Observer et connaitre son terrain, créer le design et un plan de culture, inviter la biodiversité au jardin… Petit guide pour créer un potager en permaculture.
Envie de transformer son jardin en potager en permaculture ? Le mot d’ordre : travailler avec la nature et non contre elle. On passe en revue les étapes pour intégrer au maximum les techniques et principes de la permaculture.
> Lire aussi : La permaculture, c'est quoi ?
Plus qu’une technique de culture, la permaculture est une manière différente d’approcher les choses. On considère son espace comme un écosystème, qu’on observe afin de le rendre plus résilient et autonome.
Sommaire
- - - - - - - - - - - - - - -
La première étape est de bien comprendre son terrain. Avant de créer le design de son futur potager, on commence par observer et analyser l'espace à disposition. C’est sur cette base qu’on pourra créer un écosystème qui respecte l'environnement et nos besoins tout en favorisant des interactions positives.
À chaque terrain correspondra un design de permaculture unique. Évidemment, ce design va évoluer avec le temps, au fil de nos observations (au cours des saisons et des années), de nos besoins et de nos envies.
Observer, analyser, créer un plan… ce sont des étapes qui peuvent sembler fastidieuses mais qui sont essentielles. On évite certaines erreurs ce qui, à terme, fait gagner du temps.
Qu’on le veuille ou non, certains éléments sont inhérents à l’emplacement de notre terrain. On se renseigne sur ces points.
Qu’y avait-il sur le terrain avant qu'on le prenne en charge ? Une industrie, des cultures (en bio ou non ?) ou d’autres activités ?
On se renseigne via les relevés cadastraux, les anciennes cartes de la région, le voisinage… Cela donne une première série d’infos. Par exemple, si le sol est pollué, il est peut-être plus intéressant d’opter pour la culture en bac car dépolluer un sol est coûteux et énergivore.
On regarde où on se situe. Quelles sont les températures moyennes ? Les températures minimales ? Que sait-on de la pluviométrie ? Ce contexte influencera nos choix, le calendrier de légumes et fruits ainsi que les aménagements.
Toutes les plantes ne sont pas adaptées à tous les climats. En Belgique, par exemple, il fait plutôt humide. Avec cette info en tête, on sait que :
Le site Tout connaître sur la permaculture propose plus d'infos sur le microclimat au jardin.
On sort son bloc-notes et on part au jardin annoter le plan ! Si on n'a pas encore de plan du terrain, on en crée un au fur et à mesure de l'exercice.
On observe les caractéristiques du terrain. En permaculture, on part de l’essentiel avant d’aller dans les détails. Alors on s’attarde d’abord sur la vue d’ensemble. Voici des éléments importants à relever.
On observe l’ensoleillement de sa parcelle. Comment le terrain est-il orienté ? On note les zones d’ensoleillement et d’ombre selon le moment de la journée et la saison. Cela va permettre d’estimer le nombre d’heures d’ensoleillement de chaque zone. On réfléchit également aux changements qui peuvent subvenir au fil du temps : des arbres qui continueront de grandir, un terrain à bâtir juste à côté qui fera bientôt de l’ombre, etc.
Grâce à ces infos et selon les saisons, on pourra ainsi choisir où planter quelles haies, légumes et fruits, où installer un poulailler, une serre… On identifie aussi les zones qui se réchaufferont le plus vite au printemps, les zones qui resteront plus humides...
D’où viennent les vents dominants ? On note ! Certaines plantes potagères n’apprécient pas les grands vents. On pourra tenter de les atténuer grâce à des haies, des arbres…
La parcelle est-elle en pente ? Il faudra en tenir compte dans l’aménagement. Le souci principal des terrains en pente est la gestion de l’eau. L’eau s'accumule en contrebas et les hauteurs sont plus sèches. Alors si on souhaite aménager un terrain en pente, on considère les options : réaliser des terrasses de culture, installer des récupérateurs d’eau de pluie, créer une mare en contrebas…
> Rustica et Agrivert, notamment, proposent plus d'infos sur les techniques de jardinage en pente.
Les installations et cultures déjà présentes
Qu’y a-t-il déjà sur le terrain ? Arbres, bâtiments, pierres, points d’eau, voisinage, routes, zones humides… On note tout pour en tenir compte dans ses projets. Si certaines choses ne nous conviennent pas, on voit aussi si on doit/peut modifier les éléments déjà en place.
Plan de la situation initiale (ombres, vents, arbres…) - Source : Permaculture pour tous
Le sol est-il acide ou basique ? Argileux ou sableux ? Quels nutriments contient-il ? Toutes ces caractéristiques sont intéressantes à prendre en compte. Grâce à ces infos, on voit comment améliorer la qualité des terres et on identifie les plantations qui s’épanouiront le mieux.
Par où commencer ? On peut réaliser certains tests soi-même, d’autres nécessitent des analyses plus poussées en labo.
Différentes structures de sol – Source : Equip’Jardin Blog
C’est maintenant qu’on décide ce qu’on va créer comme espace. On tient compte des contraintes observées. Et on liste ses besoins et envies : potager, jardin-forêt, poulailler, espace sauvage, arbres fruitiers, ruches, mare, verger…
On garde en tête deux éléments clés de la permaculture :
On découpe le terrain en zones de 0 à 5 selon la fréquence à laquelle on doit se rendre sur chaque partie de la parcelle (en fonction du besoin d’attention et de visites). La zone 0 est l’habitat, la zone 1 nécessite une visite « intensive » (par exemple le potager), etc. Au plus loin se trouve la zone 5 qui est laissée sauvage. On peut ainsi optimiser son efficacité, son temps et son énergie.
À gauche : zonage en théorie (à gauche) - Source : Prise2Terre - À droite : zonage en pratique – Source : Permaculture Design
Comment estimer les récoltes qu’on peut obtenir grâce à un plant de tomates ou de courgettes ? Et calculer ainsi le nombre de plantations nécessaires pour nourrir sa famille ? Pas évident… Heureusement, certains sites fournissent des estimations, comme Gamm Vert, Le jardinier paresseux, plan de Jardin… Cela permet d’avoir une première idée de l’espace nécessaire pour chaque variété. On pourra adapter le nombre de cultures pour les années suivantes selon les retours.
C’est aussi le moment de décider sous quelle forme on va installer les espaces de culture. En buttes ou non, sous forme de mandala, en clé de serrure (alimenté par un compost au milieu)… On s’inspire de projets déjà réalisés pour cerner les avantages et inconvénients de chaque agencement.
De gauche à droite : potager en mandala (source : Ferme du bec Hellouin), buttes de culture (source : Tomate et basilic) et potager en clé de serrure (source : Le potager permacole).
Il est aussi possible de faire un potager sur de petits espaces et même sur un balcon. Bien sûr, il sera plus difficile d’être autonome avec un petit espace… Même si la permaculture permet d’avoir une culture plus « intensive », il faut tout de même laisser un peu place aux plants pour se développer. Mais toute culture est bonne à prendre, on participe déjà à son échelle à la résilience alimentaire.
> Voir : C'est quoi la résilience alimentaire ?
Alors on fait le plan de son balcon/ses appuis de fenêtre et on réfléchit à la taille des pots nécessaires, à ce qu’on veut y mettre… Bref, on fait le même exercice que pour un jardin.
On a déterminé l’espace alloué au potager ? On peut alors passer au plan de cultures. Il s’agit d’une sorte de plan d’action qui va nous aider à organiser l’espace et optimiser les récoltes[2]. C’est l’étape où on choisit ce qu’on plante selon ses goûts, les associations favorables, l’ensoleillement, la temporalité… C’est aussi le moment d’anticiper les rotations de cultures.
Alors, qu’est-ce qu’on choisit comme plants ? Voici différents facteurs à prendre en compte.
Qu’est-ce qu’on a envie de cultiver ? Bien sûr, on ne plante pas 3 rangées de choux si que personne n’aime en manger à la maison ! On pense aux légumes fleurs, légumes feuilles, légumes, fruit, légumes racines…
Bon plan : il existe des « légumes perpétuels » qui ne nécessitent donc pas d’être replantés chaque année ! Un gain de temps et d’énergie : on est donc en plein dans l’esprit de la permaculture.
> Lire : Quels fruits et légumes perpétuels planter au potager ?
La diversité des cultures et des variétés permet d’avoir une foule de saveurs dans l’assiette mais également de profiter des caractéristiques propres à chaque variété : résistance à certaines maladies, précocité ou récolte sur le tard, locales et/ou rustiques…. On augmente ainsi la résilience de son jardin.
> Voir une liste de légumes simples à cultiver qui répondent à ces critères.
Sur une même parcelle, on essaie d’alterner les cultures au fil des saisons. Cela permet d’avoir plusieurs productions successives, tout au long de l'année, sans avoir besoin d'une grande parcelle. On s’aide d'un calendrier des semis qui indiquent le moment idéal pour planter et donnent une idée des dates de récolte.
Calendrier des semis - Source : Cycle en Terre (à télécharger en grand format sur leur site)
On ressort le plan de la parcelle qu’on a réalisé auparavant et on s’intéresse aux zones d’ensoleillement. Quelle zone correspond au besoin de chaque plante ? On différencie plusieurs types d’ensoleillement :
On prête aussi attention aux associations favorables ou défavorables. Certaines plantes attirent les prédateurs ennemis, d’autres amènent de l’ombre, forment un support pour les plantes grimpantes, fixent l’azote dans le sol… On anticipe les combinaisons gagnantes !
Par exemple, le céleri s’entend avec la bette mais pas avec les carottes et la tomate a de nombreuses plantes compagnes.
> Lire : Associer les cultures au potager pour jardiner sans pesticide.
Et si on réfléchissait à l’évolution de nos cultures dans les prochaines années ? Certaines plantes sont gourmandes en nutriments, alors que d’autres en produisent. On peut miser sur la rotation de cultures pour éviter d’appauvrir le sol et d’avoir des récoltes qui diminuent d’année en année.
Plan de rotation sur 6 ans - Source : écoconso
C’est le moment de coucher sur papier (ou ordinateur) notre plan de culture en tenant compte tous les points évoqués. Cela permet de visualiser l'espace par saison.
Exemple d’un plan concrétisé de potager en permaculture tenant compte des associations - Source : Jardin aux 1000 mains
On détermine l’emplacement du poulailler, d’une remise, s’il faut faire une mare, où l’on veut de l’ombre dans son espace, une haie… On imagine et on teste en fonction de ce que l’on a vu sur les plans descriptifs de son espace.
Les haies sont intéressantes à plus d’un titre ! Elles peuvent apporter de la nourriture, servir de brise-vent et même de refuge et de garde-manger pour la faune.
> Lire : Pourquoi planter une haie et quels arbres et arbustes choisir ?
Exemples de designs de jardins - À gauche, source : Permaculture pour tous et à droite, source : Permaculture Design
Les poules, les canards, les moutons et les chèvres, entre autres, sont des alliés de taille en permaculture.
Poules, canards coureurs indiens et moutons comme compagnons de jardin
Après avoir analysé son terrain et son sol, on réfléchit à ce qu’on peut faire pour en prendre soin, voire l’améliorer[3].
Il existe une foule de techniques pour préparer le sol. On préfère celles qui respectent le plus la vie des sols. On évite par exemple le labour (retourner la terre) et on opte pour le « décompactage » et l’aération du sol. On utilise des outils comme la grelinette ou on plante certains végétaux « décompactants »[5] (mais cela nécessite de s’y prendre quelques mois, voire une année à l’avance !).
> Lire : Comment préparer le sol pour un potager ?
Améliorer la qualité du sol est une bonne idée. À chaque problème sa solution.
Par exemple :
> Voir : Quel engrais naturel utiliser au jardin ?
On parle souvent de buttes en permaculture. On garde en tête que toutes les buttes ne sont pas forcément de la permaculture… Et qu’à l’inverse, on peut faire de la permaculture sans butte.
Buttes en lasagne, en sandwich, en clé de serrure… Chaque type de butte a ses avantages et inconvénients. Mais voici les atouts communs à toutes les buttes :
Le désavantage ? La création de buttes demande beaucoup de travail. Mais une fois qu'elles sont en place, le gros du travail est fait pour quelques temps !
Permaculture Design propose plus d'infos sur les buttes en permaculture.
Schémas de différentes buttes de culture. En haut à gauche : en lasagne (source : le wiki de l’agriculture Urbaine), en haut à droite : en sandwich et en bas : de Forrer (source : Le blog des Dames)
Protéger les sols signifie aussi les respecter pour favoriser une terre vivante. Alors on accueille chaleureusement les lombrics, vers de terre, larves d’insectes, microorganismes…
Pour favoriser ce sol vivant, on peut prendre plusieurs mesures :
Qu'est-ce qu'un terre vivante ? Le site Jardinons Sol Vivant en explique les bases.
Dans la nature, le sol est toujours couvert de végétaux, d’herbes, de feuilles mortes, de mousse… Bref, il est rarement « à nu ». Et cela a plus d’un avantage : éviter l’érosion, protéger les organismes du sol, maintenir l’humidité…
Installer une couverture de sol est donc une bonne pratique à adopter au potager et au jardin. On dépose quelques centimètres de matières naturelles sur le sol. Ils se décomposeront au fil du temps.
On parle aussi de mulching (avec du mulch, qui signifie couverture du sol) ou de paillage (avec du paillis), même si on peut couvrir le sol du jardin ou du potager avec d’autres matériaux. C’est l’idéal pour les parcelles qu’on ne va pas cultiver tout de suite.
> Lire : Paillage, mulch and co : quelle couverture de sol utiliser au jardin ?
Exemples de paillages : à gauche avec de la paille, à droite avec des feuilles mortes.
Une fois que les plans sont faits et que la terre est prête, on peut passer aux plantations. On choisit des semis ou des plants, on sort le matériel et on met enfin les mains dans la terre !
Faire ses propres, c'est assez facile.
> Voir : Faire des semis pour le potager en 9 questions-réponses.
Où trouver les graines ? Dans l’esprit de la permaculture, on favorise une diversité des variétés et on opte pour des semences dites paysannes plutôt que des hybrides F1 dont on ne pourra pas récolter les graines. On peut aussi récolter ses propres graines d’année en année.
> Lire : Quelles graines pour réussir son potager ? et Récolter les graines de son potager en 5 étapes.
Si on n’a pas le temps ou l’énergie de faire des semis, on achète des plants prêts à repiquer. Toujours dans le respect de l’éthique de la permaculture, on préfère des plants bio.
Où les acheter ?
> Voir : Lise de pépinières où acheter des plantes indigènes ou bio.
Pas besoin de courir au magasin le plus proche ! On sélectionne quelques outils vraiment utiles, quitte à en emprunter ou louer certains au début.
> Lire : Faire son potager : Matériel et outils indispensables
La (bio)diversité est centrale en permaculture. Elle augmente la résilience de la parcelle face aux aléas climatiques, aux ravageurs, aux maladies… Elle permet aussi d’assurer de nombreuses fonctions : stockage de carbone, accueil d’insectes et d’oiseaux auxiliaires de cultures…
On peut amener de la biodiversité de différentes façons. Bien sûr, on peut planter différentes variétés de fruits et légumes. On peut aussi intégrer des végétaux non comestibles pour les humains mais intéressants pour la biodiversité (haies, arbres, fleurs…). On pense ici à des plantes comestibles pour les insectes et/ou les animaux ou encore à des plantes qui peuvent leur servir de logis ou d’abri. On faire attention à laisser des espaces où les petits mammifères peuvent passer ou se réfugier.
> Voir : 8 idées pour favoriser la biodiversité au jardin.
On évite les pesticides. Mais on ne laisse pas pour autant les cultures se faire ravager !
> Voir comment éviter les maladies et ravageurs au jardin de manière naturelle.
Les auxiliaires de culture - Source : Permaculture Box
En permaculture, on essaie de fonctionner en ayant le moins d’impact possible sur l’environnement. On évite les intrants et pesticides chimiques, on ne produit pas (ou peu) de déchets, on utilise des ressources renouvelables, on collecte et on stocke de l’énergie…
On essaye de ne pas (trop) dépendre des énergies fossiles. Pour cela, on évite de chauffer les serres, on respecte le cycle des saisons et on préfère les énergies renouvelables.
On pense aussi à l’énergie solaire qui peut être utile pour une serre ou un séchoir par exemple. Les sites Solar Brother, L'autonomie au quotidien ou Les sourciers proposent des plans gratuits pour fabriquer un séchoir solaire soi-même.
On adopte de bonnes pratiques pour économiser l’eau.
> On en apprend plus dans les articles de Semailles et du Potager Permacole.
On préfère des outils et matières issus de ressources renouvelables. Par exemple, on utilise plutôt des paillages faits maison (tontes d’herbes, broyats d’arbustes…) ou qu’on a trouvés à proximité. On évite par exemple les géotextiles et les matières plastiques qui vieillissent mal.
Pour gérer les « déchets » du potager, on opte pour le compostage.
> Lire : Tout ce qu'il faut savoir pour réussir son compost.
D'ailleurs, en cuisine aussi, on réduit les gaspillages. On donne les fanes ou les cosses aux poules ou on cuisine l'entièreté des fruits et légumes, pelures et fanes compris ! Avec un peu d'imagination, rien ne se perd, tout se transforme !
Les récoltes sont (trop) abondantes ? On se renseigne sur les nombreuses techniques de conservation pour en profiter (presque) toute l’année : clayettes, conserves à l’huile, séchage, lactofermentation…
> Voir : Comment conserver ses fruits et légumes de saison ?
> Plus de livres sur la librairie permaculturelle
[1] « Le changement climatique en Belgique–Avant-propos. » Born, C. H., Brouhns, I. S., & Misonne, D. (2018).
[3] « Prendre soin du sol » était un des trois piliers fondamentaux de la permaculture.
[4] Les couches à la surface du sol sont les plus fertiles. Mais à cause de la pluie et des ruissellements, la terre à nu perd ses couches supérieures, c’est ce qu’on appelle l’érosion.
[5] Que l’on peut notamment trouver dans les « engrais verts »
[6] Envie d’en apprendre plus sur les processus associés à ces plantes ? L’article de Terre Inovia permet de répondre à ces questions.