Pourquoi être pressé fait consommer plus ?

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Pourquoi être pressé fait consommer plus ?

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Aurélie Melchior

Boulot à finir, enfants à conduire, repas à préparer, vacances à organiser... On passe sa vie à courir. Et à consommer sans avoir le temps de réfléchir.

On a pris l’habitude d’être débordés, de ne pas avoir une minute à soi… 61% des belges ont même le sentiment d’être débordés en permanence ![1] Pris dans un cercle vicieux, on consomme plus et mal.

> Découvrir comment ralentir pour vivre mieux.

Sommaire :

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Un mal d’époque

Notre rapport au temps serait une crise majeure de notre époque. L'urgence, l'immédiateté, la vitesse, la performance seraient devenues des vertus, voire des moyens de lutter contre ses peurs[2].

Mais le problème c’est que cette accélération donne souvent le sentiment de ne plus arriver à suivre, allant jusqu’à causer stress et burn-out.[3] Et ce dès le plus jeune âge, avec les enfants assaillis de « dépêche-toi ».

Une vue du temps calquée sur l’économie

Notre conception du temps découle des logiques économiques modernes : rentabilité, vitesse et court terme. Comme le disait Benjamin Franklin : « Le temps, c’est de l’argent ».

Avec le développement des nouvelles technologies et des communications instantanées, la mondialisation et sa compétition permanente, on nous pousse à aller toujours plus vite. Et à viser sans cesse la croissance économique, l’augmentation du PIB, la rentabilité…

La logique de rentabilité contamine le temps personnel

Cette accélération s’immisce jusque dans notre temps personnel qui doit être utile, efficace et rentable.

« Le repos, les vacances, le sommeil, l’inactivité, le désœuvrement sont alors considérés comme des moments creux, vides, qu’il convient de remplir par une hyperactivité permanente », explique Vincent de Gaulejac, président du Réseau international de sociologie clinique.[4]

Près d’un belge sur deux a même le sentiment d’être constamment à la recherche d’une activité.[5]

Des conséquences sur la santé

À force de courir, on perturbe ses rythmes naturels. On se calque sur le tempo de la société, quitte à se décaler par rapport à la luminosité, aux saisons… que le corps devrait naturellement suivre.

L’immédiateté maintient notre corps en alerte permanente et cela perturbe nos hormones, notre système immunitaire… Avec à la clé une intense fatigue, une grande difficulté à se concentrer, du trac…[6]

Le temps devient alors une source de stress à laquelle on est en permanence confronté.

Le sentiment de manquer de temps

La majorité d’entre nous estime ne pas avoir assez de temps pour faire tout ce qu’on voudrait dans une journée.[7]

Selon certains psychologues, on aurait même l’impression que le temps s’accélère à cause de notre volonté de le saturer un maximum, de n’y laisser aucun moment vide.[8]

La fast consommation à la rescousse 

Face au stress et au manque de temps, la société de consommation a tout prévu. On consomme plus (et mal) pour gagner du temps ou pour compenser. Et pour fournir ces produits vite et à bas prix, on met toujours plus de pression sur les coûts, l’environnement et les travailleurs. La boucle négative s’auto-alimente…

Des technologies pour assister

On nous propose des stratégies et des machines pour optimiser notre temps dans tous les domaines :

Évidemment, certaines machines et technologies sont vraiment utiles, même dans la liste ci-dessus. Mais cette exagération fait bien tourner la production et la consommation.

L’instantanéité du shopping en ligne

Tout, à tout moment, est à la portée d’un simple clic.

Les achats en ligne nous font aller plus (trop) vite. Avec une coupure par rapport au moment présent : toute notre attention est absorbée par la machine jusqu’à perdre conscience de soi, de son environnement et la notion du temps.

Ce qui perturbe notre processus de décision… et bien sûr remplit notre panier.[9]

Consommer pour compenser

On hyperconsomme pour décompresser. À l’instar de la shopping therapy, l’achat améliore l’humeur car « la consommation joue un rôle de compensation au mal de vivre, au stress lié à la vie professionnelle », d’après le philosophe et sociologue Gilles Lipovetsky.[10]

Avec quelles conséquences ?

  • On cède à l’omniprésence des publicités et à la création de besoins à un rythme effréné. Les soldes, Black Friday, Cyber Monday, occasions (été, rentrée…) et fêtes (Halloween, Saint-Nicolas, Noël…) se multiplient et se succèdent sans temps mort. Chaque opportunité est bonne à saisir pour pousser à consommer des choses auxquelles on n’avait pas pensé et dont on n’a pas besoin. Tout ça dans une logique capitaliste qui crée des désirs pour étendre ses marchés.
     
  • On hyperconsomme au sens large. Cela signifie que la consommation ne consiste pas seulement à acheter trop de biens, mais que l’acte d’achat s’immisce dans tous les domaines de la vie. Pour communiquer via les réseaux sociaux, il faut acheter un smartphone, un abonnement internet... On dépense pour aller voir de plus beaux endroits. Pour se détendre, on peut opter pour du sport. Mais combien n'ont pas remis cela à plus tard car "il faut d'abord acheter le matériel" ? Même pour la marche, on finira par acheter la panoplie du parfait petit randonneur, avec la tenue, les bâtons de marches, les cartes…
     
  • On est tombé dans une consommation basée sur l’individu. Chacun possède son téléphone, son ordinateur, ses outils de bricolage et de jardinage, sa voiture, sa tente de camping… Alors qu’avant on partageait certains biens au sein de la famille ou de la collectivité. Maintenant, on dispose chacun de tout rien que pour soi, histoire de gagner du temps quand on veut l’utiliser.
    > Lire aussi : La location de matériel pour éviter de s’encombrer et de dépenser.
     
  • On est hyperconnecté de peur de manquer un évènement important.[11] Ce qui prend du temps et développe une anxiété sociale qui amène à passer environ 2 heures par jour sur les réseaux sociaux. Quitte à rogner sur son temps de sommeil, social... Ironiquement, ce sont les plus grands utilisateurs des réseaux sociaux qui estiment le plus manquer des moments ou des expériences amusantes.[12]
     

Pas une fatalité ?

Face à ces enjeux, pour l’individu, pour la société et pour l’environnement, une contre-tendance est née. Le mouvement Slow vise à ralentir le rythme, pour gagner en qualité de vie.

Ralentir peut être une révolution, mais cela peut aussi se faire petit à petit, en remettant en question ses habitudes, son rythme, ses priorités.

> Lire : Slow life : comment ralentir pour vivre mieux et préserver la planète ?

 

[1] Enquête en ligne d’iVOX à la demande d’Omnivit, 2018

[2] Peur de déplaire à ses parents, d’être vulnérable, du vide… Source et plus d’infos ici Psychologies.

[3] Chabot, 2013. Global  burn-out. Presses  universitaires  de  France,  coll.  «Perspectives critiques», Paris.

[5] 47%, Enquête en ligne d’iVOX à la demande d’Omnivit, 2018

[6] Psychologies, 2013. Comment trouver son rythme ?

[7] 65% des personnes interrogées dans l’étude Harris interactive, 2018, Les Français et leur rapport au temps

[9] Helme-guizon, 2001. Le comportement du consommateur sur un site marchand est-il fondamentalement différent de son comportement en magasin ? Proposition d'un cadre d'appréhension de ses spécificités in Recherche et Applications en Marketing 16(3):25-38

[10] Interview du philosophe et sociologue français Gilles Lipovetsky dans Le Soir.

[11] FOMO : Fear of missing out ou la peur de manquer un évènement important.

[12] Enquête en ligne d’iVOX à la demande d’Omnivit, 2018.

 

Voir aussi

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