Pour le climat, il n’est pas trop tard mais il faut des actions fortes et rapides. C’est en substance l’alerte lancée par le GIEC[1] dans la synthèse de son sixième rapport, présenté le 20 mars.

Hasard du calendrier, le soir même la Wallonie adoptait son Plan Air Climat Énergie 2030, avec l’ambition de réduire les émissions wallonnes de gaz à effet de serre de 55 % d’ici 2030. Des annonces sur l’augmentation des primes à la rénovation ont rapidement suivi mais restent toutefois à confirmer.

On fait le point sur cette semaine riche en actualités pour le climat.

Le message du GIEC : il n’est pas trop tard mais ça urge !

Le 6e rapport du GIEC[2] confirme ce que l’on savait déjà : le climat se réchauffe sans équivoque à cause des activités humaines (par le biais de leurs émissions de gaz à effet de serre). On constate une augmentation de +1,1°C [3]. Pour rappel, depuis l’accord de Paris, les pays ont l’ambition de limiter le réchauffement à 2°C, idéalement même à 1,5°C.

> Voir : L’accord de Paris sur le climat, c’est quoi encore ?

Les effets du réchauffement du climat se font déjà sentir, notamment par des phénomènes météorologiques extrêmes plus fréquents et plus intenses. Les chaleurs extrêmes ont déjà entraîné des morts sur tous les continents et la poursuite du réchauffement va augmenter l'insécurité en matière d’alimentation et d'approvisionnement en eau. Chaque dixième de degré compte.

> Lire aussi : Quelles sont les conséquences du changement climatique ?

La justice climatique est indispensable

Si on regarde les émissions de gaz à effet de serrés liées à la consommation, on constate que :

  • 10% des ménages sont responsables de 34 à 45 % des émissions. Ce sont ceux qui ont l’empreinte climatique la plus élevée[4].
  • 50% des ménages contribuent pour seulement 13 à 15 % du total. Leurs émissions de gaz à effet de serre par habitant sont les plus basses.

Par contre, les 10 % les plus responsables sont aussi les moins exposés aux conséquences des changements climatiques. C’est pourquoi ceux qui contribuent le plus au réchauffement climatique doivent aussi contribuer le plus à mettre en place – et financer –  les solutions pour le limiter et s’y adapter.

Christopher Trisos, co-auteur du rapport commente : « Nous ne pourrons pas accélérer l'action climatique si nous ne multiplions pas les ressources que nous lui affectons. L'insuffisance et l’inadéquation du financement freinent les progrès .»[5].

Il y a urgence

La concentration en CO2 (410 ppm) était plus élevée en 2019 que pendant les deux millions d’années précédentes. Les concentrations de deux autres gaz à effet de serre, le méthane et le protoxyde d’azote, n’avaient pas atteint de tels niveaux sur les 800 000 dernières années.

Suivant le moment de sa naissance, un individu aura plus ou moins de chances de connaître un réchauffement élevé ou pas :

  • une personne née dans les années 1950 connaît un réchauffement modéré (+1,1 °C par rapport à la période pré-industrielle) ;
  • une personne née en 2020 connaîtra un réchauffement global qui pourrait être très élevé (4°C en moyenne mondiale dans le pire des cas).

Climat - générations

Le rapport pointe qu’il y a une fenêtre d’opportunité pour garantir un avenir durable et viable pour tous mais que cette fenêtre se referme rapidement. Une action ambitieuse, rapide et soutenue réduirait non seulement les pertes et dommages pour les humains et les écosystèmes mais elle offrirait aussi de nombreux autres bénéfices, notamment pour la qualité de l’air et la santé.

> Lire : Comment vivre sereinement avec son éco-anxiété ?

Les solutions sont connues

Il est encore possible de diviser nos émissions de gaz à effet de serre par deux d’ici 2030 (alors que pour le moment on est plutôt sur une trajectoire de +15 %).

> Lire : Comment réduire les émissions de gaz à effet de serre de 50 % ?

Dans un graphique synthétique, le GIEC indique :

  • le potentiel de différentes techniques pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ;
  • le coût de chaque solution par tonne d’éqCO2[6] économisée.

Actu-GIEC
 
Source de l’illustration : LaLibre.be, d’après le résumé pour les décideurs du rapport du GIEC.
L
es parties en bleu sont des techniques dont les bénéfices sont plus grands que leurs coûts.

Parmi les options qui permettent de réduire le plus fortement les émissions (en milliards de tonnes de CO2 par an) :

  • L’éolien et le solaire (tout en haut sur le graphique) sont celles qui présentent le plus grand potentiel de réduction des émissions et à coût réduit.

    Ça ne veut pas dire que ça suffit ou qu’on peut en installer à tout va mais c’est important de rappeler ces atouts à l’heure où beaucoup critiquent ces énergies renouvelables intermittentes et gourmandes en ressources[7].

    Il faut en tout cas réduire de manière drastique l’utilisation d’énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon). Or les flux financiers pour développer ces énergies sont plus élevés que ceux consacrés à l’atténuation (diminution des émissions) et à l’adaptation aux changements climatiques !
  • La biodiversité est notre alliée dans cette lutte contre les changements climatiques. Réduire la conversion des écosystèmes naturels, séquestrer le carbone dans l'agriculture et restaurer des écosystèmes sont des mesures avec de fort potentiels de réduction des émissions. Elles sont toutefois coûteuses.

> Lire aussi : Un accord historique pour les hautes mers et COP 15 Biodiversité : peut-on se réjouir ?

À l’inverse, le captage et la séquestration de carbone fossile ont un coût beaucoup plus élevé (50 à 200 dollars par tonne évitée) et un potentiel de réduction plus faible (moins d’un milliard de tonnes). Cela ne signifie pas qu’il ne faille pas faire de séquestration du tout.

On voit aussi qu’il ne suffit pas de déployer des solutions techniques mais qu’il faut également augmenter la sobriété (par exemple adopter des modes de déplacement actifs, manger moins de viande…) et l’efficacité (isoler les bâtiments, avoir des véhicules électriques et plus petits…).

Une forte réduction de la demande permettrait de diminuer les émissions de 40 à 70% suivant les secteurs :

Actu - GIEC

Source de l’illustration : LaLibre.be, d’après le résumé pour les décideurs du rapport du GIEC.

Réduire mais aussi s’adapter

À côté des actions pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre, il faut aussi s’adapter aux effets inéluctables des changements climatiques. Nos sociétés doivent anticiper pour mieux résister aux chocs : adapter les systèmes agricoles, réaménager les villes en vue des vagues de chaleur, améliorer la capacité à absorber les fortes pluies pour réduire les inondations, préserver les forêts…

> Voir : Adaptation au changement climatique : comment se préparer ?
 

La Wallonie a adopté son Plan Air Climat Énergie

Cette semaine, la Wallonie a aussi adopté son PACE 2030 (ou Plan Air Climat Énergie). Il s’agit de son plan d’actions pour :

  • réduire de 55 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990). L’un des axes majeurs est l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments. Un calendrier progressif a été établi pour la rénovation des logements, que le propriétaire l’occupe ou le mette en location ;
  • doubler les énergies renouvelables pour 2030 et sortir complètement des énergies fossiles en 2050 ;
  • améliorer la qualité de l'air.

> Le PACE peut être consulté sur le site de l’Agence wallonne pour l’Air et le Climat.

Dans la foulée, les primes à la rénovation devraient être augmentées en 2023. Le nouveau régime de primes, adopté en 1e lecture par le Gouvernement wallon, doit encore être soumis à différents avis avant d’entrer en application dans le courant de l’année.

> Lire aussi : Du nouveau dans les primes énergie en Wallonie

On peut toutefois regretter que certaines mesures n’aient pas été retenues dans le PACE alors qu’elles seraient utiles pour atteindre les objectifs, comme la limitation à  100 km/h sur autoroute ou un frein au développement des aéroports.

Plus d’infos


[1] Le GIEC est le groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

[2] Le rapport du GIEC fait le point sur l’ensemble des  connaissances sur le climat. La dernière fois qu’il s’était prêté à cet exercice colossal c’était en 2014. Colossal parce que le rapport fait la synthèse de 10 000 pages d’études sur le climat. Un résumé pour les décideurs de 37 pages est disponible (en anglais).

[3] Par rapport à la période préindustrielle 1850-1900

[4] C’est-à-dire le plus d’émissions de gaz à effet de serre par habitant.

[6] éq CO2 = équivalent CO2. Le CO2 représente 80 % des gaz à effet de serre émis par les activités humaines. Mais on produit aussi d'autres gaz à effet de serre : le méthane, le protoxyde d'azote et les gaz fluorés notamment. Suivant leur pouvoir de réchauffement, on transforme l’ensemble de ces gaz en équivalent CO2, une unité commune pour quantifier l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre.

[7] Intermittentes parce qu’elles dépendent du vent (qui ne souffle pas tout le temps) et du soleil (pas de production la nuit). Par ailleurs elles consomment davantage de matériaux (béton, métaux) que les autres moyens de production d’électricité.

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