord s’est élargi et se nomme désormais « Accord international pour la santé et la sécurité dans l'industrie du textile et de l'habillement ». Il étend les règlementations à d’autres pays comme le Pakistan.

Le hic ? Cet accord expire après quelques années. De nouvelles négociations et mobilisations sont donc à chaque fois nécessaires pour renouveler la signature des marques. La prochaine négociation aura lieu en octobre 2023.

> La liste des signataires sur Clean Clothes Campaign.

Les victimes indemnisées

Après de nombreuses mobilisations citoyennes et actions de lobbying, les victimes de l’accident ou leurs familles ont finalement été indemnisées en 2015. Un total de 30 millions de dollars a été récolté grâce à un fonds « d’indemnisation des victimes » alimenté notamment par des marques confectionnant une partie de leur production dans ce bâtiment.   

Encore du chemin…

Peu de transparence et de prise de conscience de la part des entreprises

Dans les faits, trop peu de choses ont changé concernant les droits des travailleurs et travailleuses des usines textiles. Les marques manquent encore de transparence concernant leurs filières de production. On n’est donc pas à l’abri de catastrophes similaires à l’heure actuelle que cela soit au Bangladesh, au Cambodge, en Turquie[2],[3]

Et la fast fashion n’a pas manqué de succès 10 dernières années ! « L’ultra fast fashion » a même pointé le bout de son nez. Des vêtements encore moins chers, encore plus rapidement produits  et des scandales écologiques et sociétaux éclaboussant des marques assez régulièrement… [4] L’exploitation de l’humain et de la planète est toujours au cœur du modèle…

> Lire aussi : La fast fashion est-elle en perte de vitesse ?

Salaire vital

À l’heure actuelle, les marques ne sont toujours pas capables de prouver qu’elles permettent de payer un « salaire vital » aux salariés de leurs sous-traitants.

Par salaire vital, on entend « qu’en travaillant à temps plein, sans avoir recours à des heures supplémentaires ou à de multiples jobs, le salaire doit permettre de se nourrir, se loger, se vêtir, se soigner, accéder à l'eau potable, à l'éducation, aux transports, et enfin à une petite épargne permettant entre autres de faire face aux dépenses imprévues »[5]. Avec un salaire trop bas, les conditions de vie des travailleurs textiles restent compliquées. Ils sont bien souvent obligés de travailler plus qu’un temps plein ou de cumuler les emplois.

> En savoir plus sur le salaire vital

Rana Plaza : que s’est-il passé ?

Le Rana Plaza abritait cinq usines de confection de textiles d’habillement. La veille de l’effondrement, le bâtiment avait été évacué suite à l’apparition de fissures importantes dans les murs. Le 24 avril 2013, jour de l’accident, des pressions ont été mises sur les ouvriers pour qu’ils et elles reprennent leur travail. Menacés de ne pas être payés à la fin du mois, la majorité travailleurs est retournée travailler. Résultat, un bilan catastrophique en terme de morts et de blessés.

La faute aux employeurs ? Pas uniquement. Les acteurs se renvoient la balle. Les marques sont également en partie responsables. Le secteur de la mode s’est majoritairement délocalisé et sous-traite le travail de fabrication des textiles. La « fast fashion », en particulier, produit toujours plus, à des prix toujours plus compétitifs. Les marques demandent des délais de production très courts et font tout pour avoir accès aux prix les moins chers du marché. Tout cela au détriment des conditions de vie des travailleurs et du respect des normes de sécurité.

> Pour comprendre plus en profondeur, lire « Rana Plaza : qui est responsable et pourquoi sont-ils morts ? » d’Ach’ACT.

Ce tragique évènement est par conséquent rapidement devenu le symbole des dérives de la mondialisation, de la surconsommation de vêtements et des exigences du secteur de la fast fashion. 

Si l’accident du Rana Plaza n’est pas le seul accident grave qui a touché le secteur textile, il a de loin été le plus meurtrier et donc le plus médiatisé.

Comment agir à notre échelle ?

Une mode plus respectueuse, c’est possible. On peut se renseigner sur les marques, acheter des vêtements éthiques ou encore agir pour les droits humains.

On se renseigne sur les marques avant achat

L’outil « fashion checker » d’ach’ACT permet d’en savoir plus sur les engagements des marques. Le travailleurs reçoivent-ils un salaire vital ? La marque est-elle transparente concernant sa filière d’approvisionnement ? etc.

En choisissant des vêtements de marques plus éthiques, on soutient la dignité des employés.

On privilégie la mode durable

Opter pour les labels équitables et des vêtements « éthiques »

On retrouve sur les étiquettes le « World Fair Trade Organisation », le « Fairtrade Coton », « Fair Wear Fondation » et le label « Global Organic Textile Standard » (GOTS). Ces labels s’intéressant notamment aux conditions de vie des travailleurs, respects des droits humains, etc.

Labels textiles

 

> En savoir plus sur les labels textiles équitables 

Choisir la seconde main responsable

Aller dans des magasins labellisés Solid’R. Opter pour ce type de magasins permet d’assurer que ces magasins s’engagent au respect de règles éthiques et solidaires. On y retrouve Terre, les Petits Riens, Oxfam…

> On retrouve la carte des magasins ici.

Opter pour des marques belges

Les articles 100 % belges sont rares mais on peut opter pour des marques d’upcycling, des tissus belges, des concepteurs belges…

> Lire : Où acheter des vêtements, tissus et accessoires belges ?

Agir pour les droits sociaux des travailleurs textiles

Voici les propositions d’ach’ACt

  • Partiicper à la journée de commémoration « Rana Plaza never again » à 11h30 Bruxelles le 24 avril 2023.
  • Interpeller les marques et enseignes de mode pour qu’elles s’engagent dans l’Accord international pour la santé et la sécurité dans l’industrie textile et de l’habillement, au Bangladesh et au Pakistan : signer la pétition.
  • Suivre la campagne belge pour le devoir de vigilance des entreprises et interpeller les parlementaires belges pour une prise de position ambitieuse : Made with respect.

 Sources et pour en savoir plus