Tout doit aller vite ! Alors on est stressé et on consomme plus et mal. Comment ralentir pour vivre mieux ? Bienvenue, pas à pas, dans la vie côté slow.
Plus d’une personne sur deux aimerait ralentir son rythme de vie.[1] On vit à une cadence folle. Faute de temps et pour décompresser, on consomme des produits « vite faits mal faits ». Et on alimente sans le vouloir les dérives de notre société et son modèle économique basé sur la croissance.
Le mouvement slow se trouve à contre-courant de ce culte de la vitesse et de la performance. Il propose de ralentir pour gagner en qualité de vie, en sens, en convivialité... Son crédo pourrait être « moins mais mieux » ou même "less is more". Le principe s’applique à tous les domaines : les vêtements, la nourriture, les cosmétiques, le tourisme, l’éducation…
> Voir notre campagne "Less is more" et ses conseils pour se prédire un avenir radieux.
Tenté.e ? Cheminer vers plus de lenteur est un parcours personnel, où chacun est invité à trouver un nouvel équilibre qui lui convient. Il n’y a pas de formule clé en main. Alors voici quelques questions à se poser et des idées dont s’inspirer pour avancer pas à pas. Un article à lire… en prenant le temps de la réfléxion.
Sommaire :
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Imaginez : chaque jour, une banque magique vous verse 86 400€. Vous pouvez en faire ce que vous voulez ! Mais à condition de respecter ces quelques règles :
Alors, vous en faites quoi de vos 86 400€ ? Le premier jour, puis le deuxième, le troisième ?
On vous laisse réfléchir.
…
Au début c’est facile, on achète tout ce qui semble nous manquer. Pour nous, pour nos proches. On rembourse les prêts, on achète une maison, on part en vacances, on développe quelques projets… On finit par aider ceux qu’on ne connaît pas, parce que la somme est tellement importante qu’on n’arrive plus à tout dépenser.
Quelque chose comme ça ? C’est correct ? C’est en tout cas ce qu’ont répondu plusieurs groupes auxquels on a proposé cet exercice.
Ce qui est formidable, c’est que cette banque magique existe. Si, promis ! Mais elle ne délivre pas des euros, juste des secondes. Du temps.
Chaque matin, on dispose de 86 400 secondes qu’on doit dépenser dans la journée. On peut faire ce qu’on veut de son temps, le consacrer à soi-même ou aux autres. Et bien sûr, un jour, ça s’arrête.
Ça remet les choses en perspective, n’est-ce pas ? Alors, si quand on compte en euros ça semble démesuré, pourquoi quand on réfléchit en secondes, on semble pris de court ?
61% des belges ont le sentiment d’être débordés en permanence.[2] On a pris l’habitude de ne pas avoir une minute à soi.
Le quotidien est ainsi parsemé de « dépêche-toi » qu’on rabâche aux enfants, les amis se moquent de notre agenda de ministre, les « to do list » restent toujours inachevées et on en finit par se faire livrer des plats préparés non par envie mais pour gagner un peu de temps… Ça vous semble familier ?
Cela fait partie de notre époque. Tout doit être rapide, performant, utile… :
La lenteur, la flânerie sont devenues des défauts. Des défauts pourtant essentiels à la créativité… Et de la créativité, il en faut pour imaginer les solutions aux enjeux futurs, tel que le réchauffement climatique. La sociologue Elise Boulding écrivait à propos de l’épuisement temporel : « Si on est tout le temps essoufflé mentalement à gérer le présent, il ne nous reste plus d’énergie pour imaginer l’avenir ».[3]
Cette frénésie a aussi un coût personnel. On a le sentiment de ne pas avoir assez de temps et de ne plus arriver à suivre. Et on va jusqu’à perturber nos rythmes biologiques, à force de pousser notre organisme dans ses retranchements. Avec stress et fatigue à la clé.
C’est à ce moment que la « fast consommation » se propose de voler à notre secours. Elle mise sur la rapidité avec ses solutions et articles prêts à l’emploi. On en vient à consommer plus et mal :
> Pour en savoir plus, lire : Pourquoi être pressé fait consommer plus ?
Il est essentiel de se réapproprier son temps et diminuer la pression de l’accélération de nos vies. De « prendre » le temps pour ce qu’on juge prioritaire.
C’est ce que propose le mouvement slow life[5] qui touche à tous les domaines de la vie.
Mais attention, il n’est pas question de remplir les plages libres de son agenda d'activités zen. Ni de tomber dans l’autre extrême et de se déconnecter totalement du monde et des technologies.
La slow life propose d’apprendre à ralentir pour :
Ce n’est pas ne rien faire, mais faire différemment. Et se rendre compte que le temps n’est pas un ennemi.
Le temps est comparable à une ressource naturelle à utiliser avec conscience car son exploitation intensive est intenable. Repenser son rapport au temps aide à prendre conscience des limites individuelles, collectives et planétaires.
Si on peut ralentir dans de nombreux domaines, mettre en place ces beaux principes n’est pas toujours facile. Les changements d’habitudes peuvent angoisser, sans parler du regard des autres et des contraintes sociales. Dès que le rythme change, on est déstabilisé. Le meilleur exemple est le confinement qu’on a vécu : beaucoup de temps à disposition, l’interdiction de le dépenser dans les magasins... Cela nous a forcé à quitter notre rythme effréné et à voir les choses autrement.
Passer à la slow life doit donc aussi se faire… lentement. Rien de radical. On met en place des changements progressivement.
Voici quelques idées pour se mettre en route…
Enfin, on se déculpabilise. Prendre son temps n’est pas de la paresse mais s’écouter avec bienveillance. Suivre son propre tempo permet de gagner en bien-être et même en productivité.
Envie de faire un test pour voir où vous en êtes ? Voici un petit quizz réalisé par France Inter et l’ADEME.
Seulement 38 % des Belges consacrent plus de 30 minutes à préparer le souper.[9] Et qui dit peu de temps, dit plats vite prêts.
Pas étonnant donc que les aliments ultra-transformés représentent 50 à 90 % des nutriments dans les pays d’Europe Centrale et du Nord.[10]
> Lire aussi 10 produits du commerce qu'on peut fabriquer maison
Cela a des conséquences sur la santé. On constate que prendre le temps de préparer un repas (et prendre le temps de le manger) est souvent associé à des repas plus sains et à un indice de masse corporelle plus petit.[11] Pourquoi ? Parce qu’on utilise plus de produits frais que l’on prépare soi-même.
Cuisiner maison est non seulement meilleur pour la santé mais revient aussi moins cher. Manger moins de viande et préparer des repas maison permet d’économiser 600€ par personne et par an en moyenne.[12]
> Voir aussi : 7 astuces pour manger bio et pas cher et Comment manger durable et choisir entre bio, local, équitable ?
Mais soyons honnêtes : on ne va pas consacrer trois fois plus de temps à la cuisine du jour au lendemain. On commence donc par se faciliter la vie…
Quand on s’est un peu entraîné à préparer d’avance, on passe au batch-cooking : en 2h le week-end, on « pré-prépare » tous les plats de la semaine. On vous laisse chercher, internet regorge de menus hebdomadaires à batchccoker (ou cuisiner en lots).
Si on n’a pas la possibilité de prévoir un menu, rien n’est perdu pour autant. On privilégie alors les recettes simples, faciles et rapides à faire même si on n’a rien préparé.
Un dahl de lentilles ou des lentilles au lard sont deux exemples de repas rapidement prêts qui ne demandent pas plus de 30’ pour être prêts.
Elles se prêtent aussi très bien à la cuisson en grande quantité. Et on peut même superviser les devoirs des enfants pendant que cela cuit sans surveillance.
À table, on prend le temps d'apprécier chaque bouchée et la compagnie des personnes avec qui on partage le repas. Et on éteint son téléphone évidemment !
> Pour en savoir plus, lire aussi : La slow food pour lutter contre la malbouffe
La mode slow va à contre-courant de la fast fashion, cette tendance à vendre des vêtements tellement peu chers qu’on peut en changer sans réfléchir, presque comme s’ils étaient jetables. Le tout à grand renfort de nouvelles collections et actions promos comme les soldes. Évidemment, ils sont de mauvaise qualité, avec des impacts sociaux et environnementaux désolants. Mais force est de constater que beaucoup de personnes ont adopté le rythme de l’industrie des textiles.
La slow fashion propose un autre rapport aux vêtements. On résiste aux dérives de la mode pour mieux apprécier sa garde-robe. De nombreux consommateurs ont déjà pris le pas et achètent de moins en moins de vêtements au fil des ans.[13]
On diminue le nombre de pièces pour ne conserver que ses essentiels et ses pépites préférées. En bonus : on gagne du temps quand on doit choisir une tenue car faire son choix entre trois pantalons est plus rapide que d’hésiter devant une quinzaine et qu’on connaît bien les combinaisons qui fonctionnent. Et en plus on fait des économies !
On privilégie :
On applique ces principes pour les vêtements de tous les jours mais aussi pour les tenues de soirée, les vêtements d’extérieur, les habits de bébé…
> Découvrir tous nos conseils pour choisir des vêtements bio, éthiques, écoresponsables.
La cosmétique « slow » ou slow beauty invite à utiliser des produits d’hygiène et des cosmétiques de bonne qualité et de façon raisonnée. Sans céder aux sirènes du marketing et à ses belles promesses.
Pour la mettre en pratique :
Le mouvement est porté, en Belgique et en francophonie (essentiellement), par Slow Cosmétique et la mention du même nom.
Normalement, les vacances sont un moment de détente.
Mais elles peuvent être une grande source de stress : embouteillages pour arriver à destination, enfants agités dans l’avion, bagages perdus, hôtel décevant, devoir se lever avant les voisins pour réserver sa chaise longue au bord de la piscine, respecter un programme de visite super chargé pour voir un maximum de choses… Au final, on rentre bronzé mais fatigué.
Seul un tiers de vacanciers se dit plus reposé à la fin de ses congés.[14] On repartirait bien pour se reposer de ses vacances... Un comble !
Et si on sortait de ce cercle vicieux ? Quelques idées :
Pour beaucoup, les vacances sont aussi surtout l’occasion de passer de bons moments en famille ou entre amis, dans un rythme ralenti, loin du stress des tâches quotidiennes. Et pour cela, pas besoin de partir loin !
> Voir 8 conseils pour des vacances durables et nos bonnes adresses pour l’écotourisme.
Bien sûr cela n’empêche pas de s’offrir un beau voyage dans une contrée lointaine et de prendre l’avion. Dans ce cas, on préfère un séjour suffisamment long, qui donne le temps de découvrir le pays, de rencontrer les habitants et de se mettre au diapason des habitudes locales. Bref, partir moins mais mieux en profiter !
La tendance « slow » s’immisce dans une multitude de domaines. Signe, s’il en fallait encore, que le besoin de ralentir et de troquer la quantité pour la qualité touche tous les secteurs :
Mais aussi les slow home, slow book, slow cinema, slow TV, slow art, slow design, slow money, slow made, slow science/tech, slow web, slow marketing…
Prendre du temps peut sembler utopique quand on travaille à temps plein, qu’on doit s’occuper parfois seul.e des tâches ménagères et des enfants, avoir une vie sociale épanouie…
Quand toute la société fonctionne à grande vitesse, ralentir est un sacré pari ! Voici quelques écueils desquels se méfier.
« Consommer mieux, ça prend du temps au lieu d’en faire gagner ! », voilà ce que l’on peut parfois entendre. C’est vrai que ça peut demander du temps de préparer maison au lieu d’acheter tout fait, de se renseigner, de lire les étiquettes… Comme pour tout changement, il faut s’adapter.
C’est surtout au début qu’on doit « investir » du temps et de l’énergie pour mettre en place de nouvelles routines.[15] Après, on gagne du temps grâce à de nouveaux automatismes d’éco-consommation. Par exemple, la première fois qu’on fait une lessive maison, on met 3 ou 4 fois le temps nécessaire car il faut rassembler le matériel, vérifier les instructions à chaque étape... Et après, on le fait en 5 minutes sans même regarder la recette !
Pour les produits que l’on veut remplacer par du fait-maison, on met toutes les chances de son côté et on commence par des recettes faciles et sans trop de travail. Par exemple, le pain du paresseux (qui ne demande pas de pétrissage)[16] ou les yaourts qu’on peut oublier la nuit au four[17]. Ces recettes saines demandent un minimum de temps de préparation car il suffit de mélanger certains ingrédients puis de les oublier quelques heures. Ou la lessive au lierre, déconcertante de rapidité et de facilité, en plus d’être quasi gratuite.
Ceci dit, on n’oublie pas que le but n’est pas de « gagner du temps » pour faire plus et mieux. On est bien dans une logique de « ralentir » pour faire moins et mieux. Mais on s’autorise à y aller progressivement… et à utiliser des astuces pour faciliter le changement.
Prendre du temps pour soi, c’est super. Mais quand on a eu l’habitude de consommer pour se déstresser, cela peut aussi créer de l’angoisse. On comble le vide laissé par la surconsommation avec d’autres activités. Exit le lèche-vitrine du samedi qu’on troque contre la cuisine, le jardinage, le chant… en fonction de ses envies et besoins, seul ou à plusieurs.
Et on n’hésite pas à transformer certaines activités – ou certaines corvées ! – en moment collectif. Par exemple :
La société de consommation promettait de se simplifier la vie et de gagner du temps.[18] Le tout pour permettre aux femmes de s’émanciper. Évidemment, la slow life ne vise pas à renvoyer les femmes à la maison ou à augmenter leur charge mentale. La répartition des tâches, les moments rien que pour soi, le partage avec son.sa partenaire et ses enfants y ont la part belle.
Le but est au contraire d’ajuster son mode de vie à ses aspirations profondes.
Ralentir invite aussi à repenser son rapport au travail et à l’argent. Faut-il toujours « travailler plus pour gagner – et donc dépenser – plus » ? On peut considérer que l’argent a moins de valeur que le temps. Changer ses priorités et revoir sa consommation permet parfois d’opter pour une réduction du temps de travail.
Ce temps peut bien sûr être consacré à sa famille ou son foyer si on le souhaite. Mais ce n’est pas une obligation. Cela peut aussi être l’occasion de suivre une formation et ainsi se reconvertir vers une voie professionnelle qui nous convient mieux. Ou simplement prendre du temps pour soi. À chacun d’adopter le Slow qui lui correspond.
Et si réduire son temps de travail n’est pas une option, on peut toujours miser sur les bons plans pour gagner en budget et en qualité de vie.
La tendance « slow » ne doit pas être une énième injonction à bien faire qui génère encore du stress.
Ralentir c’est aussi prendre conscience de ses limites, comme de celles de la planète. On dispose de 86 400 secondes dans une journée, soit 24 heures. On se fixe donc des objectifs tenables qui n’impliquent pas de surconsommer. Le but n’est pas de remplacer un agenda trop rempli de shopping par un agenda trop rempli de contraintes écolos. On se donne le temps d’y aller pas à pas, sans se stresser.
Ce n'est pas grave de surcharger de temps à autres son agenda parce qu’on a plaisir à voir ses amis, même s’il y a un gros dossier à boucler au boulot et l’anniversaire du petit à préparer. Ou de manger parfois un plat préparé devant la télé.
Tant que ça reste l’exception plutôt que la règle, on savoure aussi ces instants-là.
Notre campagne 2020 est consacrée au thème « Less is more ». Elle propose de nombreuses suggestions pour réduire et ralentir afin de gagner en qualité de vie : santé, économies, convivilité, sens, pouvoir d'action, liberté.
> Voir les suggestions Less is more
On est entouré de livres, articles, coach pour apprendre à gérer son temps, nous organiser, lutter contre la procrastination, cultiver la lenteur ou le zen…
Par exemple :
Sources :
[1] 53% des personnes interrogées dans l’étude Harris interactive, 2018, Les Français et leur rapport au temps et 78% d’après une enquête ObSoCo de 2016.
[2] Enquête en ligne d’iVOX à la demande d’Omnivit, 2018
[3] En 1978 déjà ! “The Dynamics of Imagining Futures”, World Future Society Bulletin.
[5] Le mouvement Slow s’est bien développé depuis les années 80. Il a débuté par le Slow Food en Italie, pour s’opposer à l’apparition des premiers Fast Food. Carlo Pétrini proposait alors de retrouver le plaisir de cuisiner et de déguster.
[7] À force d’y voir nos contacts sous leur meilleur jour : belle maison, vacances paradisiaques… Selon Michael Stora, psychologue et fondateur-président de l’Observatoire des mondes numériques en sciences humaines dans Psychologies, 2016.
[8] Le mouvement « Slow Food » a été créé suite à l’établissement d’un McDonald’s à Rome, en 1986.
[9] Bel S. Temps de préparation et durée des repas. Dans : Lebacq T, Teppers E (éd.). Enquête de consommation alimentaire 2014-2015. Rapport 1. WIV-ISP, Bruxelles, 2015.
[10] Slimani et al. « Contribution of highly industrially processed foods to the nutrient intakes and patterns of middle-aged populations in the European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition study » (2009).
[11] Crawford et al. « Which food-related behaviours are associated with healthier intakes of fruits and vegetables among women? » (2007) et Chu YL et al. « Time spent in home meal preparation affects energy and food group intakes among midlife women. » (2012), cités dans Temps de préparation et durée des repas. (WIV-ISP, Bruxelles, 2015).
[13] 44% des consommateurs français déclarent avoir acheté moins de vêtements en 2018. Par contrainte économique pour 60% et par choix d’écoconsommation pour 40% d’entre eux. Source, enquête 2018 de l’IFM.
[14] D’après le sondage réalisé par Odoxa en 2017.
[15] D’après De Bouver, E., « Faire du ralentissement un droit pour tou.tes », Institut d’Eco-Pédagogie, juillet 2020.
[16] Voir une exemple de recette sur Régal de paresse.
[17] Voir un exemple de recette yaourt à oublier une nuit au four.
[18] Les salons des arts ménagers ont eu beaucoup de succès dans les années 1950-60 en France, avec des technologies promettant de libérer les ménagères. Source : Élisabeth Tissier-Desbordes, 2018. Le cours du temps et la course du consommateur